Un pas en arrière. Unearthly Trance nous avait quittés en 2010 avec une dernière œuvre,
V, qui avait laissé plus d'un sur le carreau. Jusqu’au-boutiste, terne, aux guitares semblant avoir oublié toutes notions de « riffs », cet album montrait l'aboutissement d'une certaine logique à aller le plus loin possible dans l'abattement, le misérable, au point de faire passer l'arrêt des activités du groupe pendant de nombreuses années comme une évidence (mais ils n'ont pas chômé, loin de là, cf. les réalisations de Serpentine Path, Thralldom, The Howling Wind ou encore Force & Fire sorties durant ce laps de temps). Car quelle suite apporter à... ça ?
Un autre pas en arrière. Le mien, qui dois vous avouer que j'ai eu jusqu'à récemment une position d'entre-deux concernant Unearthly Trance. C'est que j'ai longtemps vu ce groupe comme d'autres aiment le présenter : une formation condamnée à l'underground tout en captant un certain esprit d'époque, celui du sludge et du doom des années 2000, éclectique, enfant de Neurosis et Godflesh plus que de EyeHateGod ou Black Sabbath, aux sorties aussi différentes que modestes. Un sentiment qui a évolué avec le temps, car si je continue de trouver ce qui est généralement considéré comme sa pièce maîtresse (
The Trident) plutôt commune, des disques comme
Electrocution et
V ont su, à force de passage et repassage, me mettre sous leur joug. Unearthly Trance, groupe obscur, difficile à sa manière, mais finissant par devenir une référence.
Retour au présent, où se posent les questions classiques à chaque fois qu'un (relativement) ancien groupe revient aux affaires. Qu'attendre de Unearthly Trance aujourd'hui ? Est-il à la hauteur ? Fait-il plus que capitaliser sur ses méfaits précédents ? Les réponses à ces quatre questions sont, dans l'ordre : « Tout », « Oui ! », « Oui, même si cela met un peu de temps à se voir » et « Il n'y a pas de quatrième question, suivez un peu ». « À la hauteur », les Ricains le sont largement, devenant sur
Stalking the Ghost une bande de vieux sûre d'elle et de ce qu'elle fait. Y a-t-il besoin de préciser à quelle formation l'on pense progressivement, à l'écoute de ces riffs qui dépeignent tranquillement (en surface) leurs ambiances, et qui pourtant finissent par nous retourner ? De souffler le nom de cette autre congrégation de barbus qui, pareillement qu'ici, joue sa musique car elle est sienne, comme un sang que l'on ne souhaite pas changer, juste à faire monter aux tempes ? Oui, Neurosis est une nouvelle fois un nom qui s'impose à l'esprit à l'écoute d'un titre comme « Lion Strength », celui tardif plus particulièrement, seulement, peut-être bien pour la première fois concernant les créateurs de
In the Red, il ne reste pas à l'esprit comme un géniteur – mais comme un frère, à retrouver à l'orée du bois, sous un ciel de cimetière, pour hurler de concert.
Il y a tout Unearthly Trance sur
Stalking the Ghost : ces guitares qui écrivent le mot « doom » en lettres capitales – inutile d'insister sur la ressemblance entre la ci-présente pochette et une autre de Black Sabbath, elle saute aux yeux –, ce sludge qui sue son poison par tous ses pores malgré une propreté de surface, ce black metal qui ronge l'espace de sa nuit noire, ce fatalisme qui égrène son châtiment car, si vous êtes pressé, lui ne l'est pas, sortant son couperet sur des fins de morceaux telles que celles de « The Great Cauldron » ou « Dream State Arsenal ». Tout, et bien plus encore, que ce soit dans ce virage doom / death qui s'insère parfaitement dans l'ensemble (« Invisible Butchery »), ces élans presque cold marquant « Into the Spiral », ce final désolé, simple et ample, où rêver de guerres à venir (« In the Forest's Keep »), ainsi que cette accroche globale, cette facilité d'écoute faisant de ces cinquante-deux minutes une expérience d'une étonnante proximité, dans laquelle on baigne pour être mieux pris en traître. Pourtant chargé en pesanteur, constamment d'une gravité qui donne à chaque chose l'allure d'une fumée caressant le sol,
Stalking the Ghost s'imprime dans le cortex comme un moment à la fois jouissif et meurtri, dans lequel bouger la tête aussi bien qu'éteindre la petite lueur dans ses yeux.
Il est tentant d'insister sur ce que possède cette musique de nostalgique, sur sa manière d'être d'un autre temps, où les mélanges ne se pratiquaient pas pour eux-mêmes mais simplement car ils faisaient partie d'un ADN. Mais
Stalking the Ghost n'est pas un disque de nostalgique : il est un disque de mort, qui avance en accord avec son état, spectral, funèbre, impitoyable quand il apparaît à la face des vivants, d'une tristesse insondable quand il enveloppe l'atmosphère. Certes, il se fait parfois trop transparent, laissant le soin à de lourdes pierres tombales de marquer sa présence, mais aucun doute : voici un disque qui m'a hanté et me hantera longtemps. Bon retour parmi nous, les goules.
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