Burning Witch - Crippled Lucifer
Chronique
Burning Witch Crippled Lucifer (Compil.)
Certains d’entres vous ne le savent probablement pas mais l’histoire de Burning Witch est étroitement liée à celle de Stephen O’Malley, Greg Anderson et Southern Lord Records.
Le groupe se forme en 1995 suite au split de Thorr’s Hammer. Le duo O’Malley/Anderson décide alors de se lancer dans une nouvelle aventure en formant Burning Witch. Malheureusement cette collaboration sera de courte durée puisque Greg Anderson s’en ira la même année pour Los Angeles afin de former Goatsnake. Malgré cette rupture amicale, Stephen O’Malley semble bien décidé à donner vie à ce nouveau projet. C’est donc en 1996 que sort la toute première démo de Burning Witch. Cette dernière ne leur ouvre à l’époque aucune porte mais suscite néanmoins pas mal d’intérêt dans le milieu dont celui de Slap A Ham, label de Chris Dodge. Le groupe continue alors son petit bonhomme de chemin à l’ombre de la reconnaissance pendant presque deux ans. Puis tout s’accélère en 1998 avec la sortie consécutive de deux EPs (Towers... et Rift.Canyons.Dreams) et d’un album (Crippled Lucifer). Ce dernier voit le jour sur un tout jeune label du nom de Southern Lord crée justement pour l’occasion par Stephen O’Malley et Greg Anderson. Le soufflé retombe néanmoins petit à petit avec tout d’abord un split en compagnie de Goatsnake en 2000 suivi quatre ans plus tard d’un autre split avec Asva qui conclut par la même occasion la carrière de Burning Witch.
C’est en 2008 que Southern Lord a la bonne idée de réunir sur deux CD l’intégralité des enregistrements de Burning Witch. Ainsi on retrouve sur le premier CD les quatre titres de Towers... auxquels s’ajoute The Bleeder figurant sur le split en compagnie de Goatsnake. Sur le deuxième CD se trouve l’intégralité du EP Rift.Canyons.Dreams accompagné du titre du même nom paru pour la première fois sur le split avec Asva. Précisons au passage que l’album Crippled Lucifer paru en 1998 était en fait la réunion des deux précédents EPs sortis la même année. Aussi, cet album ne doit pas être confondu avec la compilation du même nom qui nous intéresse aujourd’hui.
Maintenant que le décor est planté, intéressons-nous de plus près au contenu de ce disque. Six mois seulement séparent l’enregistrement des dix titres qui figurent sur cette compilation. Six mois permettant d’appréhender Crippled Lucifer comme un tout parfaitement homogène d’autant que l’ensemble a été remasterisé en 2007 pour l’occasion. Ainsi, à l’image de cette pochette dépouillée et menaçante, le groupe nous entraîne rapidement dans son univers lugubre et torturé. Une plongée à sens unique dans la démence la plus brillante. Une démence maladive et angoissante, promesse d’un voyage particulièrement éreintant mais néanmoins mémorable.
De fait il n’est certainement pas utile de revenir sur ces éléments qui caractérisent le Doom d’une manière générale. Riffs plombés à l’odeur de souffre, rythmes en forme de coup de massue tout en longueur et en répétition… Vous connaissez tout ça sur le bout des doigts. Burning Witch est donc dans les faits un groupe de Doom mais possède cependant plusieurs cordes à son arc. Une personnalité schizophrène que le groupe doit notamment à Edgemont Martin, chanteur halluciné et hallucinant. Ce dernier passe le plus clair de son temps à crier et à se tordre de douleur dans tous les sens (on pense pas mal à Mike Williams d’Eyehategod mais en plus ravagé). Des lignes de chant particulièrement angoissantes aux frontières de toutes les pathologies mentales connues. Terrifiante, la musique de Burning Witch s’impose donc en premier lieu à l’auditeur par une voix souvent monstrueuse qui pourtant réussit parfois à se montrer plus aérienne et mélodique, renvoyant dès lors à une sorte de Stoner Rock moins en tension (comme sur "Sacred Predictions", "Tower Place", "Warning Signs", "Stillborn"...). Un contraste court mais saisissant qui vient souligner toute l’intensité de ce Crippled Lucifer.
Derrière leurs instruments, les autres ne sont évidemment pas en reste. Notamment Stephen O’Malley qui offre ici des riffs incroyables de noirceur. Lourds, étouffants, déstructurés, dissonants... Il n’y a rien de bienveillant dans le jeu de Soma et ses multiples larsens puisqu’à l’image des lignes de chant évoquées plus haut, tout ici tend vers la maladie et la folie. Tout aussi primordial, le travail sur la basse et la batterie se révèle toutefois moins "remarquable" dans la mesure où l’accent est mis sur les deux instruments déjà abordés. La batterie renforce encore davantage sur ce sentiment de lourdeur qui émane des riffs de Stephen O’Malley alors que la basse particulièrement saturées vient discrètement lier l’ensemble en apportant encore davantage de résonnance. Un voyage au fond de l’âme humaine mis en boîte par un Steve Albini parfaitement conscient du caractère horriblement cru de Burning Witch.
Comme l’a judicieusement fait remarquer l’un de mes confrères sur un webzine dédié à ce style musical, cette chronique ne sert probablement pas à grand chose tant Burning Witch est aujourd’hui l’un des groupes les plus incontournables dans son genre. Effleurer le Doom sans même se pencher sur le cas de Burning Witch relève de la gageure pur et simple. Mais si jamais il s’avérait que vous soyez passé totalement à côté de ce groupe, Crippled Lucifer constitue la meilleure façon de pénétrer leur univers. N’espérez pas que cela se fasse sans mal. N’espérez pas non plus en revenir indemne, Crippled Lucifer étant l’incarnation du mal et de la folie mis en musique.
| AxGxB 17 Juin 2013 - 2624 lectures |
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