Withered - Dualitas

Withered n'a pas la réputation d'être des plus exubérants, pour preuve je n'ai appris que récemment la sortie de leur troisième album… Un nom encore trop peu connu en Europe malgré des retours dithyrambiques pour chacune de ses œuvres et ces quelques hommes de goûts (comme toi peut-être cher lecteur) embrassant leur cause « défraîchie » depuis 2005. Un coup d'œil à mes chroniques et à mes interviews et vous comprendrez aisément mon engouement pour ces prodigieux Américains au style indéfinissable. Ce nouvel opus marque malheureusement un jalon important dans l'histoire de Withered, puisqu'il annonce le départ du guitariste fondateur et compositeur principal, remplacé par le membre de l'ancien groupe (Waited) du bassiste et du batteur. Deux ans après l'excellent Folie Circulaire (l'une des meilleures sorties de 2008), le bande d'Atlanta ira retrouver Phillip Cope (Kylesa) pour l'enregistrement et Paul Romano pour l'artwork.

Le frontman dépressif Mike Thompson (cf mes interviews) n'a pas dû passer une année 2009 particulièrement heureuse et de tout repos. Withered tel un troupeau de mammouths enragés, ira charger nos tympans tout le long de ce Dualitas. Les premières écoutes laisseront entrevoir un groupe méconnaissable, mettant de côté ses subtilités mélodiques et atmosphériques au profit d'un « bourrinage » intense (mention spéciale à l'ultra violente « Seek The Shrouded ») bien plus savoureux que sur Folie Circulaire (son seul défaut à mon sens). Mike s'arrache ainsi littéralement les cordes vocales et pousse dans le guttural encore plus profond. Quant à la production de Cope, elle fait passer les riffs et les percussions soutenus pour des salves de parpaings lancées à grande vitesse, avec toujours ces basses grassouillettes mises en avant (un vrai bonheur). La balance penchant clairement vers le côté extrême, le Withered d'en-temps semble difficilement percevable... Pourtant en grattant bien ce bloc épais, on retrouve un album « concept » toujours très « intello » (des paroles ancrées dans la philosophie et la spiritualité, ne comptez pas sur moi pour approfondir la chose) et une ambiance triste unique. A des années lumières de certains groupes grind ou death donc.

Les Américains aux allures très primitives en premier abord, arrivent encore à livrer des compositions riches et variées malgré des riffs méchamment basiques (l'influence death suédoise). Withered ira cette fois embellir son ambiance « noire » par des passages plus discrets mais tout autant redoutables. Le final de « Extinguised With The Weary », l'introduction post-rock doomy magnifique de « Residue In The Void » (et son splendide riff de conclusion) ou le break Katatoniesque annihilateur de « The Progenitor's Grasp » restent les principaux passages « posés » (outre les interludes dispensables). Terminé ainsi les multitudes de breaks crucificateurs à la mélodie entêtante (quasiment aucune ici) ou au riff à vous nouer les tripes, il faudra malheureusement se contenter de peu. De peu mais aussi de mois bon. On notera quelques passages ou titres moins convaincants que le reste (« From Shadows » à l'introduction façon bruit de tondeuse ou « Aethereal Breath »). Même pour certains passages cités plus haut, l'émotion dégagée est moindre que sur les deux précédents opus. On sent que Withered n'a pas entièrement exploité ses capacités, on reste clairement sur faim…

Withered nous livre avec Dualitas, l'album le plus violent de sa discographie mais il n'en oublie pas pour autant ses penchants doom et sludge. Malheureusement ces derniers restent très (trop) discrets et ne possèdent pas l'aura des précédents albums. L'écoute sera quelque peu frustrante car le talent de composition se fait bien sentir et certains passages sont des plus frissonnants. Mais comparé aux deux monuments antérieurs, Withered aura pu faire encore mieux. Peut-être le départ abrupt du guitariste fondateur ? Reste que Dualitas demeure un très bon album qui ravira les adeptes de musique pachydermique sombre et brutale. On espère tout de même un prochain brûlot d'un autre niveau.

DONNEZ VOTRE AVIS