Mine de rien, cela faisait un moment depuis ma dernière découverte d’un groupe de sludge aussi prenant. Une rencontre qui ne se serait pas faite sans l’écrit d’un ami au sujet des Grecs – inutile de le citer, vous connaissez mes sources depuis le temps non ? – et qui, dans sa description d’une musique aussi actuelle qu’intègre par bien des aspects, m’a invité à dépasser un nom repoussoir (tout ce qui touche au pachydermique est épidermique, chez moi) pour me plonger dans ce deuxième longue-durée de Dead Elephant.
Et grand bien m’en a pris ! Cette formation attachée à l’underground (disque autoproduit, aucune couverture médiatique, membres inconnus...) contient tout ce que j’apprécie dans le genre tout en possédant une identité propre, moderne mais n’oubliant pas ses racines. Sludge, doom et black metal se marient ici, ce qui, sur le papier, pourra renvoyer à pléthore de projets décevants mais fonctionne magiquement quarante-six minutes durant.
Year of the Elephant plaira autant aux amateurs d’un sludge difforme, fier de ses haillons, qu’à ceux appréciant les œuvres au noir, s’enfonçant dans une forêt crépusculaire pour maudire le monde, soi inclus. Dès « The Juicer », un son lourd, toxique, nous envahit, contrebalançant ce groove typique, moelleux et clochard, renvoyant au
premier Unearthly Trance dans une version pouilleuse et rancunière. Clairement, la bande n’est pas prête d’intégrer un CHRS pour se réinsérer en société : son domicile est plus à chercher dans les forêts où les honnêtes gens ne se risquent pas la nuit venue, partageant son bivouac avec Dead Woman’s Ditch ou encore
les Français de Malemort.
Cela, grandement, tient à une voix, étouffée de haine autant que prophétique, charriant ses prêches solitaires et drogués lors de ses pérégrinations nocturnes. Mais Dead Elephant ne se contente pas de rester sur ce simple atout, développant sa synthèse lors de longues plages possédant leurs lots d’instants gourmands pour fanatiques du riff plombant, à commencer par ce morceau-titre et son passage répété, progressivement de plus en plus empoisonné, et sa coupure nette entraînant dans son obsession black metal. Du sludge / doom / black metal qui parvient à unir ces différents styles pour n’en faire qu’un, comme une évidence ? Cela pourra paraître simple, ça l’est d’ailleurs, mais c’est également si rare !
On se laisse emporter donc, sans critique ou suspicion, jusqu’au bord de ce psychédélisme que trouve Dead Elephant dans son creuset de misère. Plus qu’un exercice de style réussi,
Year of the Elephant gratte à mains nues la terre pour s’engouffrer en sa fin vers un autre monde, frôlant le fantastique, les relents quasi-dub de « Space Octopus » mêlant entêtement et angoisse comme un mauvais trip. Un naturel qui ne lâche jamais l’écoute et son avancée, permettant de passer outre les instants trop flottants que possède cet album, notamment dans ce ventre qu’il a un peu mou par moments (sur « Vothros » principalement).
Pourtant, difficile de ne pas être estomaqué par
Year of the Elephant. Alors que
Heavy, Huge and Rotten, premier longue-durée des Grecs, me laisse une impression trop fade, son successeur m’emporte avec lui avec facilité, par des compositions travaillées ainsi qu’une exécution sauvage et exaltée. La preuve, une fois de plus, que le sludge, derrière ses images de camés trop foutus pour la vie, est avant tout une musique de passion, où l’important n’est pas tant de respecter tel ou tel code que de donner le sentiment de s’abîmer dans l’abîme. Et Dead Elephant s’y frotte avec dévotion, son sang se mêlant à la sève, sa chair moisie comme du lichen, parasite et dégueulasse comme le grouillant des bois laissés à l’abandon. Ceux-ci, clairement, sont son campement.
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