Il fallait bien un disque tel que celui-ci où les Français vont directement au charbon pour pouvoir enfin entrevoir cette chose rendant Eibon si précieux. C’est qu’encore aujourd’hui,
Entering Darkness reste une énigme avec sa finesse à l’odeur de cadavre, son doom prompt à l’assaut ainsi que son black metal assez embourbé pour qu’on ne le critique pas d’être trop norvégien pour un concept basé sur les tranchées françaises (la Première Guerre Mondiale est par ailleurs toujours de mise sur le disque nous intéressant – cf. la pochette reprenant une peinture d’Otto Dix ou les divers samples ponctuant l’écoute). Aussi ces deux titres d’environ 20 minutes chacun s’accueillent avec gratitude par le chroniqueur un peu ennuyé à l’idée de causer de nouveau d’une musique aussi simple, aussi anonyme d’apparence et qui pourtant possède… quelque chose.
Et c’est ce quelque chose qui explose sur ce deuxième longue-durée comme s’il s’était toujours tapi dans un coin d'ombre, prêt à surgir. Bon sang, mais c’est bien sûr ! Pourquoi s’embêter à circonscrire un ADN aussi varié par un name-dropping peu clair mettant côte à côte les noms de Glorior Belli, Arkhon Infaustus et Dirge alors qu’il suffit de faire confiance à ces guitares droites dans leurs bottes et hostiles dans le même temps : Eibon n’est rien de moins que le Ramesses français, sans prétention à réitérer ce que les créateurs de
Misanthropic Alchemy ont porté plus haut (façon de parler, évidemment) que les autres.
Car si fraternité il y a, « The Void Settlers » et « Elements Of Doom » ne paraissent à aucun moment parcourir les mêmes rues nauséabondes que l’ancien trio de Dorset grâce à une ambiance qui, elle, est toute française. Eibon possède cette esthétique du vice propre à nos terres, ce trouble caché derrière des arrangements bien assortis - à la limite du swag - donnant de prime abord l’impression que la formation flirte un peu trop avec le post hardcore bon chic bon genre puis laissant le cerveau enlisé, aussi clair que du marc de café. Non, le Chemin des Dames ne désigne décidément pas une chose galante : les progressions dont usent les Français entre deux parties taillées pour latter avancent le ventre à terre comme dans les bourbiers, restent au mieux prisonnières au premier étage du cyclone, font s’agiter les macchabées d’une voix à son plus véhément, le tout avec assez de méchanceté sale et d’attachement à ne jamais tomber dans le non-sens d’un doom « énergique » pour rendre cette musique bouillante et éteinte à la fois, prête pour la guerre et les enterrements qui la suivent, faisant se demander s’il ne faut pas ajouter à l’affiliation à Ramesses un… « à la manière du Neurosis de l’après
The Eye Of Every Storm » ?
Je n’irai pas jusqu’à remplacer ce point d’interrogation par un définitif cependant, ces courtes quarante minutes laissant penser qu’Eibon a été un peu chiche après trois ans d’attente et conserve une certaine marge de manœuvre avant d’être comparé aux Ricains sans que cela lui soit défavorable. Toujours est-il qu’on trouve difficilement mixture « trois en un » plus doom, plus black et, pour peu qu’on accepte le terme rien que pour les râles d'affamé de Georges Balafré, plus sludge que celle concoctée ici. Tout en précisant davantage ce qui rendait
Entering Darkness à-part, les Français ont pris une direction étonnamment viscérale (à laquelle quelques écoutes sont nécessaires pour s’habituer, l’ensemble s’assimilant étrangement à un grower malgré son aspect frontal) montrant qu’il ne faut pas compter sur eux pour abandonner la noirceur de leur concept, celui-ci n’ayant jamais paru plus prégnant qu’ici. « À la guerre comme à la guerre ».
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