Si l’on voulait rédiger une étude sur les groupes aux destinées étranges, il y a des chances pour que les Slovaques de
GLADIATOR y figurent en bonne place. En effet, comment ces musiciens ont-ils pu passer du
thrash death metal rugueux de leurs débuts à la soupe
pop actuelle ? Je n’ai pas eu le courage de parcourir les quatorze albums parus à ce jour pour comprendre à quel moment les choses avaient basculé mais je pense qu’une simple observation des pochettes me donnera la réponse : pour «
Designation » (1992) puis «
Made of Pain » (1993), les illustrations ainsi que le logo ancrent la formation dans l’univers du
metal extrême de l’époque alors que sur le troisième LP «
Third Eye » on a déjà un changement de police d’écriture et, surtout, une photo de groupe totalement
grunge… Mon travail d’exploration n’a pas été mené jusqu’au bout puisque je n’ai pas écouté ce dernier pour en avoir le cœur net mais, une chose est sûre, si voulez explorer la scène
thrash slovaque des années 90, focalisez-vous sur les deux premières sorties du quatuor.
En effet, cette évolution au goût douteux (pour moi) ne doit pas faire ombrage à des débuts plus que méritants. Et pour cause, les dix titres de «
Made of Pain », s’ils n’en ont pas le génie, s’inscrivent dans la droite lignée de
SEPULTURA (davantage
« Beneath the Remains » qu’
« Arise »),
PROTECTOR ou encore
RIPPING CORPSE, avec une pointe de
KREATOR pour les aspects vocaux. Beaucoup de noms donc, nécessaires pour planter le décor d’une formation efficace mais qui ne brille pas par son originalité, plutôt par son application à jouer de façon agressive, radicale.
En effet, il s’agit de remettre le disque dans son contexte. En 1992, nous sommes en pleine explosion de la scène
death metal, chaque sortie deviendra une pièce majeure de l’histoire de ce style et c’est vrai que la postérité n’a pas été tendre avec
GLADIATOR, même s’il faut dire qu’eux-mêmes ont pas mal souillé leur passé. Il y a pourtant de très bonnes idées dans cette sortie, à l’image d’un « My World » qui sonne
power thrash de façon quasi visionnaire, morceau hélas enlaidit par une triste introduction au piano ainsi qu’un solo guère fameux. Mais le rythme, la façon de chanter, c’est plutôt novateur pour l’époque il me semble. On appréciera également le pic de violence de « Your World » (une minute de sprint) ou encore l’effort pour développer une approche progressive au cours des six minutes de « For All Gods », mais avec là encore des plans foirés.
J’entends par « foirés » des passages où les musiciens essayent de sortir du simple carcan
metal pour proposer des sonorités différentes, en termes de breaks, d’arpèges ou de façon de jouer les solos, alors que dès qu’ils appliquent cette volonté de sonner différemment à des éléments rythmiques plus traditionnels, cela fonctionne beaucoup mieux, conférant ainsi à ce «
Made of Pain » un petit cachet pas désagréable. Par conséquent, même s’il ne sera pas possible de parler de ce disque comme d’un joyau oublié, il reste que les amoureux du
thrash death metal du début des années 90 devraient y jeter une oreille curieuse car l’expérience est positive de bout en bout, les écarts étant encore trop peu nombreux pour véritablement gâcher l’écoute.
Ainsi, un titre tel que « Blood » contient tous les ingrédients que l’on adorait à l’époque et qui font encore mouche aujourd’hui : solos qui dérapent, chant rageur, double pédale (excellente sur « Sound of Deep Silence ») et riffs saccadés, le tout baignant dans l’ambiance unique de ces années bénies. Il s’agira donc de remercier
Divebomb Records pour son boulot de réhabilitation, le catalogue de ce label étant une ode à la nostalgie.
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28/06/2025 10:04