Fort de l'excellent
Experiment of Existence qui l'avait fait sortir de l'ombre en 2016, Ripper a marqué son retour l'année dernière par le biais d'un format court intitulé
Sensory Stagnation, toujours sur Unspeakable Axe Records. Un simple EP certes mais qui propose une évolution chez les Chiliens. Et pas qu'au niveau de la pochette où l'on passe d'une œuvre colorée fouillée à un dessin noir et blanc plus épuré pas spécialement encourageant.
Fallait-il y voir un signe ? Affirmatif !
Sensory Stagnation propose cinq titres dont trois nouveaux morceaux : "Dissocation", piste instrumentale servant d'introduction, "The Unreal" et le title-track "Sensory Stagnation". Ce sont bien sûr ces trois compositions qui nous intéressent le plus ici car elles nous montrent vers là où souhaite aller Ripper. Et les Sud-Américains ont clairement choisi une direction plus death metal. On y trouve toujours du thrash mais plutôt le thrash des années 1990 à gros son. On passe en fait d'un thrash/death ultra véloce et pas manchot à la Sadus à un death thrashy musclé qui tend plutôt vers Death et Pestilence. La production se montre plus lourde et puissante, le rythme global ralentit (beaucoup moins de tchouka-tchouka endiablé), le groove mid-tempo prend davantage de place, l'écriture se fait plus directe, plus simple, tout en gardant un très bon niveau technique. Je ne vous cache pas ma surprise et ma déception aux premières écoutes. Les solos mélodiques s'avèrent en plus moins mémorables que sur
Experiment of Existence, eux aussi. Heureusement, la basse de Pablo Cortés (Ancient Crypts, Suppression) frétille toujours autant et le chant arraché rageur de Patricio Spalinger reste irrésistible. Tout n'est pas perdu ! Au fil des écoutes, j'ai fini par m'adapter et prendre les choses du bon côté. Ce n'est pas ce que j'attendais de Ripper mais il faudrait être malhonnête pour trouver ces trois titres mauvais. On a vu pire ! C'est efficace, headgangant, la production défonce, ça groove, les riffs sont pas dégueux et les quelques parties de tchouka-tchouka font bien plaisir.
Les Chiliens ont ensuite placé une reprise de "Like A Sacrilege" de leurs compatriotes d'Aberration. Le morceau-titre de leur unique démo de 1993. La formation avait déjà repris "Whispers in the Dark" sur sa première démo éponyme de 2008 ainsi que "Venus Torment" sur la réédition de leur foutrement bonard premier album
Raising the Corpse (2014). Venus Torment est aussi le nom du fort sympathique projet solo du guitariste/chanteur Patricio Spalinger. Bref, ils ont l'air de vouer un culte à ce groupe. Et ils ont bien raison car "Like A Sacrilege" s'avère la piste la plus réjouissante de
Sensory Stagnation. Du death/thrash de haute volée, un peu plus mélodique que les autres morceaux, qui nous offre tout ce que ce style a de bon. Du riffing acéré au groove destructeur en passant par les accélérations juteuses en tchouka-tchouka, un solo splendide sur une section mid-tempo savoureuse et un break lourd plus ambiancé, c'est la régalade. Le dernier titre consiste en un réenregistrement d'un vieux morceau, "Terror Streets", paru la première fois sur la première démo du quatuor de Talagante. On y retrouve le thrash/death de Ripper qu'on aime, bien plus percutant, qui enchaîne les riffs à grande vitesse. Le style n'était pas encore aussi virevoltant que sur
Experiment of Existence mais Ripper faisait déjà montre d'un sacré niveau.
N'a-t-on pas un problème quand les deux meilleurs morceaux d'une œuvre sont une reprise et un réenregistrement ? Un peu quand même ! Si les trois inédits sont loin d'être mauvais malgré une orientation death metal moins enlevée et flamboyante qui me déçoit (on ne compte plus les déceptions en 2019 de toute façon ...), les deux dernières pistes nous rappellent que Ripper sait faire bien mieux. On les remerciera aussi de mettre à nouveau en avant leurs compatriotes oubliés d'Aberration. Alors au bout du compte, bien ou pas bien ? On évitera de faire la fine bouche et on met finalement
Sensory Stagnation dans la catégorie des bonnes sorties. Certainement pas la meilleure des Chiliens, mais une bonne sortie malgré tout. Efficacité, groove, technique, solos, lignes de basse brillantes, tchouka-tchouka, riffs ciselés, chant bien excité, il reste de quoi faire ici pour tous les amateurs de thrash/death ou de death/thrash en confinement. Néanmoins, la baisse de qualité par rapport à
Experiment of Existence et
Raising the Corpse est nette, alors attention ! D'autant que des conflits internes ont émergé peu avant la sortie de l'EP, résultant en deux départs, celui du guitariste Daniel Poblete (Suppression) et du bassiste fou Pablo Cortés, remplacés par deux inconnus. Après cet EP un peu décevant et la perte de deux membres dont une pièce maîtresse, le défi de pondre un troisième album au niveau des deux autres semble difficile à relever. Mais on compte toujours sur Ripper pour nous balancer du thrash/death de haute volée. Les gars, vous serez attendus au tournant !
1 COMMENTAIRE(S)
26/03/2020 07:57
Ah et Pablo Cortés est aussi parti rejoindre Suppression