Qu’est-ce qui départage un très bon album de powerviolence d’un album de powerviolence marquant ? On peut se poser cette question tant le style – extrêmement codifié et plein de faux-amis en réalité plus proche du metal extrême ou du grindcore (Nails étant le meilleur exemple) – laisse peu de place à une personnalité particulièrement notable.
Iron Lung apporte sa réponse : le flot.
Sexless // No Sex est bourré de convulsions, changements intempestifs de tempos, court-jus se succédant sans interruption, punk, hardcore et noise étant tous présents selon le codex établi à la fin des années 80. Une obédience qu’il reconnait jusqu’à l’artwork confié à Nick Blinko de Rudimentary Peni et son anarcho-punk préfigurant, avec d’autres, la radicalité politique et morbide qui fera émerger le genre, courbettes qu’il a déjà pu effectuer lors des nombreux démos, EPs et Splits précédant l’œuvre nous intéressant aujourd’hui (l’écoute des compilations « Cold Storage » est fortement conseillée pour retracer sa généalogie, de même que simplement prendre son pied) ainsi que le brûlot
Life. Iron Lung. Death..
Mais il manquait le petit tour-de-force qui allait départager Iron Lung d’autres aussi compétents.
Sexless // No Sex le trouve dans sa dynamique d’ensemble, semblant être un seul gigantesque spasme de violence, s’écroulant, se tortillant et se contorsionnant sans donner l’impression d’une coupure ou même d’un instant de répit. Le duo – oui, seulement deux personnes derrière tant de bruits – a beau remplir le cahier des charges, il ne sonne comme aucun autre tant il s’avère ici sauvage, intense et, surtout, organique, collant par sa musique à ces références aux virus et autres cancers qu’il aime user dans ses paroles.
Même quand il paraît arrêter de proliférer à toute vitesse, il métastase à d’autres endroits et se fait sinistre (« Here // Alone » et le final « Cancer »). L’exécution a cette urgence caractéristique et pourtant, rien ne semble laissé au hasard. Le vice est permanent, du texte (le morceau-titre, grinçant et fataliste) à la musique, maniaque jusqu’à attraper une aura industrielle dans ses répétitions durant quelques secondes. On enchaîne comme au travail à la chaîne, Iron Lung rappelant des formations telles que Dystopia (à qui la production tirant parfois sur le sludge peut faire penser) ou Man Is The Bastard, celles qui préfèrent mettre le nez dans les horreurs du monde moderne plutôt qu’offrir un exutoire.
Car, sans surprise, le flot de
Sexless // No Sex n’a rien de sensuel. Il est le roulement parfois huilé, parfois rouillé, des machines broyant les ouvriers, la fluidité du quotidien qui annihile, chamboulé seulement par de mauvaises surprises. Derrière la violence, l’accroche qui s’en dégage – oui, tout cela n’est pas joyeux et donne pourtant envie d’être répété encore et encore –, l’ingénierie implacable déployée laisse poindre les hurlements bien humains de ses victimes, personnifiées par les cris désespérés de Jon Kortland et Jensen Ward.
Bien sûr, cela est purement subjectif ; d’autres préféreront le plus frontal
Life. Iron Lung. Death. ou les expérimentations de
White Glove Test, Iron Lung ayant eu dans sa carrière une remarquable constance en qualité encore récemment avec
Adapting // Crawling. Mais
Sexless // No Sex les dépasse tous au minimum d’une bonne tête pour moi, possédant une noirceur d’autant plus prégnante qu’elle paraît s’écouler comme un seul et unique torrent. Un sentiment impalpable, qui s’enfuit comme de l’eau et pourtant, coule de source, frappant avec la dureté du réel. Un classique personnel.
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