Je n’endosserai pas le costume du gars qui se vantera d’avoir connu
TITAN à Bayonne en 1986, ni même celui de l’homme qui a vu l’homme qui les a vus mais lorsque j’ai commencé à m’intéresser au
metal, vers 89 – 90, je croisais certainement au détour des ruelles ces mecs qui devaient avoir une dizaine d’années de plus que moi. Au magasin Manhattan Boutique par exemple, rue d’Espagne, où j’allais baver sur les t-shirts tout en espérant secrètement croiser la fille blonde, qui avait à peu près mon âge, de l’une des deux propriétaires. Chez Disco Shop aussi probablement, pendant les emplettes de cassettes… La vie était simple alors : je rangeais mon 103 SP guidon torsadé sur les remparts, traînais copieusement au Bar Basque avec les copains entre le baby-foot, la borne arcade et la supérette qui détournait le regard lorsqu’elle nous vendait des bières ou une bouteille de vin, parfois le fils du patron payait son Monaco puis je fonçais chez le disquaire. Tiens, le bassiste
Pierre Paul par exemple, je suis ami avec ses neveux. Le guitariste
Didier Deboffe ? Dès que j’ai eu ma première mobylette, je passais une partie de mon temps libre chez Betbeder Musique alors que je ne jouais même pas de guitare. Qu’est-ce que j’allais y foutre bordel, à part écouter mon pote Cyril massacrer religieusement « The Call of Ktulu » dans les cabines acoustiques de tests ? Je fréquentais également les deux nièces d’un type qui jouait dans
KILLERS (il faudrait que je chronique tout ça un jour),
Bruno Dolheguy je crois, il s’en est finalement fallu d’un rien que j’intègre le cercle très étroit du
heavy speed metal basque, à défaut de fricoter avec d’autres cercles (peut-être moins) étroits susmentionnés : davantage de rides, une chouette coupe mulet, une grosse paire de baloche surtout.
Mais
TITAN, leur premier LP éponyme, quarante ans plus tard il est encore sur toutes les lèvres : en concert le
merch file comme des petits pains, la pochette reste emblématique, « Ultimatum », « La loi du metal », « Enfant de la guerre », c’est une part de l’histoire de France qui s’est alors écrit, celle qu’on aime, pas la pénible infligée par Fernand Nathan. Et en 2021, le
comeback venu de nulle part (
Palingenesia) avec le
line-up quasiment d’origine :
Sébastien Blanc et
Pat Tetevuide aux guitares,
Patrice Le Calvez au chant, seule la section rythmique avait changé avec un bassiste pourtant d’époque (
Pascal Chauderon de
KILLERS) et un jeune batteur,
Iñaki Plaa. Gros engouement du public autour de cette reformation, de nombreux
gigs, jusqu’à ce que la bande finisse de se stabiliser autour d’un quintette ultra solide qui apporte du sang neuf ainsi que la fameuse fougue d’une jeunesse pas encore trop lointaine :
Romain Larregain en seconde guitare (
SILENT OPERA,
PROPHETIC SCOURGE,
SCARS ON MURMANSK, soit la réincarnation d’
HYPNOSIS),
Loïc « Osogaru » Rotureau à la basse (
THE HELLECTRIC DEVILZ,
SCAVENG’OURS) et, surtout (sans vouloir offenser qui que ce soit), un nouveau chanteur pour prendre la relève du
frontman historique :
Peio Cachenaut, immédiatement adopté par les fans. Bon sang, je me suis fatigué avec tous ces noms, j’ai l’impression de participer à une cousinade où il n’y aurait que des bonnes meufs mais où tu ne peux pas draguer parce que l’inceste est mal vu.
Tout cela pour raconter quoi en définitive ? Tout simplement que
TITAN a remis les gants et qu’il a sorti son troisième album, «
Lacrimae Mundi », chez
Adipocere Records. Cette signature, c’est un signe fort, la preuve indéniable que l’hexagone métallique a besoin des Basques sûrement autant qu’elle rêve que sa classe politique crève d’une chiasse aussi douloureuse que foudroyante. Je sais, je me suis un peu perdu dans mes souvenirs de jeunesse, il est temps de se pencher sur ces neuf compositions, dix avec le bonus « G.I’s Heritage » présent sur la version CD.
Dès l’introduction instrumentale « Apophénies » (en psychiatrie, altération de la perception qui conduit un individu à attribuer un sens particulier à des événements banals en établissant des rapports non motivés entre les choses), des noms me viennent en tête : certains sont allemands (
HELLOWEEN,
GAMMA RAY), d’autres américains, notamment
MANOWAR sur son album
The Triumph of Steel (je pense en particulier à certains passages de « Achilles, Agony and Ecstasy in Eight Parts »), rien ne semble donc avoir bougé du côté du style. Évidemment la voix n’est plus la même mais, à titre personnel, cela me convient parfaitement. Le timbre de
Peio, moins crispant sur la durée, s’adapte parfaitement aux compositions qui oscillent toujours entre
heavy rock technique (« Prométhéen », « Démiurge ») et d’autres moments que l’on pourrait vraiment estampiller
hard rock pêchu (« Cernés par les ruines ») mais toujours avec une approche travaillée des guitares. Nous sommes très loin des pantoufles aujourd’hui malodorantes d’
ACCEPT ou, surtout, de ce qu’est devenu
UDO même si l’on pardonnera sa mollesse actuelle au regard de son grand âge. C’est gratuit, ne m’en veuillez pas.
Car ce que l’on retient surtout de
Lacrimae Mundi, c’est bien son énergie, son feeling
rock au service d’un
metal certes « à l’ancienne » dans l’esprit mais dont la modernité d’exécution ne fait aucun doute : techniquement « Technocrature » n’a rien à envier à une formation
techno thrash (drôle de phrase) au sens où on le comprenait dans les années 90. De plus, sur cette même composition, le passage narré tranche avec les vocalises habituelles, démontrant que le groupe sait intégrer à son champ des possibles des éléments extra métalliques, pour le meilleur car le résultat est excellent. L’on appréciera également la production très brute qui laisse s’exprimer le grain des instruments plutôt qu’une volonté de paraître parfait, cela s’entendant particulièrement au cours des solos. Ces derniers sont impeccables, là n’est pas le sujet, mais en les écoutant tu as le sentiment que
Sébastien Blanc les joue juste à côté de toi et ça c’est toujours extrêmement
cool.
Ainsi, l’album marque facilement des points auprès de l’auditeur friand de
vintage : un chant bluffant totalement raccord, des guitares jamais en démonstration alors que la paire pourrait largement faire valoir ses droits, des solos enlevés, à la limite j’aurais apprécié quelques tempos plus appuyés même si cela sera largement compensé par des refrains facilement mémorisables, des riffs faits pour accompagner une virée entre potes et l’absence de ballade, « Melancholia » étant ce qui s’en rapproche le plus du fait de son tempo ralenti mais, dieu merci, toujours dynamique et pourvu d’un final énergisant.
Étant conscient d’avoir surtout parlé des grattes et du chant, il serait désobligeant d’occulter le boulot abattu par la section rythmique construite autour d’
Osogaru (basse) et
Iñaki (batterie) car ils insufflent puissance et précision aux morceaux, d’une façon peut-être simple pour les férus d’exercices de style, alors que la musique proposée par
TITAN ne justifie pas autre chose qu’une assise solide, le noyau ayant d’après moi toujours été construit autour du
riffing et de la voix. D’ailleurs, je dois admettre que je n’ai prêté qu’assez peu d’attention aux paroles, non pas par désintérêt mais plutôt parce que, à mes oreilles, le travail mélodique finit par dominer l’aspect littéraire, ce qui n’est pas une mince réussite quand on sait à quel point il est difficile de faire sonner le français dans un contexte
heavy. Cela étant, je les ai quand même lues, tu vois vite qu’elles ont été au moins autant réfléchies que la musique, cela me suffit, tout en présentant mes excuses pour cet excès de paresse car il y a des gens qui se font chier à écrire des textes pas trop cons et je les survole tel un candidat de télé réalité face à son examen de brevet des collèges.
En définitive, malgré son renouvellement des cadres (à part
Sébastien aucun membre n’est antérieur à 2017 et, pour les trois cinquièmes, il s’agit du premier disque enregistré avec
TITAN), l’alchimie est bel et bien là. Sans doute parce le
line-up n’est pas composé de mercenaires, l’entente s’étant faite autour de nombreux concerts en France comme à l’international et qu’évidemment cela engendre un esprit de corps qu’un cachet pourrait difficilement acheter, mais sans doute également parce qu’il y a la volonté de respecter le patrimoine, de conserver une ligne singulière au sein d’une scène
heavy nationale qui ne s’est peut-être jamais aussi bien portée, une ligne qui a le mérite de ne jamais jouer sur la nostalgie, en phase avec son époque, certainement moins démonstrative que ce que proposent les formations purement
speed metal et pour cause : l’assise me semble finalement désormais plus proche d’un
hard rock musclé que du
heavy pure souche, sans les Spandex. Si l’on ne peut plus parler de retour gagnant, au moins pourrais-je confirmer la reprise en main d’une destinée et, quoi qu’il advienne, la formation n’aura aucun regret à avoir : ce qu’elle propose est largement au-dessus d’un passé pourtant adulé.
Par Jean-Clint
Par Jean-Clint
Par Lestat
Par Jean-Clint
Par xworthlessx
Par Ikea
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par Lestat
Par Krokodil
Par Niktareum
Par Jean-Clint
Par Jean-Clint
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène