Agalloch - The Mantle
Chronique
Agalloch The Mantle
Est-il déjà arrivé à certains d'avoir l'impression que l'on est face à un grand disque, uniquement en apercevant la pochette ? Est-il déjà arrivé à certains de placer tous ses espoirs en ledit disque encore non écouté, à force d'entendre leurs pairs en faire l'éloge ? Est-il déjà arrivé à certains d'avoir littéralement le souffle coupé après la première écoute de ce même disque, de ne plus savoir quoi dire ou quoi faire si ce n'est remettre en route son lecteur cd ? A ceux qui se sentent concernés, vous est-il déjà arrivé que ce disque vous transcende au point que toute volonté de réhabiliter la société ne devienne vaine, et que vous persistiez dans cet état d'émerveillement-béatitude en vous pelotonnant dedans comme dans une couverture bien chaude ? A ceux qui se sentent concernés, laissez-moi deviner : cet album est le second d'Agalloch, The Mantle, et sujet de cette chronique, non ? Ne me demandez surtout pas comme j'ai fait pour deviner, c'est normal, je suis trop fort.
Agalloch est le genre de groupe toujours surprenant à la première écoute, notamment ici par l'utilisation croisée des guitares électriques acoustiques, cohabitants en symbiose sur ce disque. L'introduction A Celebration For the Death of Man nous plonge dans cette ambiance hivernale, grise, mélancolique et morne à laquelle la teneur des photos du livret nous a préalablement introduit. Des accords joués par la guitare acoustique lancinent, lesquels accompagnés par le synthé et des percussions tonnantes, ammènent le morceau au paroxysme de la solennité lorsque la guitare électrique arrive. Accrochez-vous, ce n'est que le premier morceau.
Le morceau suivant, In The Shadow Of Our Pale Companion, est celui qui fera taire l'auditeur osant discuter quant à la qualité de ce disque : toute l'essence d'Agalloch est concentrée dans ces 15 minutes. L'arpège lancinant du début, la mélodie acoustique triste et envoûtante jouée par dessus la guitare distordue et solennelle ; l'apparition magistrale du chant clair contrastant avec la voix black murmurée, de la même manière que contrasterait le chant de sylphes avec celui des sylvains s'ils avaient décidé de chanter une ôde à la Nature, la Nature étant ce vers quoi ce vortex musical nous attire et nous invite, les paroles aidant, à la contempler : « If this grand panorama before me is what you call God... Then God is not dead ». Le reste du morceau suivant cette phrase étant une sacralisation épique et mélancolique de la nature, appuyée par une montée en intensité en un maelström provoqué par l'accouplement des guitares acoustiques et électrique, et par un solo bourré de feeling à défaut d'être étonnant de technique.
Après l'orage vient l'accalmie, c'est bien connu ; ainsi, après In The Shadow Of Our Pale Companion vient Odal, mais ce n'est pas encore très connu. Cela dit, cet interlude instrumental dans la même veine que A Celebration For the Death of Man nous permet de ne pas décrocher après ce quart d'heure fabuleux que l'on vient de passer, nous incitant à persévérer dans notre écoute plutôt que de réécouter la 2e piste. I Am The Wooden Doors vient se greffer à Odal, dans une atmosphère épique perpétrée par l'utilisation de la double-pédale en apport aux mélodies entraînantes de la guitare électrique. Cependant, il faut bien faire attention, il y a épique et épique : The Mantle n'est absolument pas guerrier ; l'épopée de The Mantle peut être comparée à la découverte d'une succession de paysages, tous plus impressionants les uns que les autres. De la même manière que précédemment, The Lodge vient servir d'interlude avant un morceau ayant besoin de toute notre attention, car l'un des meilleurs de l'album, You Were But A Ghost In My Arms. La grande richesse de ce morceau réside dans l' utilisation des guitares électriques, plus complexe et passionnante que jamais, avec des mélodies tristes et émouvantes tout en restant entraînantes, et alternées avec des riffs plus épiques. Bien qu'utilisée plus parcimonieusement, la voix cristalline de Haughm vous prend aux tripes et s'amuse avec, laissant la plus belle part au chant black.
S'ensuit à nouveau un interlude, The Hawthorne Passage, dédié à la ville de Portland (Oregon) d'où Agalloch est originaire, et clairement influencé par l'art des Pink Floyd : il suffit d'écouter la manière dont sonne la lead guitare pour avoir en tête les prestations de David Gilmour. Cependant, le morceau nous gratifie de mélodies plus poignantes que jamais, sublimées par l'utilisation d'un trombone, que l'on retrouve sur ...And The Great Cold Death of The Earth, sûrement le morceau le plus éprouvant pour notre sensibilité : de la voix touchante de Haughm à la mélodie imparable et assassine de la guitare électrique, du solo de la guitare acoustique à l'utilisation d'une contrebasse avec un archer, c'est avec notre moral qu'Agalloch joue, avant que le morceau ne se termine en reprenant les accords de A Celebration for The Death of Man... auquel il fait suite. The Mantle se termine en douceur avec A Desolation Song, une ballade presque joyeuse, où l'utilisation d'un accordéon et d'une mandoline donne une relative atypie au morceau, d'autant plus qu'alors que l'on s'attendait à un chant clair, Haughm ne nous propose que des chuchotements.
C'est sur le souffle du vent que The Mantle s'achève, nous achevant par la même occasion : l'écoute nous a retourné, marqués par l'expérience de l'accomplissement de la beauté et de la tristesse. The Mantle, ou l'osmose entre l'acoustique et l'électrique. The Mantle, ou l'invitation à célébrer la nature. The Mantle, ou la quête de l'homme. The Mantle, ou la magnificence de la mélancolie. The Mantle, et rien d'autre.
| Krow 1 Mars 2006 - 6447 lectures |
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