A Gnu Escaped the Weight of Darkness
Quoi après
« Ashes Against The Grain » ? Je vous le demande... Suscitant l'unanimité, cet album aura attiré à lui de nombreux éloges dont le moindre n'est pas l'emploi du terme « aboutissement ». D'une manière ou d'une autre il poussait en effet le style des américains vers une essentialité accrue, ainsi qu'une atmosphère plus nocturne et enveloppante. Sans pour autant le placer sur un piédestal, au regard du parcours du groupe et des outils qu'il s'est donné, je lui reconnais volontiers une forme de perfection. De ce fait je n'avais aucune attente particulière vis-à-vis de ce « Marrow Of The Spirit », si ce n'est celle d'être étonné. Un pari... presque réussit !
Into the Painted Gnu
Etonnante, l'intro au violoncelle l'est assurément : redessinant le mot « folk » avec un simple crayon à papier sur une feuille de Canson, traçant les lacets d'une longue route hivernale, l'instrument est nu et seul comme le voyageur. Une épuration que l'on retrouve aussi à la fin de « The Watcher's Monolith » (un piano), et que j'aurais aimé voir plus souvent sur cet album. Non, à dire vrai, c'est au démarrage de « Into the Painted Grey » que le ton est donné : gros blast, riff sombre et épique, puis douloureuse accalmie. Rien à faire, ça te prend aux tripes et te noue la gorge, mais où est donc passé le côté apaisant des précédents albums ? Pas loin me diras-tu, et tu auras raison. On reconnaît le groupe dans ce dosage dark/folk, ces structures en constante éclosion, ce chant black qui veut chuchoter, et puis là aussi dans ces arpèges, dans ces gammes, dans ce lead. Aucun doute, c'est bien du Agalloch. Qui accélère le rythme, choisit une production un poil plus organique et puissante, et se lâche sur les émotions au détriment de l'abandon contemplatif qui caractérisait ses précédentes offrandes. Et c'est bon, très bon même.
The Gnu's Monolith
« Into the Painted Grey » et « The Watcher's Monolith » sont à ce titre excellents, réussissant le pari d'être à la fois entraînants, profonds et prenants. « Black Lake Nidstang », probablement le morceau le plus « post » de ce Marrow, continue ce qu'avait commencé
« Ashes Against The Grain », mais en touchant là encore où ça fait mal (écoutez moi ce chant à 7:20, désarmant). On n'en voudra pas au groupe de moins varier ses plans au sein des compositions, devenant plus concis en travaillant son leitmotiv. On lui reprochera en revanche son manque d'inspiration sur certaines parties, qui à côté font pâle figure et semblent longuettes (sans être pour autant mauvaises). C'est malheureusement « Ghosts of the Midwinter Fires » qui en pâtit le plus, et jure par son approche trop lumineuse, cassant par ailleurs le rythme avant l'excellent morceau final. Dommage car sans cela l'album aurait eu un propos plus sombre et manifeste, à l'image de sa conclusion qui reprend le thème introductif sous forme de montée électrique, insufflant un beau sentiment de perdition.
Dead Lake Nidstång
Etonnant, « Marrow Of The Spirit » l'est plus dans ses choix que dans sa forme. En effet, ceux qui ont posé une oreille sur les premiers travaux des américains y verront sans doute des similitudes avec le glacial
« Pale Folklore ». Agalloch a laissé de côté les illustrations de la beauté de l'hiver
(« The Mantle » se suffisant à lui-même) pour se concentrer sur sa dureté comme le laissait présager un
« Ashes Against The Grain » déjà plus sévère. N'allez pas croire pour autant que le groupe ait opéré un retour aux sources, loin de là. Ce nouvel album se situe dans la continuité du précédent, dans ses mélodies, ses atmosphères, ses inspirations progressives... Si le propos rappelle parfois ce passé plus austère, la musique a hérité d'une décennie de recherche de la perfection, sobre, parfois minimaliste même et paradoxalement d'une richesse incroyable. A l'instar de son grand frère, « Marrow Of The Spirit » propose quelques expérimentations (toujours mesurées), dont la plus surprenante se trouve sans conteste sur « Black Lake Nidstang » (à partir de 10'15") où le combo croise son folk avec des sonorités post/noise. Magnifique.
Ghosts of the Dead Fires
Pour ma part, ce qui tue cet album, c'est sans doute ce qu'il a de plus beau à savoir « Black Lake Nidstang », pièce monolithique de 17 minutes que l'on jurerait taillée à même la glace. Placée en quatrième position, elle représente l'aboutissement d'un voyage au coeur de l'hiver, succédant aux tracés sinueux de l'introduction, à la tempête d'« Into the Painted Grey » et aux lamentations de « The Watcher's Monolith ». L'album aurait pu (dû ?) s'arrêter là tant ce qui suit semble insignifiant, émotionnellement parlant. Bien qu'il représente le titre le moins passionnant des six, « Ghosts of the Midwinter Fires » n'aurait à coup sûr, pas semblé si fade s'il avait été placé en début d'album. Quant à la conclusion « To Drown », bien que soigneusement orchestrée dans sa montée et parfaitement dans l'esprit de l'album, elle ne parvient pas à apporter de véritable plus à tout ce qui a été dit précédemment.
To Dead
Comme tous les quatre ans, la question n'est plus de savoir si le groupe va échouer, mais plutôt sur quel sombre rivage nous allons nous échouer. La destination était inattendue et vous surprendra peut-être par certaines de ses caractéristiques, les paysages n'en sont pas moins beaux et envoutants pour autant. Que vous soyez ou non convaincu par son final, « Marrow Of The Spirit » ne devrait pas vous décevoir si vous êtes sensible aux ambiances froides et monochromes des américains. Et avec l'hiver qui s'annonce ici, une bande originale de cette envergure ne sera pas superflue.
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