En ce qui me concerne, voici sans doute la chronique la plus difficile à écrire cette année. Car de tous les albums que j'attendais de 2006 (Katatonia, Novembre, The Gathering, ...), seul ce nouveau Agalloch ne m'a pas déçu. Avec toute l'admiration que je portais déjà à ce groupe et la quasi-perfection que représentait
"The Mantle" à mes yeux (ou à mes oreilles devrais-je dire), j'étais encore loin d'imaginer jusqu'où "Ashes Against The Grain" pourrait me mener. Et s'il m'aura fallu plus de trois mois pour poser ces quelques lignes, c'est qu'il ne fallait pas moins de temps pour laisser légèrement se dissiper l'euphorie de la découverte.
Ce troisième album aura necessité quatre longues années de travail aux américains, période durant laquelle leurs sorties aussi anecdotiques les unes que les autres (les EP "Tomorrow Will Never Come" et "The Grey", le split avec Nest) ne faisaient qu'amplifier la crainte d'un pale successeur à leur précédent chef-d'oeuvre. Face à l'engouement des médias et du public à l'égard de ce dernier (et du précédent d'ailleurs), il était évident qu'Agalloch était attendu au tournant. Cependant, le groupe ne s'est pas pour autant détourné de sa voie, déterminé à faire évoluer sa musique, à ne pas se répéter ou s'enfermer dans ce style qui lui aura vallu tous les honneurs. Les premières informations qui filtrèrent ne furent pas très réjouissantes. Annoncé par Haughm comme plus rock, le premier extrait "Falling Snow" m'avait un peu laissé perplexe quant à la nouvelle direction musicale des américains, effectivement moins folk, moins sombre et "hivernale". Attendre, toujours attendre, le metal met souvent du temps à arriver en France. Mais une fois dans le mains, il aura finalement suffit de quelques minutes pour dissiper toute crainte...
"Ashes Against The Grain" s'ouvre sur quelques notes diffuses, noyées dans leur propre réverbération. Vient alors s'y ajouter le poids écrasant d'une rythmique aux sonorités si particulières, si familières. Pourtant loin des égarements forestiers de
"The Mantle", Agalloch a su transporter l'ame de sa musique à travers les années et les styles. Déjà se dégage de ces 2 minutes, une atmosphère qu'eux seuls peuvent créer : leur touche, leur sensibilité n'a visiblement pas d'équivalence en ce monde. Et lorsque le premier break de ce premier titre survient, vous savez que vous passerez l'heure à venir figé devant votre chaine. Il n'en faudra pas plus pour vous absorber complètement.
Le groupe a évolué, ça ne fait aucun doute. Cependant, si
"The Mantle" rompait radicalement avec leurs précédentes productions, Agalloch semble maintenant réconcilié avec son passé et reprend ici ce qui faisait la beauté de ses prédécesseurs. "Ashes Against The Grain" serait comme le parfait mélange entre la noirceur de
"Pale Folklore" et la froideur de
"The Mantle", un album entre folk, musique atmosphérique et dark metal absolument superbe d'équilibre et de justesse. Tout n'y est qu'évidence, chaque break, chaque montée, chaque passage, chaque arrangement se trouvent là où ils devaient l'être, au moment où ils devaient l'être. Les différents types de chant de Haughm sont eux aussi parfaitement dosés, puissants, poignants, émouvants, qu'il s'agisse de ses hurlements ou de son chant clair, encore plus maîtrisé. L'ensemble ne souffre d'aucun défaut dans son hétérogénéité et sa progression et les morceaux qu'ils soient plus sombres, plus lourds ou plus calmes dégagent tous cette même essence et cette même profondeur. Mais le groupe ne s'est pas contenté de mélanger ce qu'il avait déjà fait, au contraire. Ce troisième album prend également une tournure plus progressive, comme en témoigne notamment le splendide morceau de conclusion "Our Fortress Is Burning".
Impossible d'expliquer (mais est-ce nécessaire ?) comment on en arrive à un tel résultat, comment il est possible de sortir tant d'émotions de quelques simples notes. Car la musique d'Agalloch n'a absolument rien de complexe, aussi bien sur le plan technique que du point de vue de la composition. Et c'est sans doute là que l'on trouve tout leur génie, de cette simplicité, de cette authenticité qui fait que chaque seconde retentit mille fois entre vos deux oreilles. On ressent toujours l'importance de la nature dans leur musique et dans l'ambiance que crée cet album. D'ailleurs, les paroles opposent toujours l'homme à la grandeur et à la force de ce qui l'entoure. Et comme si "Ashes Against The Grain" en était son reflet, on se sent souvent peu de chose au milieu de tout ça...
Du haut de ses 60 minutes, "Ashes Against The Grain" parait en réalité bien court. Dans son monde, on ne voit plus défiler le temps. Hermétique, on oublie ce qui nous entoure pour s'abandonner dans les tourments d'un album à l'infinie profondeur où chaque seconde n'est qu'émotions. J'ai longtemps hésité à aller jusqu'à la note maximale, prétextant une euphorie passagère, un bonheur condamné au déclin mais après un nombre d'écoutes incalculable, le plaisir n'a pas faibli. Comme je t'envie ami lecteur qui ne connait pas encore ce chef-d'oeuvre et qui aura sans doute cette joie un jour, de plonger dans un tel univers. Pour moi, cet album serait presque comme un aboutissement. J'ai du mal à voir ce que l'on peut attendre de plus, si ce n'est éventuellement son successeur en espérant qu'il boulverse une nouvelle fois les barêmes de notation. Pour moi, l'album de l'année et loin devant.
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène