“
Lord Addu, Master of the Earth and Sky
Kakodammu
I call to thee, harken and remember
Bring forth the mighty storm that this world shall taste your fury ...”
Aaaah, les imprécations incantatoires débutant «Thresholds»! C'est exactement la touche occulte qui convenait pour finir de scotcher le jeune ado que j'étais alors, fraîchement initié au death metal et ne demandant qu'à prolonger la magie sonore déployée par « Masters of Brutality » - compil' d'extrême bon goût qui m'avait dépucelé les oreilles quelques semaines plus tôt. Il faut dire qu'après les achats de «From beyond» (Massacre) et «The End Complete» (
Obituary) – qui m'avaient contenté sans me transporter – je cherchais désespérément à retrouver les délicieux frissons qu'avait provoqué cette musique nouvelle alliant violence, puissance et noirceur maléfique. Oui, je sais, 3615 TaVie (ou plutôt http://www.tavie.com/), on s'en bat les clavicules: n'empêche, il est toujours dur d'extraire les albums qui vous ont marqué du contexte qui les a vu débarquer dans votre vie … et voilà, souvenirs souvenirs, tout ça tout ça quoi …
«Thresholds» ne serait pas le premier album de Nocturnus chroniqué sur Thrashocore, je vous épargnerais le cours d'histoire, mais vu les circonstances, un débriefing s'impose. Mike Browning, ex-batteur de
Morbid Angel (
petit groupe américain dont vous avez peut-être déjà entendu parler !), se trouvant désoeuvré, il trouva vite l'idée géniale et inédite de circonstance pour se remettre en selle: s'entourer de musiciens pas manchots (
certains ont fait partie d'Agent Steel ou Nasty Savage) et fonder un groupe de death metal ! Oui, mais pas n'importe quel death: un peu avant tout le monde - et en parallèle de leurs compatriotes d'Atheist -, Mike et ses potes inventent le techno-death, en insufflant dans cette variante beaucoup d'ingrédients nouveaux habituellement étrangers à la rugosité intrinsèque du genre:
- Des rythmiques alambiquées (au niveau des grattes surtout) faisant les pieds au mur.
- Une pluie incessante de leads lumineux et de soli de folie qui tranchent avec la massive et vicieuse architecture rythmique sus-citée.
- Des structures progressives avec force breaks, ponts et ribambelles de plans pour des morceaux n'ayant pas peur de dépasser les 7 minutes (« Aquatica », « Climate Controller »).
- Des ambiances marquées et réussies, faisant de chaque titre un tableau distinct des autres.
- Contre vents et marées, l'ajout d'un synthé, haut crime de lèse-death metal à l'époque, puni d'une amende de 300 dollars et du retrait de 4 points sur le permis d'enregistrer avec Scott Burns.
- Une thématique science-fiction qui tranchait, avec d'ailleurs un artwork superbe.
Une forte personnalité donc.
Et le résultat est là: on est sur le cul du début à la fin de l'album. Les mots qui viennent spontanément à la bouche (
et non pas « l'émo qui vient spontanément à la bouche », non merci, je ne pratique pas ce genre de sport … ) sont « virtuosité » (
ces guitares maman, ces guitares !), « atmosphères », « travail de composition énorme », « ah les cons, mais ils ont tout compris avant tout le monde ! » … On se retrouve happé corps et âme dans chacune des 8 histoires mises en musique au cours de ces merveilleuses 44 minutes. On reste abasourdi lorsqu'on se rend compte que tout ça a vu le jour en studio, fin 1991, il y a plus de 15 ans ! Ces gars étaient de vrais visionnaires, et on se demande bien pourquoi le nom de Nocturnus n'est pas plus souvent cité au côté des Atheist, Death, Pestilence et autres vétérans du death intelligent.
La faute au synthé peut-être, qui les a vu boudés par la frange orthodoxe-trou-du-cul de l'époque (
c'est vrai qu'en de rares endroits, il peut sonner un peu cheap, mais dans l'ensemble il contribue bien à la création des atmosphères, et il reste en général discret, voire timide) ?
La faute à une prod' made in Morrisound qui ne met pas franchement la batterie en valeur et qui est de manière générale un peu trop étouffée ?
La faute à un chant un poil trop monocorde ?
Je ne saurai dire. En tous cas, pour ceux que les références ci-dessus émoustillent, pour ceux qui aiment les atmosphères savamment posées et le travail de composition virtuose et intelligent - c'est-à-dire qui n'oublie pas qu'il faut rester accrocheur -, pour ceux-là il va falloir penser à dépoussiérer ce « Thresholds » en priorité avant de se vautrer dans les productions des nouveaux groupes qui jouent à celui qui a la plus grosse et la plus technique. À bon entendeur…
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