Vladimir Bozar 'n' Ze Sheraf Orkestär - Universal Sprache

On a l'habitude que les groupes de crust soient affublés d'un patronyme commençant par « Dis- » (Disrupt, Disfear, Disclose … en hommage à Discharge). Pour le ska, c'est plutôt à un préfixe en … « Ska- » que l'on s'attend (The Skatalites, Skarface …). Pour les groupes d'avant-garde nawak metal, il faudra maintenant compter sur le suffixe « Orchestra ». En effet, même s'ils trichent un peu avec l'orthographe, les Vadimir Bozar ‘n' Ze Sheraf Orkestär sont bien de cette école, et ils ne déparaient pas sur la photo de groupe, aux côtés des Diablo Swing Orchestra, Disharmonic Orchestra et The Big Royal Kunamaka Orchestra, tant leur Zébulon metal qui sautille, frétille, et ne tient pas en place cadre bien avec l'absence de limites caractérisant ces groupes.

« … COMMENCEZ-PAS … à me brisez les nouilleuuuuuuh, c'est si bon d'être heureux ! »

Allez, petit topo bio en guise de (tardive) intro: ancien tribute band à Franck Zappa – pape du délire couché sur microsillons –, le groupe se dit un jour « Chiche ! » et commence à mettre en musique ses propres délires, puis va vite les faire écouter à Tonton Trey Spruance (Mr Bungle, Secret Chiefs 3, Faith no more …). Tout ce beau monde là va alors commencer à se faire des bécots avec la langue et tout le reste, et ça devient vite l'orgie: en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « yorgl ! », la bande à Vladimir se retrouve à faire quelques dates aux côtés d'Estradasphere. S'ensuit une escapade à Seattle chez leurs nouveaux copains pour mettre en boîte leur premier album, puis une tournée – le « J'aime le Yaourt Tour » – en compagnie de Secret Chiefs 3. Là, normalement, les amateurs du genre doivent commencer à avoir de la bave plein le clavier …

« … Gonzales, tu sais quoi: ch't'attrape, ch'te mords ! … »

Pour situer avec plus d'exactitude ces joyeux loufdingues sur le plan musical, il faut citer Mr Bungle, les VRPs, Mr Bungle, de pleins containers de metal extrême – tantôt thrash, souvent death, parfois blackisant –, Mr Bungle, de grosses louches de musiques tzigano-slaves et de folklores orientalo-chamarrés, Mr Bungle, Philippe Katerine, Georges Brassens, du raggamuffin, des rythmes jungle, du Doo-wop, de l'accordéon, de la musique de film …Bref, c'est un immense kaléidoscope sonore explorant la complète palette des genres, sautillant de long en large sur l'arc en ciel des possibles musicaux. On pense aussi un peu à Sebkha-Chott, pour ceux qui connaissent. J'imagine que cette description vous aura mis la puce à l'oreille (et le morpion dans le falzar): si les changements brusques et fréquents de registre musical vous flanquent le mal de mer, munissez-vous d'un petit sac en papier. Si l'idée d'une chanson traitant de l'art et la manière de bien cuisiner ses pâtes (« Panzoni Pasta »), ou une autre reprenant le thème principal de Rabbi Jacob aux modes soft rock lounge, free jazz d'aquarium et jeu vidéo vous file des boutons, ne tentez pas le diable. Mais si par contre vous êtes clients de ce genre de délires, brothers & sisters, venez rejoindre l'école des Bozar pour y suivre leur cours d'Esperanto metalo-musical dispensé avec bonne humeur tout du long du bien nommé « Universal Sprache ».

« Besoin de ten-dresse, de délica-tesse, une caress' sur tes fess' de déess', dans la Mercedes' … »

Sachez donc, amis routards des contrées musicales accidentées, que vous n'aurez même pas à faire preuve d'endurance pour goûter pleinement aux fruits juteux dispensés sur cette galette. En effet, bien que très (très !) inspiré par le Mystère Bungle, les Vlads ne nous ont pas pondu un générateur de maux de tête Disco-volantien. Non, vous verrez que – bien que patchworkesque à l'extrême – la musique du groupe déroule très vite un fil d'Ariane conducteur qu'il est Thésée de suivre afin de ne pas se perdre dans ce labyrinthe musical. Ainsi, même si ça remue sans cesse dans tous les sens, croyez-moi, au bout de 4-5 écoutes, la logique et la folle magie sous-jacentes font leur office, et vous vous surprendrez à fredonner tel ou tel passage prenant, à anticiper ces transitions peu orthodoxes mais tellement bien senties, ainsi qu'à joindre vos force à Pedral et Mina pour entonner refrains, invectives et autres cantiques caustiques … Venez donc vous rassasier de ces influences metal omniprésentes, qu'elles rejaillissent sous forme d'un thrash/death tribal, à 2:37 sur « RRS Master » ou d'un metal ultra saccadé sur fond de B.O. inquiétante, à 2:33 sur « Super Mythoman ». Sortez vos chemisettes hawaïennes et vos rouflaquettes, et venez claquer des doigts sur les cuivres funky et la gratte typée « early 80's » à l'œuvre à 1:29 sur « Panzoni Pasta ». Venez onduler au rythme du groove hypnotique déployé à 3:43 sur « Ocham ». Que du bonheur vous dis-je! Même que pas à un seul instant on ne débande (ou « ne se déshumidifie », selon la nature de votre entrejambe) sur l'enchaînement magique « Panzoni Pasta » (Des pâ-teuh, des pâ-teuh …) / « Hector … » (Et son final génial, à partir de 4:49, qui vous transporte dans un orient ou les éléphants sont roses et les chichas remplies de substances qui font rire) / « Le Grand Rabbi » (… Jacob !) / « Gonzales » (nawakesque) / « Touloufi Colum (Plus focalisé, avec un début très Tim Burtonien).

« Plutôt crever, même déjà mort ! »

Alors c'est sûr, placé entre une production de Jacob Hansen et une autre de Andy Classen, « Universal Sprache » sonne un brin « p'tit bras ». OK, on pense vraiment souvent à Mr Bungle en parcourant l'album. Et puis oui, c'est vrai, peu de grandes questions existentielles sont traitées au travers des textes de ces onze titres. Et puis après? Le truc c'est qu'à la fin de l'écoute de l'album, on a envie de se le remettre. Et puis le lendemain aussi. Et puis des bouts de titres ne cessent de revenir vous hanter. Et puis il vous prend assez vite une furieuse en vie de les voir en live. ‘fin bref, tous les signes révélateurs qui montrent que « Crénom, ce putain d'album est en train de m'envoûter ou quoi ? » sont là. Faut-il le préciser: à essayer urgemment!

« … ouiiiiiiiii, chais décha fait l'amoooor … »

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