Dur. Très dur de s'attaquer à un morceau comme « Disco Volante ». Gonflé. Très gonflé de prétendre pouvoir évoquer ce que renferme cet album, et – pire ! – de le juger. J'avoue qu'on se sent petit, modeste à son écoute. En effet, cette petite rondelle laser qui ne paye pas de mine contient du lourd, du très lourd. Dans la discographie de Mr Bungle - pourtant déjà très peu portée sur l'easy-listening -, « Disco volante » fait figure de centre de gravité à la densité proche de celle d'un trou noir (Non non, pas de blague désobligeante ici: il n'y a pas plus dense que ces bébêtes cosmiques !). En fait, sur cet album Mr Bungle se transforme en Mr Plus: plus expérimental, plus metal, plus dur d'accès, plus givré, plus déstructuré, plus extrême … Ah, on me signale à l'oreillette que selon le point de vue adopté, cet album est aussi celui des moins: moins reposant, moins fluide, moins accrocheur.
En fait, sur ce deuxième manifeste artistique, Mike Patton et sa bande de joyeux Pieds Nickelés lâchent totalement la bride à leurs poussées de folie psychopathe, abandonnent toute idée de respect des conventions et dressent définitivement la tente de leur état-major dans le hall du département psychiatrie de l'hôpital du bout de la rue. Dans la foulée – et somme toute logiquement – le groupe abandonne également tout embryon de compromission commerciale, et place carrément en 1ere position de leur track list «Everyone I Went To High School With Is Dead », composition amusicale qui – et c'est un doux euphémisme - prend carrément l'auditeur à rebrousse-poil, histoire de bien faire le tri d'entrée de jeu, laissant sur le carreau les cœurs sensibles et autres amateurs de musiques d'ambiance pour supermarché.
Maintenant, paralysé par l'ampleur de la tâche qu'est la réalisation de cette chronique, je pourrais me réfugier dans le rôle confortable du critique pédant, qui assène ses vérités définitives via des formules péremptoires chocs, du style « Disco Volante est un chef d'œuvre absolu qui ne supporte pas la critique: adhérez à la démarche du groupe, ou croupissez à jamais dans la médiocrité de ceux qui ne peuvent atteindre l'élite qui a compris le pourquoi du comment » ou un « Les sommets d'expérimentations génialissimes atteints par cette œuvre la place si haut que seules une culture musicale approfondie et une oreille experte vous laisseront l'ombre d'un espoir d'en comprendre le millionième ». A travers cette approche, je pourrais en impressionner deux/trois dans le fond de la classe, en caresser un ou deux dans le sens du poil … et paraître pour le gros con snob qu'alors je serais !
La vérité, c'est qu'en poussant à un tel degré la folie furieuse et l'expérimentation, le groupe atteint aussi bien le sublime qu'il en arrive parfois à oublier que l'auditeur peut vouloir écouter de la musique de temps à autre, et qu'il peut avoir besoin de se raccrocher à des repères. A cet égard, le nihilisme musical de «Everyone I Went To High School With Is Dead », les dissonances et les décalages de « Phlegmatics » ou le patchwork sans queue ni tête de « The Bends » sont autant déstabilisants que peu ragoûtants pour l'oreille non masochiste. Heureusement, le groupe s'en va parallèlement côtoyer les Dieux de l'Olympe musicale en maintes occasions, le tout – et c'est là que c'est le plus fort – en défrichant des territoires vierges et en imposant leur empreinte sans égale. Ainsi sur « Desert Search For Techno Allah » se déverse dans nos oreilles une folle techno-parade qui fait escale en Mer Rouge. « Violenza Domestica » est la bande originale ultra-flippante d'un thriller latin où l'on sent que l'univers conjugal va finir en une rivière de sang issue moins du con que de la jugulaire (
con-jugulaire-conjugal … non ? Mais euh, j'aurais quand même le droit de continuer à faire des chro' dans Thrasho ou bien c'est fini là ? Bon, finissons quand même celle-là …). « Ma Meeshka Mow Skowz » nous emmène faire les courses à dos d'âne dans un marché des 4 saisons de l'arrière-pays russe. Enfin, le fabuleux « Merry Go Bye Bye » met en scène un duel sans merci entre pop-country-rock joyeusement niais et … Death Metal des familles !! Evidemment, le groupe utilise tous les instruments imaginables, place 57 plans par minute, tape dans tous les styles … et fait lever la pâte jusqu'à en faire quelque chose d'inédit et de génial.
Mais trêve de vains brossages de tableaux: vouloir aller plus loin dans le descriptif serait aussi pertinent que de vouloir évoquer la saveur d'un bon champagne en s'attardant sur 3-4 de ses bulles (ça marche aussi avec la bière hein !).
Cet album n'est – sans pour autant prendre ici le ton du chroniqueur snobinard ci-avant évoqué - définitivement pas pour tout le monde. Déstabilisant, fabuleux, déviant, touche-à-tout, dangereux, le groupe fait ce qui lui plait, et cela ne sera pas pour plaire à tout le monde. Personnellement, je reprocherai au groupe de nous (me ?) perdre un peu trop souvent en route, d'où la tiédasserie de ma note, qui me vaudra à coup sûr le mépris des aficionados. Néanmoins la liberté de ton, la créativité, les trouvailles sublimes dont regorge cet album en font une œuvre majeure et intemporelle (oui, c'est vrai, il faut quand même le dire …). Je conseillerai néanmoins aux non pratiquants de commencer par un
"> « California » ou un
« Mr Bungle » avant de faire le grand saut.
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