Cette dernière pelletée de mois, on a un peu l'impression d'assister à l'éclosion d'une génération spontanée de groupes génialement chtarbés.
Unexpect,
Diablo Swing Orchestra,
Pin-Up Went Down,
Stolen Babies,
Ilkhah, … Il va maintenant falloir ajouter Sebkha-Chott à cette liste qui s'allonge dans les proportions d'un Rocco sous perfusion d'hormones d'auroch. Dernier de ces OVNIs a être venu câliner avec du poil à gratter le point G de mon oreille interne, ce vilain cachottier de Seb (
Non, c'est pas ça le sens premier du nom du groupe ?) existe pourtant depuis 2000, et « Nagah Mahdi » (
J'essaierai de leur demander en interview le programme pour Mehchedi et Vendhedi …) est sorti dès 2006 … Putain mais on me dit rien à moi ou quoi ????
A l'image de
Diablo Swing Orchestra ou
Unexpect, les ChoChott (
Qu'ils veuillent bien m'excuser cette familiarité !) forment un collectif d'artistes barrés qui allient un visuel fort à une musique foisonnante, développant une mythologie décalée et déconnante afin d'ancrer leur délire dans un cadre fournissant quelques repères à des auditeurs éberlués. C'est donc d'Ohreland - contrée située à mi-chemin entre Sirius et Le Mans -, que débarquent Wladimir Ohrelianov II, Benoît Popol II ou encore Yüla Slipovitch, personages hauts en couleur (
Wladimir aurait un bleu qui ferait dans les 2m30) bien déterminés à répandre leur Mekanik Metal Disco en nos humides et consentant orifices métallo-récepteurs.
Bon, ils sont gentils les Sebkha, mais « Mekanik Metal Disco », c'est un peu comme « Autruche Core »: ça fait beau suspendu au dessus de la cheminée, mais c'est aussi précis qu'un GPS embarqué dans une auto-tamponneuse! En fait, afin de mieux cibler le magma musical qui coule de Nagah Mahdi, le groupe parle d'un croisement entre Zappa, Magma (
justement !),
Mr Bungle,
Fantomas, le prog des 70s et le metal extrême du XXIe siècle … Pas faux, m'enfin je vais quand même vous faire la version Cyrilienne du truc: imaginez un collectif festif à la Négresses Vertes/Mano Negra, avec des cuivres chaleureusement fanfaresques, un goût prononcé pour le nawak et l'exotique (
Salsa, Samba, Bossa Nova), l'orgue de Charlie Oleg, des chanteurs et –euses protéiformes (
chant death, clair, lyrique), un penchant évident pour le jazz free style déstructuré, et puis du swing, du death, du swing, du reggae (
« La Complainte D'Yvette H. », featuring un Pierpoljack qui se serait envoyé un plein pot de colle Cleopatra dans les narines), du R'n'B (
« Sensual Lips And Magic Tricks », mmh, yeaah), du swing, du true metal
Maidenesque (
« Menstrual Fix And Phallic Sticks » ), des samples divers (
excellent les menaces péquenouillisantes de « Méchoui »), du swing … C'est bien simple: citez un ingrédient musical quelconque – scat, scratch, live, electro … - il se trouve à coup sûr planqué quelque part sur l'un des morceaux de « Nagah Mahdi ».
Découpé en 48 morceaux évoluant sous les 2 minutes, l'album a tout d'une galette de grind. En fait, le groupe a souhaité saucissonner ses 7 morceaux principaux en une multitudes de chapitres où les titres sont autant de commentaires d'un guide goguenard, et où les interludes, prologue, épilogue et autres épisodes connexes contribuent à créer un véritables univers fourmillant, loin de la clinique et courte track list habituelle. Lorsque vous posez cet album sur votre platine, vous vous exposez à un monde foisonnant d'idées, bourdonnant de vie, frétillant d'impatience qui plonge l'auditeur dans un mælstrom de sensations, parmi lesquelles ressort l'impression d'assister à une impro jazzy donné par l'association de
Meshuggah et de l'orchestre de Kusturica autour du thème « Le death est-il soluble dans l'univers du cartoon exotico-burlesque ? ». De ce geyser musical ressort un certain nombre de moments hyper accrocheurs. Allez, tant pis, jouons les rouleaux compresseurs descriptifs: vous ne saurez pas résister au reggae de dessous de couette de « La Complainte D'Yvette H. », aux lignes de chants tortueuses mais incroyablement libres qui singent les parties déstructurées et jazzy des instruments conduisant « La Procession Des Imbéciles », au mélange beats techno / chant d'opéra / growls / chant à la
Wormfood / trompette de « Sombre Gloire », au R'n'B dance floor de « Sensual Lips And Magic Tricks », aux accents cubains de « Illusions », au tube « Confrérie De L'Intox », au groove de « VaGoDor Deu Sahpun », à l'excellent n'importe quoi vindicatif débutant « Mais Qui A Laissé Cramer Le Chameau ? », aux incantations tribales de « N'y Va Pas, Tante Mireille ! » ou encore au tube funkorientalisant « Goat Of Rahahaaz Vs Mustach'Man ».
Ce qui me retient de chanter encore plus fort les louanges de Sebkha Chott, ce sont deux petites frustrations, certes dérisoires, mais qui me gâchent un peu la digestion. Et Confucius lui-même ne disait-il pas: «
Aussi petites soient-elles, les gouttes des menstrues ressortent toujours sur la blanche culotte comme l'accordéon sur un album de Devourment »? Tout d'abord, le son des passages death est un peu faiblard, voire fluet, ce qui enlève pas mal à la patate de ces furieux moments. En même temps, quelle prod' saurait tirer le meilleur tout à la fois de cuivres jazzy, de grattes death et de rythmes de samba, hein, je vous l'demande? L'autre point qui me chiffonne, c'est les excès prog/expérimentaux dans lesquels se vautre le groupe, tout particulièrement en fin d'album: pour moi les presque 13 minutes de « Soul Coït » sont une insupportable masturbation non musicale qui casse l'osmose générale. Et dans une moindre mesure, la sieste spatiale en scaphandre qui s'étend de « Choc Post-Opératoire » à « J'Ai Ejaculé Une Boîte De Mouchoirs ! » est un peu trop anesthésiante. Enfin ça c'est le point de vue du métalleux, j'imagine que les plus loufoques progueux des fans du groupe doivent y trouver leur compte. N'empêche que les incartades un peu beaucoup expérimentales que s'accorde parfois le groupe se font au détriment de l'accroche et de la cohérence de l'album. Voilà, c'était ma minute ronchonnerie de fin de soirée.
N'empêche, comptez sur moi pour aller voir ces joyeux loufdingues en première partie d'
Unexpect en cette fin d'année. Et vous, lecteurs émoustillés mais hésitant, ne soyez pas effrayés, jetez vous dans les chaudes et profondes eaux ohrélandaises, même si vous ne maîtrisez pas tout à fait la nage de la chenille naine des marécages: il n'y a rien d'autre à faire qu'à se laisser porter par les courants …
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