Bien souvent, l'album éponyme débarque dans la vie d'un groupe pour rassurer les fans déconcertés par des expérimentations trop aventureuses ; il signifie en substance «
Rassurez-vous, on arrête nos conneries et on revient à nos racines» … Ou alors, pour clore une période de crise identitaire, certains groupes signifient par là «
Cet album c'est vraiment nous, à poil, c'est ce qu'on a toujours voulu faire, on y a mis toutes nos tripes».
Dans le cas de Mr Bungle, ce 1er album éponyme évoque plutôt la simplicité directe du «
We are MOTORHEAD ... and we're going to kick your ass». Pas que la musique du groupe ait une quelconque ressemblance avec la rugosité du hard burné de la bande à Lemmy, mais cette bande de joyeux barjots a la même forte personnalité qui se passe sans problème de courbettes, effets d'annonce et autres titres racoleurs pour s'imposer dans les sphères métalliques.
Mr Bungle, c'est d'abord une brochette de musiciens aussi talentueux que dangereusement malades, parmi lesquels Mike Patton, l'homme aux cordes vocales en caoutchouc, surtout connu pour son appartenance à Faith No More. Quand on sait en plus que c'est John Zorn qui est derrière les manettes, on comprend vite que nos santés auditive et mentale vont être mises à rude épreuve. Et en effet, c'est tout le Big Band d'un hôpital psychiatrique pour musiciens aux nerfs fragiles qui terrorise oreilles et cortex pendant plus d'une heure sur cette galette aux allures de thérapie de groupe musicale. Le terreau fertile sur lequel Mr Bungle s'en va semer sa folie est un metal funky où les cuivres jouent un rôle tout aussi important que les grattes. Dans les passages les plus conventionnels, on pense souvent aux ténors de la fusion groovy que sont Infectious Grooves, Mordred, Mucky Pup, ainsi qu'à Faith No More (période « The Real Thing ») bien sûr,
Carnival in Coal, voire les Red Hot. Se greffe à ce socle musical un merveilleux bordel fourmillant où se mêlent les zouaveries du vocaliste caméléon en chef, des bruitages débiles, des expérimentations délirantes – voire éprouvantes parfois, cf. «Dead Goon» - et une ambiance de cartoon malsain.
Toutefois, l'aspect délire expérimental est suffisamment submergé dans un swing über-funky pour qu'on adhère très vite, même si les esprits chagrins regretteront les longs samples pas vraiment indispensables qui plombent la fin de nombres morceaux. Pour ma part, ayant du mal à réfréner quelques claquements de doigts compulsifs, je ne peux pas résister au plaisir de vous livrer quelques instantanés témoignant de ces géniales loufoqueries: ainsi sur «Squeeze me Macaroni», 1ere réussite absolue de l'album, on se retrouve entraîné dans un gros délire fooonk où les grattes se frittent avec les cuivres et où Mike Patton se délecte de « Nik Nak Padiwak » et de « Tikitikitou … Titititou … » from Copacabana, complètement cons mais tellement à leur place ! «Carousel» voit la cohabitation d'un ska jazzy avec de grosses grattes limite death (à partir de 1:18), tout en laissant de l'espace à du chant d'opéra, de la musique de manège et de jeu vidéo. «My ass is on fire» est le morceau le plus thrash de l'album, et il culmine par deux fois (à 1:41 et 4:21) sur un break thrash/jazz/death qui amène un «
It's not funny my ass is on fire» d'anthologie. Enfin, citons encore le sexy et funky «The girls of Porn» (« Sex sex sex !!!”) bandant au possible, ainsi que les lignes de basse à se rouler par terre de «Dead Goon» (à 1:54 entre autre).
On notera que, bien qu'évoluant dans un registre relativement hors des modes, ce 1er album contient quelques témoignages de l'époque qui l'a vu naître. Ainsi ce penchant marqué pour le groove et les cuivres s'inscrit logiquement dans la vivace scène fusion / crossover de l'époque, et la prod' de Zorn, sans être poussiéreuse, est quand même moins limpide que celle d'un
">« California ». S'il n'est pas l'album parfait pour rentrer dans l'univers du groupe, « Mr Bungle » reste une œuvre maîtresse, et la preuve que - quand le mariage est effectué sous l'égide du génie musical - tous les styles peuvent être mélangés sans crainte de faute de goût.
«
Ohh, an egg inside of a chicken, oooh, a chicken inside of an egg …»
cglaume - 19/09/2007
Cette année de merde m’a plongée dans une profonde nostalgie et fait ressortir mes vieilleries réconfortantes. Après Sailing the Seas of Cheese de PRIMUS, mes pérégrinations musicales me menèrent une fois de plus vers la Californie, et je vous invite à venir avec moi faire un tour de carrousel (enfourchez vaillamment votre monture et accrochez-vous, ça va tourner dans tous les sens !) avec MR. BUNGLE pour partir à la (re)découverte de leur premier album éponyme, qui, comme Sailing the Seas of Cheese, souffle ses trente bougies cette année. Le moins que l’on puisse dire, c’est que notre vieillissant clown so creepy a peut-être le maquillage qui dégouline, mais qu’il n’a pas pris une ride, pas une ! Moins que moi, en tout cas !
Nous sommes en 1985 à Eureka, trois copains de lycée, Mike Patton, Trevor Dunn et Trey Spruance fondent un groupe, au nom emprunté à un film éducatif des années 1950 conçu pour apprendre les bonnes manières et l’hygiène aux enfants :MR. BUNGLE. Ah, le contre-pied total, voire carrément le foutage de gueule en bonne et due forme ! Démence, violence, drogue, sexe, scatologie, aucune thématique, à l’exact opposé des bonnes mœurs, ne sera oubliée par ces jeunes larrons en foire !
Après avoir enregistré quatre démos entre 1986 et 1989, desquelles seront extraits de nombreux titres de leur futur premier méfait, l’inénarrable Mike Patton, rejoint FAITH NO MORE, en remplacement de dernière minute de Chuck Mosley juste l’avant l’enregistrement de The Real Thing. Bénéficiant de la notoriété fulgurante de FAITH NO MORE, MR. BUNGLE signe alors un contrat avec Warner Bros. Records, et sort en août 1991 son premier album,Mr. Bungle donc, produit par - excusez du peu - Monsieur John Zorn, immense musicien et producteur d’avant-garde, au CV long comme un jour sans pain, aux collaborations nombreuses et ultra variées (notamment avec un certain Mick Harris).
«Je suis jeune, il est vrai; mais aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années». Cette phrase, le bleu-bite Patton aurait pu l’emprunter au Rodrigue de Corneille, lui qui, à 23 ans, avait déjà l’étoffe d’un grand général ! L’homme aux six octaves, si jeune, mais déjà si éclatant de génie, utilise sa phénoménale voix comme un instrument de musique à part entière : du lounge (« Slowly Growing Deaf »), au flow à rendre fou de jalousie une palanquée de rappeurs (« Squeeze Me Macaroni ») en passant par le growl modulé avec une facilité surprenante, il tente tout et tout lui réussit, l’insolent ! Trey Spruance à la guitare, Trevor Dunn à la basse, Danny Heifetz à la batterie et Clinton McKinnon au saxophone ne sont pas en reste : ils ne s’interdisent rien, traversent les frontières stylistiques les plus infranchissables avec une aisance déconcertante, s’amusent à casser les codes, les rythmes, faire et défaire les ambiances, toujours avec un groove de malade (mental), metal, free-jazz (ah, cette basse omniprésente !), ska (ouh, ces cuivres endiablés !), funk, rockabilly, samba, ce kaléidoscope musical explosif vous emmènera aux confins de la folie.
Mr. Bungle est un album qui s’écoute comme l’on peut regarder un film avec un solide storytelling. L’utilisation judicieuse de nombreux samples, en interlude entre les morceaux ou directement intégrés au coeur des titres renforce l’aspect narratif ininterrompu de son scénario déglingué. Vous êtes toujours solidement accroché au manège ? Dégustez une pomme d’amour au sirop douteux, savourez une barbapapa à l’acide chlorhydrique offerte par un clown déguenillé aussi pitoyable et pathétique qu’un punk à chien de Monoprix, parfois aussi effrayant que le Grippe-Sou de Stephen King, vous n’êtes pas au bout de vos surprises ! Mais faites gaffe quand même ! La pinata au-dessus de votre tête est bourrée de paillettes multicolores, mais gluantes de foutre, de larmes et de sang.
Borderline, régressif, subversif, provoquant, expressionniste et donc aussi difforme qu’un portrait de Kokoschka, Mr. Bungle est un véritable diable en boîte complètement barré, totem d’une fête foraine éreintante, dopée aux amphèt’ et au GHB, naviguant entre la débauche avec des morceaux aux titres si peu subtils « Love is a Fist », « My Ass is on Fire », ou encore « The Girls of Porn » (avec ces cris de jouissance d’une femme en pleine extase) et l’expression du stade régressif scatologique avec force soulagements dans les toilettes, de l’humour, cynique, au vitriol, mais toujours une certaine idée distordue de l’amour, plein, partout, pas très conventionnel, pas toujours propre, je vous l’accorde, mais de l’amour quand même !
Vous pouvez descendre de votre cheval de bois, assumer votre gueule de bois, aller vomir vos tripes ou aller vous allonger pour attendre la fin du bad trip, vous venez d’assister à l’un des plus spectaculaires, des plus déjantés et malsains, mais foutrement joyeux des carnavals ! Je vous laisse, j’ai rendez-vous avec mon psychiatre… j’y croiserai peut-être Mike Patton (king for a day… fool for a life time ou demi-Dieu vivant dans mon panthéon musical) qui vient d’annoncer l’annulation des tournées de FAITH NO MORE et de MR. BUNGLE pour des raisons de santé mentale. Sans blague ?
ERZEWYN 21/09/2021
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