Burst - Lazarus Bird
Chronique
Burst Lazarus Bird
Il y a des albums comme ça. Dont on espère tant qu'on les met à coup sûr sur un piédestal, dans la catégorie chefs d'oeuvre annoncés, sans envisager une seule seconde la sortie de route ou l'errance expérimentale dans laquelle se fourvoient tant de musiciens en voie de perdition. Non, après un "Prey On Life" béton et le magistral "Origo", BURST ne pouvait décevoir et c'est sans la moindre appréhension que j'insérais la galette dans le lecteur, prêt à cueillir l'étreinte hardcore atmosphérique d'un groupe unique en son genre. Au diable le premier sentiment mitigé et la désagréable sensation de vide, c'est bien connu, les meilleurs skeuds se méritent et se découvrent avec le temps. Rassuré par un collègue amateur du combo suédois, lequel n'avait trouvé la clé qu'au bout de plusieurs écoutes, je persistais à donner sa chance à cet oiseau de mauvaise augure, que j'espérais porteur de pièces maîtresses combinant à merveille détresse singulière et énergie brute de décoffrage. Une dizaine d'écoutes supplémentaires ne changeant rien à l'affaire, je me résignais pourtant bien (trop) vite à placardiser ce "Lazarus Bird" si déstabilisant qu'au delà de l'absence de plaisir éprouvée à son encontre, j'enrageais bien plus encore de ne pas comprendre les raisons de ce soudain désamour.
Sauf que comme d'habitude après une rupture, il faudra attendre quelques semaines et essuyer nombre de gueules de bois pour y voir plus clair, avant de conclure d'un vibrant "Mais quelle grosse connasse !" ou encore d'un "Lla sale pute lubrique !" tout aussi solennel. Soit, ramené à la condition d'un vulgaire CD, "Putain, 20 euros!". Bon sang mais c'est bien sûr, si BURST m'a tant déçu, c'est à cause de ce satané chant clair à 1:02 sur “I Hold Vertigo” ! Ah si seulement c'était si simple ... Le chant clair, toujours aussi fragile et délicat, est certes plus présent que sur “Origo” mais sert de contrepoint nécessaire aux vociférations meshuggesques, lesquelles se taillent ici une bonne part de l'espace sonore. C'est l'une des composantes burstienne caractéristique que le groupe a reconduit sur son nouvel opus, annoncé par ses géniteurs comme un essai brut, plus metal, et en ce sens plus proche des racines de musiciens ayant déjà frayé dans l'extrême, comme le bassiste Jesper Liveröd (ex-NASUM). Mais bizarrement, plus je m'aventure au coeur de ce “Lazarus Bird” si différent des efforts précédents (ce en quoi BURST ne déçoit pas), plus l'image résiduelle qui subsiste en mon fort intérieur s'éloigne de ce descriptif ; oh bien sûr, la disparition des passages les plus brutaux de “Origo”, très typés death mélo (DARK TRANQUILLITY en tête), n'y est pas pour rien, mais les suédois ont eu le nez fin en puisant une énergie nouvelle à la source de la NWOBHM. Ecoutez un peu le break sur “We Are Dust” à 2:56, ça ne vous rappelle rien ? Le Maiden des débuts, période Di Anno bien sûr. Quelle meilleure relance après un démarrage introspectif empreint d'une mélancolie douce et passagère ? Et pour mieux compenser l'absence de parties rapides, BURST a adjoint à son metal intimiste une grosse quantité de stoner à son vaste programme. C'est flagrant sur des morceaux comme “Cripple God” ou “Nineteenhundred”, dont le riff tournoyant fait immanquablement penser à du MASTODON.
On oscille donc une heure durant entre férocité rampante et parties progressives, le tout formant un paysage mental dont les frontières spatiales évoquent parfois le metal hybride d'un ALCHEMIST, en moins fluide. Car à multiplier les pistes instrumentales et les changements d'ambiances, BURST court le risque de se perdre en chemin, et l'auditeur avec. Aussi intéressant soit-il, “I Hold Vertigo” a par exemple du mal à se remettre d'un pont atmosphérique lancinant qui flanque par terre la dynamique initiale. Les rythmiques les plus martiales du lot, souvent répétitives (sur “We Are Dust” notamment), ne sont pas des plus heureuses et certains passages plus attendus (comme le final jazzy de “Cripple God”, ou le chant clair sur “We Watched The Silver Rain”) surprennent de la part d'un groupe généralement inventif comme BURST, qu'on n'imaginait pas céder à tant de facilité. Evidemment, les suédois compensent largement ces deux ou trois couacs par leur seul talent mais la somme des parties instrumentales, aussi brillantes et inspirées soit-elles (ce qu'elles sont souvent, mais pas tout le temps) ne forme à mon sens qu'un patchwork inégal et frustrant, à la saveur éphémère et incertaine. Ni franchement réussi ni complètement raté, “Lazarus Bird” vaut néanmoins le détour pour sa singularité et l'étendue émotionnelle de la palette déployée. Dommage, simplement, que BURST ait un peu perdu le sens de l'équilibre entre frissons et baston qui faisait tout le charme de “Prey On Life” et “Origo”.
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