Avis aux routards du (
death) metal cosmopolite: vous aviez aimé le death atmosphérique israélien d'
Orphaned Land ? Vous aviez agité vos sagaies sur le modern death à la mode béninoise de
Djabah ? Vous aviez fumé la chicha au son du Maghreb death de
Arkan ? Vous aviez parcouru les favelas avec « Roots » sur les oreilles ? L'agence de voyages Très Chaud-Core vous propose aujourd'hui une expédition autour du mont Fuji au son d'un metal progressif et expérimental qui marie piano virtuose, chant en Japonais ancien et rythmiques d'inspiration
Atheisto-
Nocturnienne. Ca vous tente ? Venez jeter un coup d'œil à la brochure du Gonin-Ish Tour !
« Naishikyo-Sekai » (
je vous aurait bien fait la version en idéogrammes, mais c'est con, mon clavier jap' vient juste de lâcher !) est sorti en 2005. L'album ayant alors créé un bon petit buzz qu'une distribution restreinte aura agrémenté d'une dimension « culte », Season of Mist s'est décidé fin 2008 à le proposer à un public occidental toujours plus avide de nouvelles sensations. Et c'est bien de sensations inédites dont il est question ici, la musique proposée par le groupe refusant catégoriquement de se laisser résumer en une poignée de mots. Techno-death ? Les incursions de la basse et le grain de la guitare rythmique - typique du
Nocturnus de
« Threshold » - pourraient bien nous amener à cette conclusion, d'autant plus que Anoji (
joli petit brin de japonaise bien barrée) se met régulièrement à vociférer des insanités sur un mode black/death nippon assez particulier. Metal progressif ? Les morceaux longs de 7 à 20 minutes présentent de nombreux changements de régimes, du chaos à la plage calmos, de la pop nippone aux mille-feuilles de plans techniques, du piano Kate Bushien (
au début de « Jinbaika ») au lead spacial, ce qui militerait en effet en ce sens. Ou bien alors faudrait-il parler d'experimental art rock ? D'ehtno theatrical metal ? De sushi prog-pop/death ? Bref, vous l'aurez compris: difficile de coller une bête étiquette à ces zigotos. Il faudra donc se contraindre à laisser les portes et fenêtres stylistiques ouvertes afin de laisser ceux-ci voleter de l'une à l'autre en toute liberté.
Maintenant la liberté et l'expérimentation c'est bien joli – c'est même pour moi l'un des principaux vecteurs d'excitation de mes capteurs à ondes metalliques – mais encore faut-il faire preuve de cohérence et ménager à l'auditeur un espace un minimum confortable pour que celui-ci puisse partager complicité et plaisir avec les musiciens. Et je dois avouer qu'en ce qui me concerne, Gonin-Ish n'atteint pas complètement cet objectif. Entre le chant parfois proprement insupportable de Miss Anoji (
Aïe aïe le début de « Akai Kioku » !) et les allures de long boeuf improbable entre un pianiste émérite et un as de la 6 cordes que prennent certains morceaux, entre les longueurs pesantes et les dissonances occasionnelles, tout ça manque un poil d'accroche et de cohésion. Ca sent un peu trop le metal cérébral pour auditoire élitiste averti. A l'écoute de « Naishikyo-Sekai », on se sent un peu comme le visiteur égaré dans un musée d'art moderne: on apprécie occasionnellement telle ou telle oeuvre, on admire le boulot et la maîtrise des artistes, on s'émeut de certaines mises en place osées, on sent bien qu'on assiste à quelque chose de gros … Sauf qu'on n'est pas bien sûr de tout comprendre, voire que tout cela ait bien un sens. On se prend même à regretter qu'une telle somme de talent ne soit pas un peu plus canalisée afin de dépasser le simple stade du plaisir onanique d'artistes virtuoses pour rentrer de plein pied dans la cour des grandes oeuvres novatrices qui savent éviter l'écueil de l'autisme et se laisser apprécier par le plus grand nombre.
Mais si c'est vrai que j'aborde toujours « Naishikyo-Sekai » non pas carrément à reculons, mais tout au moins en crabe - l'oeuvre ne se laissant pas prendre frontalement -, il m'est toutefois difficile d'ignorer tout ce que celle-ci recèle de croustillant. Par exemple « Tokoyami Kairou”, le morceau instrumental introductif - qui a l'intelligence de ne durer qu'un peu plus de 2 minutes -, est une superbe démonstration de maîtrise instrumentale mettant en scène d'impressionnantes passes d'armes entre guitare lead et piano. Plus loin, semées de ci de là sur l'album, quelques percées de calmes mélodies – telle celle à l'œuvre à 2:22 sur « Nare No Hate » – sont des pauses bienvenues. Et cette mélodie ample et reposante qui parcours par 3 fois « Jinbaika » (
première occurrence à 3:08), ou encore les 2 premières minutes de « Muge No Hito » qui prennent le temps de faire monter la pression sur un mode « Nature & Japon tribal » avant de s'épanouir à 1:30 en une puissante incantation métallique, sont bien les preuves que le groupe peut canaliser sa force pour écrire des morceaux pas uniquement fourmillants et baroques mais également efficaces et puissants.
Bref, fort d'une technique sans faille et d'un goût prononcé pour le singulier, ce groupe nippon (
ni pauvais) me semble capable de grandes choses. S'il essaie de moins se disperser et qu'il se voit épauler par une production un peu plus actuelle, nul doute que les résultats suivront. Maintenant si vous vous sentez l'âme d'un amateur de metal exotique aussi technique qu'expérimental, vous pouvez dès à présent aller défricher les terres inexplorées de Gonin-Ish. Si par contre vous recherchez les mélodies immédiates et le groove pépère, passez votre chemin. Et si vous être plein d'idées préconçues et/ou à cheval sur le respect des cadres et des normes, vous pouvez directement sortir votre revolver et tirer dans le tas. Pour ma part, je ressortirai cet album à petite dose, de temps à autre, pour challenger mon oreille et vérifier si des fois, ça ne serait pas moi qui serais complètement passé à côté de la musique des japonais. A re-travailler peut-être encore un peu plus longuement (
même si c'est pas faute d'y avoir déjà consacré du temps ) …
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