Infester - To The Depths, In Degradation
Chronique
Infester To The Depths, In Degradation
La scène metal extrême fourmille de petite pépites bien enfouies que seuls quelques initiés ont eu la chance de déterrer. To The Depths, In Degradation seul et unique album d'Infester, trio infernal de Seattle retourné sous-terre depuis déjà bien longtemps, fait partie de ses perles injustement oubliées. Rarement il est question de ce groupe ou cet opus sur les forums, les webzines, les magazines ou même lors de discussions de comptoir. Pourtant, To The Depths, In Degradation mériterait bien plus de considération. En espérant que cette chronique pousse quelques personnes bien avisées à prendre pelles et pioches...
Anciennement baptisés Threnodist, les Américains, formés en 1992, mettent à jour la démo Darkness Unveiled la même année, suivie peu après par une démo single du même titre contenant deux des quatre morceaux de la première démo. Ce sera une des toutes premières sorties d'un label bien connu des amateurs de noirceur, Moribund Records. Pour vous situer encore mieux, sachez que le batteur Dario J. Derna fera ensuite les beaux jours d'Evoken, Abazagorath, Drawn And Quartered ou encore Funebrarum. Deux ans plus tard, Moribund lâche ce qui sera le premier et dernier full-length d'Infester, To The Depths, In Degradation, petit bijou de death metal morbide et fuligineux qu'une pochette lugubre et dérangée ne pouvait mieux illustrer.
Infester, c'est donc du death metal, brutal mais forcément old-school (1994 oblige) qui renferme tout un tas de trésors. Les neuf morceaux qui composent l'album sont étonnamment longs (près de six minutes en moyenne) et sans réelles structures. Pas de couplets/refrains mais une succession de plans qui se répètent rarement. On assiste à de nombreux changements de rythme mais sans que la musique ne soit technique ou trop élaborée. Pour faire simple, Infester mélange deux aspects bien distincts: les passages rapides et brutaux et les séquences lentes et lourdes qui flirtent avec le doom. La facette brutale d'Infester avec blast-beats sauvages et accélérations thrashies rappelle Suffocation période Effigy Of The Forgotten ("Chamber Of Reunion", "Braded Into Palsy", "A Viscidy Slippery Secretion", "Clouding Of Consciousness"), en plus sale et moins contrôlé. Les riffs moins rapides, plus ambiancés ("Excoriation Killz The Bliss", "Epicurean Entrails"), renvoient eux à Incantation avec qui Infester partage un gros penchant pour le côté obscur. Quant aux passages pachydermiques ultra jouissifs ("To The Depths (In Degradation)", "Chamber Of Reunion", "Braded Into Palsy", "A Higher Art Of Immutable Beauty", "Clouding Of Consciousness", "Mephetic Exhumation"), on pense encore à Incantation voire la vieille scène death finlandaise. Que du lourd!
Mais ce qui rend Infester si prenant, c'est l'ambiance des plus sombres qu'il dégage, notamment par le biais de tremoli sinistres. Et à ce petit jeu, les riffs ne sont pas les seuls en liste. La production très "démo" donne un côté raw et crade parfait pour la formation de Seattle. On est loin des prods plastiques sans âme des groupes de brutal death d'aujourd'hui. La batterie, pas du tout triggée, en est un bel exemple puisqu'aux côtés d'un son naturel, on entend bien les différences de volume dues à l'essoufflement du batteur (flagrant pendant les blasts), excellent malgré tout. Ca choquera les new-schoolers mais donne un cachet sincère et honnête à l'opus.
Le chant génial de Jason Oliver apporte lui le côté dérangeant et dérangé. Oliver utilise la plupart du temps un growl très guttural indéchiffrable mais jubilatoire. Il aime aussi s'adonner à des vocaux de gargouille proches du black metal. Une dualité jouissive parfaitement maîtrisée. On ajoutera également au casting la basse morticianienne de Todd Stevenson qui alourdit et assombrit encore davantage l'atmosphère, ainsi que quelques samples bien trouvés ("Chamber Of Reunion", "Excoriation Killz The Bliss") qui vous feront douter de votre santé mentale.
On pourra aussi citer les paroles gores et dérangeantes même si elles restent incompréhensibles. Des lyrics qui ont par ailleurs fait couler beaucoup d'encre, surtout le fameux vers "Repulsive ebony skin" qui interpelle quant à la mentalité des membres d'Infester. Une sorte de svastika placée dans le livret ne fera que confirmer: si Infester navigue dans des eaux sombres, ce sont les peaux claires qu'il préfère. Un racisme discret mais qui a pu participer à la non-célébrité du combo. Quoiqu'il en soit, cela obscurcit d'autant plus les funérailles.
Dernière chose mais non des moindres, l'introduction de claviers. Je ne suis d'habitude pas fan de cet instrument (surtout dans le death) mais il faut avouer qu'utilisés avec parcimonie, ils s'avèrent ici non seulement bien intégrés mais en parfaite adéquation avec l'ensemble en accentuant certains riffs pour leur donner encore plus de poids et les enfoncer un peu plus dans les ténèbres. Les samples d'orgue d'église en intro d'"Excoriation Killz The Bliss" valent aussi leur pesant de cacahuète en insufflant un peu d'ésotérisme, tout comme quelques lyrics plus philosophiques.
Je ne rangerai toutefois pas To The Depths, In Degradation au rang de chef-d'œuvre parfait malgré toutes les qualités décrites. Ce, en raison de parties brutales un peu trop bordéliques/bancales, de morceaux qui traînent parfois en longueur et d'une outro de deux minutes complètement inutile, constituée de growls saturés et de samples. Néanmoins, ce n'est pas passé loin. Infester a sorti là un album remarquable et marquant qu'il serait dommage d'oublier. Du vieux Suffocation, du Incantation, un peu de black, une dose de doom, la ténébreuse mixture d'Infester est un must pour tout adepte de death metal sale, sombre, morbide, sincère, brutal et old-school.
| Keyser 12 Février 2009 - 3537 lectures |
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