Thy Primordial - The Heresy Of An Age Of Reason
Chronique
Thy Primordial The Heresy Of An Age Of Reason
L'an 2000 : alors qu'un tas bien trop important d'abrutis se rendit compte que leurs ordinateurs ne s'étaient pas autodétruits dans un accès de délire psycho-temporel, le petit monde du black metal était en ébullition. En effet, deux des plus grosses ventes de l'histoire du genre que sont Panzer Division Marduk et At the Heart Of Winter venaient d'exploser à la face du monde un an plus tôt, et c'est fort de la popularité paroxystique du black metal que de nombreux albums de ce genre aujourd'hui moribond virent le jour à la toute fin du deuxième millénaire. Je vous ai déjà conté maintes fois mon amour pour le black metal suédois qui en quelques années seulement engendra nombre de chefs d'œuvres fruits de groupes géniaux aujourd'hui disparus tels Dissection, Sacramentum et… Thy Primordial.
Thy Primordial est un de ces nombreux groupes suédois de la seconde vague de black metal, pour leur part formés en 1994, et qui avant ce The Heresy Of An Age Of Reason sortit tout de même trois démos, un EP et trois albums de1997 à1999 que je chroniquerai ultérieurement. Un peu stakhanovistes sur les bords, les suédois décidèrent donc de sortir un quatrième album en autant d'années et, pour marquer le coup du passage à l'an 2000, en firent un des meilleurs albums de l'histoire du black metal.
En 6 ans d'existence, le style de Thy Primordial a assez peu évolué, mais s'est considérablement raffiné, au point d'atteindre la classe d'une de ses principales influences, les inégalables Sacramentum. The Heresy Of An Age Of Reason propose un black metal sans fioritures, constamment efficace et toujours très mélodique, à la manière d'un Far Away From The Sun qu'on aurait croisé avec Nightwingou tout autre classique du black suédois qui tutoie la brutalité. Le style du groupe n'était à l'époque pas aussi atypique qu'il le serait aujourd'hui, mais Thy Primordial avait déjà sa patte, sa marque de fabrique qui rendait le groupe aisément reconnaissable. Les morceaux assez longs (6 minutes en moyenne) sont construits sur la structure ultra classique du couplet/refrain, seulement les suédois ont la bonne idée de faire les refrains parmi les plus épiques et les plus mémorisables qu'il m'ait été donné d'entendre, et de les répéter très souvent. Sinon, on y retrouve le duo de guitares typique du genre : une rythmique, l'autre mélodique, qui parfois se retrouvent harmonisées, tout en trémolo sur les parties rapides, ou l'une en accords l'autre en arpèges pour les ralentissements. Le tout est soutenu par une basse exagérément audible pour l'époque, à mon grand bonheur, d'autant plus qu'elle ne se contente pas de suivre les guitares, chose alors peu commune. Vous l'aurez dès lors compris, ce n'est pas en s'éloignant des schémas établis que l'album se retrouve propulsé au rang de chef d'œuvre, mais grâce à une intensité palpable et un travail mélodique constant.
Trop méconnu encore aujourd'hui, The Heresy Of An Age Of Reason a pourtant toutes les armes d'un classique : des rythmiques sauvages, des mélodies mémorables et une ambiance extrêmement prenante. L'anonymat de Pulverised Records à l'époque a empêché une campagne promotionnelle digne de ce nom, et les chroniques papiers de l'époque (et oui, internet n'avait pas d'impact il y a neuf ans), déjà faites en ce temps là par des journalistes qui survolaient leur travail, ne saisirent pas l'intérêt de l'album et laissait penser – à tort – qu'il ne tenait pas la comparaison avec les ténors du genre. Que nenni ! Certes les marché du black était saturé, archi-comblé par les groupes qui s'engouffraient dans la brèche faite par Marduk comme des mexicains s'engouffreraient dans un trou du grillage de la frontière de la Californie, mais cet album fait bien plus que tenir la dragée haute aux mastodontes de l'époque : il les expulse du podium aussi facilement qu'Hortefeux expulse les maliens de France (bon ok, j'arrête avec les comparaisons sur les immigrés). Car oui, le quatrième album des suédois est un petit chef d'œuvre de black metal, au style très classique mais qui s'avère totalement imparable pour qui pense que les meilleures années du style sont à chercher du milieu à la fin des années 90.
Hormis « Tyrannise » au break central un peu malheureux pendant une vingtaine de secondes, il n'y a pas de critique à émettre sur les compositions de The Heresy Of An Age Of Reason, toutes plus fantastiques les unes que les autres jusqu'au final dantesque qu'est « The Dead Live/Shining Crown Of Night ». Du haut de ses huit minutes de long, il se divise en deux parties très distinctes (d'où le double titre), la première est extrêmement directe, de loin la plus brutale du cd, et la seconde totalement orientée sur la mélodie, qui est composée d'un seul et unique riff, et – oserais-je dire – l'un des meilleurs du black metal, rien que ça. Bien que tous les titres qui le précèdent comportent leur lot de riffs divins et feraient offices de morceaux phares pour n'importe quel autre groupe, ce final reste un cran au dessus de tout ce que j'ai entendu dans le genre jusqu'à présent. Final dantesque donc, où les variations de la batterie, qui abat un boulot gigantesque tout au long de l'album au passage, et une basse qui se fera de plus en plus saillante pendant plus de 4 minutes viennent soutenir un duo de guitares qui ne fait que monter en intensité. C'est totalement envoûtant, d'autant plus que les formidables lignes de chant de Isidor (qui malgré son nom d'emprunt, n'est pas un chat malin mais bien le chanteur du groupe), tout aussi remarquables ici que sur les autres morceaux, se font de plus en plus possédées, avant de s'arrêter brusquement et de laisser le riff évoluer de lui même pendant les deux dernières minutes.
Tout cela ne serait évidemment pas possible sans une production parfaite, laissant l'ambiance s'installer tout en conservant tous les instruments audibles, et encore tout à fait naturelle, comme on savait les faire à l'époque,c'est-à-dire aux Sunlight puis Polar Studios ! Je pourrais ressembler à un vieux du muppet show qui radote un fameux « c'était mieux avant » en disant cela, mais le fait est que la Suède n'a pas engendré mieux en terme de black metal pur depuis (je dis « pur » sinon, le black/death des anciennement géniaux The Legion pourrait paraître un contre-exemple de poids). Si vous ne pensez pas que l'album est exceptionnel à la lecture de cette chronique, c'est normal: le style du groupe ne l'est pas, et il ne fait que conjuguer à merveille les écoles suédoises brutales et mélodiques qui existaient alors. Mais le rendu de The Heresy Of An Age Of Reason dans sa globalité est formidable, pouvant plaire aux amateurs de Dissection, Sacramentum, Dawn et Lord Belial aussi bien qu'aux fans de Marduk et Dark Funeral, car synthétisant à merveille le meilleur de tout ce que la Suède avait engendré jusqu'alors. Il reste une pierre angulaire du black suédois qui a été presque totalement passée sous silence. Si jamais vous ne frissonnez pas à son écoute, c'est que vous n'aimez pas le black metal traditionnel, ou que, pour paraphraser Marianne James, vous avez de la merde dans les oreilles.
Je sais d'ailleurs que certains de nos lecteurs les plus fidèles ne sont pas passés à côté – des gens d'un goût admirable assurément. Mais pour ceux qui n'auraient toutefois pas connaissance du génie de The Heresy Of An Age Of Reason, et pour peu que vous soyez alléchés par la description de l'abum, jetez-vous dessus comme un zodiac rempli de somaliens se jetterait sur une carafe d'eau douce après avoir traversé la Méditerranée à la rame,il en vaut largement le coup. Ah merde, j'avais dit que j'arrêtais.
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