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Death - The Sound Of Perseverance

Chronique

Death The Sound Of Perseverance
Si je ne devais retenir qu'un cd sampler dans l'histoire de la presse metal française, ce serait sûrement celui du hors série hard rock extrême n°5 de mai 1998, qui en plus d'avoir une track-list faisant un quasi sans faute (bon, les Evergrey et Bathory faisaient un peu pâle figure face au reste), m'a surtout fait découvrir, en ce chaud mois de mai, le groupe déjà culte répondant au doux nom de Death. Pas besoin de vous refaire la genèse du groupe, les amis cglaume et Thomas Johansson s'en sont déjà brillamment chargés sur les chroniques de Spiritual Healing et "Human" (Death technique) de Death">Human, mais en cette belle année 1998 où la France n'était pas encore championne du monde du sport le plus chiant de l'univers après le curling sur gazon, Death revenait d'un long break, mis en pause après une énième engueulade avec Roadrunner qui commençait déjà à au milieu des années 90 à devenir le label poubelle que l'on connaît aujourd'hui. Le génial Chuck Schuldiner, profita alors de l'occasion pour mettre au point un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps, un groupe de heavy metal fortement influencé par les gloires de sa jeunesse (Iron Maiden, Kiss, Mercyful Fate et j'en passe), où il prévoyait de recruter un chanteur au timbre proche de celui de Rob Halford et des vocalistes de la scène heavy metal française des années 80. Vite dénommé Control Denied, ce nouveau projet vit le jour avec une démo en 1996, dont les titres « What If ? » et « Cut Down » se retrouveront sur le premier album de ce side-project, alors que « A Moment Of Clarity » terminera quant à lui sur The Sound Of Perseverance, le dernier (malheureusement dans tous les sens du terme) opus de Death. Il est d'ailleurs à noter que The Fragile Art Of Existence était le premier nom que Chuck envisageait pour cet album de Death, alors qu'au final il sera utilisé pour Control Denied… la boucle est bouclée. Ces deux albums virent donc le jour en même temps, tranchant singulièrement avec ce que Chuck avait pu proposer jusqu'alors.

Ce break, qui fut donc tout sauf improductif, conduisit au plus long délai écoulé entre la sortie de deux albums de Death : 3 ans entre un Symbolic sorti en mai 1995 et un The Sound Of Perseverance qui n'atterrit dans les bacs qu'en août 1998 grâce à Nuclear Blast, contrat dont Chuck se déclarait alors extrêmement satisfait – difficile en même temps de faire pire que Roadrunner. Bien sûr, tout cela n'alla pas sans l'habituelle séparation de musiciens une fois le Symbolic tour terminé : adieu Koelbe et Benson (qui a aussi participé aux débuts de Control Denied), et au revoir Gene Hoglan, que Chuck aurait souhaité garder mais qui était désormais indisponible à cause de son emploi du temps avec Strapping Young Lad. Pour la première fois depuis longtemps, le line-up de Death allait être complété par d'illustres inconnus, des musiciens floridiens à la technique irréprochable choisis uniquement pour leurs compétences et leur proximité. Steve Di Giorgio, avec lequel Chuck était quasiment un voisin de palier, étant indisponible, c'est Scott Clendenin qui s'occupa de la basse, alors que Shannon Hamm, guitariste impressionnant de rapidité et de propreté, se chargerait de renvoyer la balle au père Schuldiner lors des solos.
L'histoire est un peu plus amusante pour Richard Christy qui, venant de déménager lui et son groupe Burning Inside du Missouri à Orlando, alla un jour faire ses courses au supermarché du coin. Après s'être pourvu en bières et dentifrice à la fraise, Richard Christy fit un tour à la librairie et tomba sur Chuck en train de bouquiner la presse metal pour avoir les derniers potins sur la liaison Cavalera/Kerry King. Après de brèves présentations, Christy avoue être un fan et pouvoir rejouer tout Individual Thought Patterns avec une main dans le dos. Quelques mois plus tard, Chuck ayant viré le fraîchement recruté Chris Williams (décédé un an avant lui, le 12 décembre 2000), il se rappelle de Richard, l'auditionne et l'engage, très impressionné par ses qualités techniques, en plus de ses qualités humaines – il restera jusqu'à la fin un des amis les plus proches de Chuck.

Fort de ce line-up inédit qui n'a pas grand-chose à envier aux précédents, Death pouvait donc donner vie aux nouvelles créations de son géniteur. Chuck a souvent nié être l'inventeur du terme death metal – reconnaissant tout au plus à demi-mots qu'il a largement contribué à le pérenniser – passant son temps à rendre à Possessed ce qu'on disait lui appartenir, mais il allait également plus loin en arguant du fait que Death ne pratiquait pas, selon sa vision, de « death metal ». Sur The Sound Of Perseverance au moins, on ne peut clairement pas lui donner tort, tant les influences heavy metal qu'il voulait faire ressortir sur Control Denied transparaissent également ici. Il n'est d'ailleurs pas surprenant que l'album se termine par la reprise du tube de Judas Priest, « Painkiller », dans une version très personnelle – un des rares groupes s'étant risqué à reprendre les anglais tant les solos du groupe étaient injouables à cette époque. Chuck déclarait à la sortie de l'album dans diverses interviews, comme celle du Metallian de juillet/août 1998, être désabusé par la scène metal : il détestait les derniers Metallica (comme n'importe qui), et réprouvait fortement les modes de l'époque, Korn en particulier (souvenez-vous, cette abjection musicale qu'on appelait le néo metal et qui venait d'apparaître). Il a donc appliqué à Death ce qu'il aurait aimé voir appliqué au metal de l'époque : une évolution des fondamentaux vers plus de mélodie, de technique et d'efficacité.
Chuck le disait lui-même, The Sound Of Perseverance c'est la synthèse des trois précédents Death, mais avec une optique sensiblement plus complexe et mélodique, pas très loin d'un heavy progressif tortueux. Techniquement en effet, cet album est au sommet de la chaîne alimentaire, revenant aux fondamentaux posés sur le parfait Individual Thought Patterns tout en complexifiant les structures en délaissant de temps à autre un 4/4 encore très présent (« Story To Tell » en est le meilleur exemple) pour un 7/8-9/8 et autres 6/8 et 5/8 autrement plus groovy. Le rendu n'est certes pas très naturel – les contretemps sont assassins, les reprises impossibles à anticiper aux premières écoutes – mais la recette fonctionne à merveille grâce à un sens de la mélodie qui n'a rien perdu en qualité. Même si contrairement à « Jealousy » en 1993, les polyrythmies ne nous honorent pas de leur présence, Chuck sait utiliser d'autres facéties techniques pour créer l'originalité : les contrepoints guitare/basse fréquemment utilisés et le contrepoint de guitares du formidable refrain de « To Forgive Is To Suffer » en sont les meilleurs exemples.
Mais ce qui fait vraiment l'intérêt technique du disque ce sont les jeux de musiciens : Scott Clendenin est omniprésent (ce qui change d'un Symbolic où la basse était le parent pauvre). Shannon Hamm et Chuck Schuldiner ont un jeu assez similaire : très tendu, extrêmement sec, bourré d'accents et d'accélérations subites, identifiable entre mille, quoique Chuck soit plus porté sur les tappings là où Shannon est un roi du sweep (comme il le démontrera sur The Fragile Art Of Existence), offrant une complémentarité très intéressante. Mais la véritable révélation de The Sound Of Perseverance reste Richard Christy : avec son jeu de cymbales et ses descentes de toms venues d'on ne sait où, il donne l'impression d'être toujours à l'extrême limite du temps, alors qu'il est pourtant parfaitement en place. C'est totalement déroutant, mais c'est aussi exactement ce qu'il fallait à Death pour faire oublier Gene Hoglan, tant Christy sied parfaitement aux compositions ultra tendues et vicieuses de cet album.

Contre-pied total à un Symbolic facile d'accès, The Sound Of Perseverance développe des mélodies complexes, et demeure sur ce plan l'album le plus abouti de Death à ce jour. Même Jim Morris, qui depuis Symbolic a remplacé Scott Burns pour produire les oeuvres de Death, a mis son génie au service de la clarté de l'instrumentation, et il faudrait être sourd ou de mauvaise foi pour reprocher quelque chose à une production espacée, précise et totalement naturelle où chaque instrument s'entend parfaitement à chaque instant. Revers de la médaille à la complexité et la sophistication de cet ultime album, plus d'un fan a été laissé sur le carreau, dérouté tant par un manque d'efficacité que par l'évolution du chant de Chuck. Si j'étais mauvais esprit je dirais qu'une incroyable bande de tocards avait déjà dit la même chose à la sortie de "Human" (Death technique) de Death">Human, mais cette fois-ci le grief sur la voix est assez fondé, Chuck ayant délaissé les graves encore présents pour se concentrer sur des aigus très criards, le tout pour un rendu convaincant mais forcément moins bien que celui du début des 90 – il le reconnaissait lui-même à demi-mots. Pas de quoi gâcher l'écoute de The Sound Of Perseverance, mais c'est le grief le plus souvent invoqué à son encontre, et c'est ce qui en fait également l'album le plus mal aimé de Death, surtout après la triplette fantastique incontestée de la seconde période du groupe.
Que retenir de l'ultime album de Death au final ? Œuvre complexe, très riche, mélodiquement et techniquement parlant la plus aboutie du groupe, elle n'en demeure pas moins la plus mal aimée de la carrière de Chuck Schuldiner, à tort à mon humble avis. Si la presse de l'époque ne s'était pas trompée (album du mois dans quasiment tous les journaux de l'époque si je me souviens bien), une partie de la plèbe n'a pas su déceler l'intérêt d'un disque qui renferme pourtant avec « Scavenger Of Human Sorrow », « Spirit Crusher », le sublimissime instrumental « Voice Of The Soul » et « To Forgive Is To Suffer » certains des meilleurs morceaux de Death. Sorti à une époque où le black metal était roi (je vous renvoie à la compilation du début de la chronique pour que vous vous en rendiez compte), The Sound Of Perseverance n'a eu un impact que bien des années plus tard, sur la scène death technique italienne (Gory Blister, Illogicist, Faust) et dans une moindre mesure sur la scène canadienne – bien que Martyr y ait aussi du crédit puisque le riff d'intro de « Spirit Crusher » est exactement le même que celui de « Inner Peace » sur Hopeless Hopes, ce qui demeure une pure coïncidence vu que les deux albums ont été composés en même temps. Presque douze ans plus tard (et là je viens de me prendre un méchant coup de vieux), The Sound Of Perseverance n'a pas pris une ride : cet album demeure aussi original qu'intemporel, et c'est un signe qui ne trompe pas quand il s'agit de distinguer les chefs d'œuvre des simples œuvres de qualité. Indubitablement contesté, mais pourtant absolument génial, cet album comme tous les opus de Death hormis Individual Thought Patterns n'est pas exempt d'un morceau un poil plus faible que les autres. Ici c'est « A Moment Of Clarity », un titre dont la durée a varié de 4 minutes 22 sur la démo de Control Denied à 7 minutes 23 ici, en passant par 15 minutes selon Chuck dans certaines interviews, qui s'avère un poil moins savoureux dans le développement des mélodies malgré un solo et un final dantesques.

La suite, tous ceux qui ont vécu cette période s'en souviennent parfaitement : Death a été mis en stand-by, Control Denied est arrivé, puis on a diagnostiqué à Schuldiner une tumeur au cerveau en 2000. S'en est suivie, comme Chuck ne possédait pas d'assurance maladie (le genre de choses qui donne envie de voter Obama), une campagne de soutien de tous les groupes importants ou non de l'époque afin de récolter les fonds et permettre de financer les 300000$ de rayons X et d'opérations chirurgicales nécessaires à sa survie. Tout le monde le pensait sauvé après que plus de la moitié de sa tumeur avait été enlevée, ses médecins étaient confiants, et le second album de Control Denied fût mis en boîte. Le destin en a décidé autrement, et une pneumonie est venue achever un des pionniers et des seuls génies du metal extrême, affaibli par son combat contre la maladie, le 13 décembre 2001 – il y a huit ans, à quelques minutes près, à l'heure où je publie cette chronique. L'info n'arriva dans la presse française qu'en mars 2002 (et oui, internet n'était pas encore très répandu à l'époque), les hommages de nombreux artistes ont immédiatement suivi l'annonce, et une foule de tribute albums plus ou moins attendus sont toujours en cours de préparation. Le reste appartient désormais à la légende.

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Death
Sommet de l'évolution
1998 - Nuclear Blast Records
notes
Chroniqueur : 10/10
Lecteurs : (66)  9.14/10
Webzines : (17)  8.76/10

plus d'infos sur
Death
Death
Sommet de l'évolution - 1984 † 2001 - Etats-Unis
  

tracklist
01.   Scavenger Of Human Sorrow
02.   Bite The Pain
03.   Spirit Crusher
04.   Story To Tell
05.   Flesh And The Power It Holds
06.   Voice Of The Soul
07.   To Forgive Is To Suffer
08.   Moment Of Clarity
09.   Painkiller

Durée : 56:13

line up
parution
31 Août 1998

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1987 - Combat Records
  
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1995 - Roadrunner Records
  
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Human (Rééd.)

2011 - Relapse Records
  
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1993 - Relativity Records
  

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