J'avoue me plaire à tenir un registre des rancunes, regroupant l'intégralité de ceux qui un jour passé m'ont porté préjudice, et qui un jour futur, payeront. Toi qui m'a piqué ma gomme un matin en CM2, oui toi espèce d'ordure, je te traquerai, je te trouverai et je te ferai frire dans l'huile bouillante avant de te faire disparaître dans les plats à emporter du Vietnamien du coin. Même certains collègues de Thrasho figurent sur cette liste, et dès que je le croiserai, notre bon Thomas Johansson se fera fouetter avec des orties fraîches pour avoir honteusement sous-noté
Human de Death. J'ai beau partager ses quelques réticences à l'encontre de ce chef d'œuvre intemporel, à savoir une durée trop limitée, une sous-utilisation regrettable du talent de Paul Masvidal et une production qui ne laisse pas suffisamment s'exprimer la basse inimitable de Steve DiGiorgio, je ne puis tolérer un pareil affront !
Je ne vais pas rappeler tout ce qui fait de cet album le chef d'œuvre qu'il est, car à moins d'être sorti d'une cave avant-hier, tel un Natasha Kampusch du metal, vous avez sans doute déjà écouté
Human en long en large et en travers. Est-il besoin de dire à nouveau que cet opus marque le tournant historique du death metal, qu'il a propulsé le genre dans la modernité et qu'il reste 20 ans après sa sortie, aux dires de nombreux musiciens, la plus grosse influence de toute la scène ? Voilà un album qui a établi de nouveaux standards de qualité en délivrant les riffs les plus rapides de l'époque et les mélodies parmi les plus mémorables de l'œuvre de Schuldiner. Nul doute qu'avec quelques minutes de plus et une basse plus présente dans le mix, le quatrième album de l'histoire de Death aurait été l'égal de ses deux successeurs dans le cœur des fans du groupe. Il faut croire que la critique sur la production fût partagée par quelques-uns, puisque contrairement à la réédition – parfaitement inutile et transparente au point que je n'en ai même pas parlé – de
The Sound Of Perseverance, ce n'est pas un léger maquillage dont elle bénéficie mais d'un ravalement de façade au mastic et à la truelle. L'originale faite au Morrisound Studio par Scott Burns, a été retravaillée par Jim Morris – béni soit-il pour les deux derniers albums du groupe – puis par Alan Douches, producteur à la mode s'il en est mais au son ultra-moderne, plus porté sur la volonté de bien faire ressortir les basses que de jouer la carte de l'équilibre. Parmi ses productions récentes citons Mastodon, Converge, Deicide et Neuraxis. À part Tue Madsen, je ne vois pas qui aurait été moins bien désigné pour refaire le son de
Human.
C'est donc sans surprise que la fragile alchimie de la production de Scott Burns se trouve totalement défigurée par un ajout de basses débilitant qui en ferait frémir de plaisir le Jacky tuning de Strip Tease, parce qu'une grosse caisse qui fait « boum boum » comme les bombardements de la post-prod de Nous Étions Soldats, c'est forcément mieux, tu-vois. Je ne sais même pas comment ils n'ont pas pu se rendre compte de l'horreur engendrée, surtout quand on écoute l'intro de « Lack Of Comprehension » où la basse est horriblement massacrée. Si vous ne me croyez pas écoutez donc le
clip du remix – heureusement, personne n'a remixé l'image. Et puis mince, la basse sur le
Human d'origine on l'entend ! Certes pas beaucoup par moments mais elle est bien là. Alors oui,
Individual Thought Patterns lui restera toujours supérieur sur ce point, mais c'est surtout parce que DiGiorgio se démarquera plus des lignes de guitare qu'il deviendra plus audible. Ne vous attendez donc pas à une révolution, si le volume des basses est augmenté, on n'entend pas beaucoup mieux la basse pour autant, sauf, je l'admets, sur « Suicide Machine » ainsi que le sur le tapping de « Vacant Planets ». Pour l'occasion, le remix apporte quelques légères subtilités à côté desquelles les distraits auraient pu passer.
L'autre apport de cette réédition est bien entendu l'habituel lot de versions de travail, de répétitions et autres enregistrements sans la basse, les solos ou les vocaux qui semblent justifier à eux seuls un ou deux cds de plus, selon la version choisie. Autant vous le dire tout de suite, leur intérêt est plus que limité, même si certaines versions avec des solos et des placements vocaux différents permettent de se rendre compte du travail effectué en studio et des progrès accomplis dans l'écriture par Schuldiner. Les versions répétition sont tellement bluffantes de maîtrise que j'en étais venu à me demander s'il 'y avait pas un peu tromperie sur la marchandise avant de lire que le groupe avait tellement répété que les prises studio de Reinert et DiGiorgio ont été faites en une seule prise. À titre personnel, c'est surtout l'introduction de la reprise de Kiss, « God of Thunder », auparavant réservée à l'édition japonaise, que j'apprécie, puisque je n'avais jamais pris le temps d'aller la chercher sur internet. À raison en fait, puisque même repris par Death, Kiss – qui rappelons-le est une sorte de Dimmu Borgir vintage avec du chant clair, mais en moins ridicule – ça reste horriblement merdique.
Non en fait ce qui fera le plus plaisir au fanboy moyen du grand Chuck, ce sont les quelques pages du livret écrites par Paul Masvidal qui se replonge avec aisance dans l'ambiance de l'époque et nous entraîne dans un tourbillon nostalgique assez émouvant. C'est l'occasion d'apprendre que le nom de
Human s'est imposé après que le groupe, revenant un soir de répétition, a trouvé sur le bas côté deux accidentés de la route qui ne survécurent pas à leurs blessures ; ou bien encore que « Cosmic Sea », composé et arrangé alors que le groupe était en studio, tire son nom d'une phrase issue d'un des bouquins de chevet de Masvidal, qui sera sa principale inspiration pour
Focus, d'où le parallèle avec les paroles de « I'm But A Wave To... ». En fait il n'y a pas grand chose que ceux qui ont lu le Metta Mind Journal de Paul ne sachent déjà, si ce n'est l'anecdote amusante de l'iguane mort dans le conduit d'aération du van de Chuck.
Il y avait certainement un meilleur moyen de rendre hommage aux vingt ans de Human que de sortir cette réédition plus que dispensable au remix désastreux et dont les bonus sont pour l'écrasante majorité totalement superflus. Puisque vous ne lisez pas Thrashocore par hasard (enfin je l'espère), vous faites sûrement partie des 500000 et quelques personnes à posséder la version originale du best-seller de Death, auquel cas, croyez-moi, cette réédition ne vaut que pour l'aspect collection, la reprise de Kiss, deux trois lignes de basse oubliées et les notes de Paul Masvidal. Si par hasard vous ne possédiez pas l'original je ne peux que vous conseiller de vous ruer sur l'album qui a fait passer le death metal dans une nouvelle ère et d'en apprécier la production d'époque avant de jeter une oreille à celle-ci. Relapse ne s'arrêtera de toute façon pas là, puisque dans un mois sortira une réédition du véritable chef d'œuvre de Death, à savoir
Individual Thought Patterns, avec cette fois un véritable bonus d'intérêt, sous la forme d'un live de la tournée de 1994. Maintenant il suffit de croiser fort les doigts pour que Alan Douches se soit rendu compte qu'il était inutile de faire vibrer les murs pour apprécier la production d'un album de death metal.
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