A chaque fois que je m'attarde sur la discographie de DEATH, j'ai comme le sentiment d'avoir loupé un épisode entre
« Spiritual Healing » et
« Human » tant un gouffre, que dis-je, un abîme sépare ces deux albums. Bien sûr, DEATH, passé de brillants débuts à vomir tripes et boyaux avec la grâce d'un SLAYER difforme et incontrôlable avait déjà entamé sa mue, délaissant l'attirail de films d'horreur pour aborder des thèmes plus actuels comme le terrorisme et la toxicomanie. Evidemment, avec un virtuose comme James Murphy dans ses rangs, DEATH proposait un contenu musicalement bien plus ambitieux, quoique toujours rattaché au genre death dont il a accompagné les premiers pas. Oui, certains titres flirtaient avec le progressif comme ce title track long de plus de sept minutes qui préfigurait, toutes proportions gardées, les épanchements mélodiques d'un
« Individual Thought Patterns » encore lointain. Ok, DEATH était l'initiateur d'une formule que nombre de formations du vieux continent s'acharneront à reproduire sur leurs premiers full lengths, PESTILENCE et MORGOTH en tête. Mais de là à imaginer que Chuck Schuldiner, une fois débarrassé d'encombrants seconds couteaux de la scène, allait engendrer un mètre étalon d'un genre nouveau (le death technique, excroissance stylistique que seuls auront vu venir les experts en divination laitière, du haut de leurs deux ans et demi) dont on peine, encore aujourd'hui, à trouver quelque équivalent.
La monstruosité de cet album, le plus sombre et violent de DEATH, interpelle d'autant plus que peu de temps s'est écoulé entre
« Spiritual Healing » et
« Human » (à peine plus d'un an) et que la situation du groupe, guère reluisante au sortir d'une tournée européenne amputée de son leader (mécontent des conditions de tournée, Chuck sera remplacé par Louis Carrisalez au pied levé, Walter Trachsler relayant un James Murphy parti voir chez OBITUARY si le son était plus gras) empire au point que la section rythmique Bill Andrews/Terry Butler trouve finalement refuge chez MASSACRE avec les ex de Chuck, Rick Rozz et Kam Lee. Une catastrophe? Plutôt une aubaine pour Schuldiner, qui voit là l'occasion de hausser le niveau de jeu général et s'en va recruter deux jeunes musiciens –
Sean Reinert et Paul Masvidal, en attente de signature avec CYNIC – et le bassiste de SADUS Steve DiGiorgio, futur stakhanoviste du circuit thrash death. Un casting de luxe donc, qui explique en partie le caractère volcanique de l'album, le travail de sape rythmique étant renforcé par une la production
from Tampa Florida du fidèle Scott Burns, en collaboration avec un Chuck désormais omniprésent : il n'y a qu'à compter le nombre de solis échouant à Masvidal, trois sur onze! Bien plus lourdes qu'à l'accoutumée, les guitares rythmiques couplées au jeu tentaculaire de Sean Reinert renvoient l'auditeur dans les cordes et imposent un combat physique de tous les instants, DEATH se la jouant plus ambiancé (la superbe introduction de “Lack Of Comprehension”) pour mieux mettre en valeur les accélérations éruptives de “See Through Dreams” ou “Together As One”; fini la jovialité d'un « Born Dead » incitant à danser la jigue sur tas de cadavres fumants ou le caractère défouloir des primitives « Zombie Ritual » et « Infernal Death ». Dès l'entrée en matière tellurique de double pédale de « Flattening Of Emotion », le constat est clair : non content d'avoir redoublé d'intensité dans son approche du genre, DEATH frappe désormais les esprits et ne se contente plus de triompher sur le seul plan de la brutalité. Outre la basse fretless désormais on ne peut plus identifiable de DiGiorgio, les éclairs de Paul Masvidal font merveille sur l'incroyable instrumental « Cosmic Sea », summum artistique d'un album qui ne connaît pas de temps faibles ou presque. Aussi essentiel que « Orion » de METALLICA, « Cosmic Sea » connaît une progression aussi explosive, quoique plus dense, plus concentrée, les artifices sonores précédent l'incontournable break de basse (signé DiGiorgio, Skott Carino faisant également une apparition sur ce titre) conduisant à une incroyable passe d'armes entre deux guitaristes balayant les limites d'un genre trop codifié et limitatif à leur goût. D'une durée raisonnable de 4:28, « Cosmic Sea » prouve en outre qu'il n'est nul besoin de composer un titre à rallonge pour toucher l'auditeur au plus profond de son âme, le seul défaut de ce fragment d'être étant de ringardiser une « Vacant Planets » très efficace mais bien trop terre à terre pour rivaliser!
C'est l'un des rares défauts de
« Human », une sortie par la petite porte (mais avec tapis rouge sur le sol tout de même) qui clôt de manière presque banale l'incroyable aventure intérieure à laquelle nous convie Chuck Schuldiner, sans Martin Short pour faire le pitre ou Meg Ryan pour nous faire tourner de l'oeil. A cela j'ajouterai également un autre bémol : si les mélodies principales et les riffs sont d'une incroyable richesse, en ce qui concerne les solis, j'avoue être resté un poil sur ma faim, surtout comparé à l'abattage en la matière sur
« Spiritual Healing ». Car si l'on gagne clairement au change avec l'apport des nouvelles recrues, tout n'est pas orgasmique sur le plan lead (juste du très très bon, ok), un titre comme « Suicide Machine » (dédié à la mémoire du bassiste d'ATHEIST, Roger Patterson, décédé la même année dans un accident de voiture) ne puisant par exemple aucune force nouvelle de l'intervention de Chuck à 2:22. C'est sans doute lié au manque de liberté accordé à Paul Masvidal et au côté rouleau compresseur de l'ensemble, la dimension duel présente sur
« Leprosy » et
« Spiritual Healing » (Schuldiner vs Rick Rozz, puis James Murphy) disparaissant au profit d'un quasi cavalier seul de Schuldiner dont les lignes de chant, plus éraillées et moins gutturales, s'effacent quelque peu ici au profit de la section rythmique. Deux exceptions tout de même : le pont ultra mélodique sur « Secret Face » à 1:34 et surtout celle précédant l'accélération vengeresse, presque à l'ancienne sur « Lack Of Comprehension » (à 1:44), un des rares morceaux (avec « Vacant Planets » et “See Through Dreams”) à ressusciter par bribes le DEATH sauvage des premiers albums, d'obédience death thrash classique. Au delà de ces réserves toutes personnelles, bien vite balayées par un
« Individual Thought Patterns » parfait dans le rôle du miroir inversé, difficile d'extraire du chef d'oeuvre
« Human » un passage en particulier tant chacun de ses titres carbure à l'essentiel, donnant à chaque fois le sentiment malgré sa courte durée d'avoir à gravir l'Everest death métallique 34 minutes durant. Pieds nus et à la force des bras, il va sans dire, avec en guise de piolet une pauvre dizaine d'ongles punie par la montagne et le t-shirt de Stallone dans
Cliffhanger. Vertigineux.
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