Si vous parlez de
Pierced From Within à un fan de métal extrême, celui-ci prendra sûrement un air nostalgique, regardera vers le ciel et portera la main à son coeur. Pourquoi ce couillon ferait-il ça? Et bien tout simplement parce que le troisième album de Suffocation n'est ni plus ni moins que l'un des plus beaux joyaux de l'histoire mouvementée du death-métal, une référence absolue dont tous les groupes brutaux se sont inspirés, s'inspirent et s'inspireront. Le cultissime
Effigy Of The Forgotten avait posé les bases d'un genre nouveau et
Breeding The Spawn avait poursuivi dans ce sens mais une production trop primitive l'avait empêché d'atteindre des sommets pourtant à sa portée.
Pierced From Within va, lui, balayer les défauts de son prédécesseur et asseoir définitivement la suprématie des New-Yorkais.
La production ingrate que le groupe traînait comme un boulet depuis ses débuts est maintenant un lointain souvenir. Le retour de Scott Burns a été une bénédiction car ici, croyez-moi, la production est absolument monumentale et fait encore figure d'exemple. D'une lourdeur qui n'a d'égal que sa puissance, le son reflète enfin fidèlement la richesse et l'extrême brutalité des compositions de ces pionniers du brutal death. Et donc on s'en prend plein la gueule, du début jusqu'à la fin, et quand les dernières notes du mythique
"Breeding The Spawn" retentissent, on se dit qu'on vient de vivre une expérience inoubliable. Bienvenue dans le monde de Suffocation, un monde où tout est en perpétuel mouvement, où l'atmosphère est quasi irrespirable et où le chaos environnant est contrôlé de mains de maître par des êtres au sommet de leur art. Tout repose sur le bouleversement, le contraste, le changement. Toute forme de linéarité est proscrite. Les accélérations n'ont jamais été aussi fulgurantes: "Pierced From Within" (1'58), "Depths Of Depravity" (0'42), "Suspended In Tribulation" (0'26), "Torn Into Enthrallment"(1'44), "Brood Of Hatred" (2'19),
"Breeding The Spawn" (4'26). Elles vous laisseront complètement abasourdis! Idem pour les breaks, ils n'ont jamais été aussi lourds: "Thrones Of Blood" (2'32), "Depths Of Depravity" (1'17), "Torn Into Enthrallment" (3'43),
"Breeding The Spawn" (1'32), de pures merveilles qui feront vibrer votre pauvre crâne encore longtemps après. Seule l'arpège d'intro de "Torn Into Enthrallment" vous fera croire à une accalmie mais la tempête qui suit n'en sera que plus assassine.
C'est quand même beau un groupe à son apogée! On aurait pû croire que les deux guitaristes Terrance Hobbs et Doug Cerrito auraient du mal à renouveler leur stock de riffs qui tuent mais non, ils se permettent même d'affiner encore plus, si c'est posssible, leur technicité. Du mid-tempo, du lent, du lourd, du rapide, de l'ultra-rapide, c'est un véritable récital auquel nous convient les deux compères. Des petites harmonies malsaines et des mélodies apocalyptiques sont même placées ici ou là (notamment sur "Synthetically Revived" et surtout l'excellentissime "Thrones Of Blood", jouissif!) enrichissant ainsi des morceaux déjà bien fournis. Les soli n'ont pas non plus été oubliés et là aussi c'est du grand art. Tout en gardant une touche chaotique (par leur rapidité et l'utilisation fréquente du vibrato) si chère au groupe, ceux-ci se font plus mélodiques, plus "musicaux", apportant des sensations jusque là peu développées par le groupe ("Thrones Of Blood" à 3'17, "Depths Of Depravity" à 2'23, "The Invoking" à 2'06 ou bien "Brood Of Hatred" à 3'03).
Mais j'en vois déjà se plaindre: "hé mais c'est des feignasses ces mecs ils ont encore recyclé des vieux morceaux!". En effet c'est une mauvaise manie de Suffocation. "Synthetically Revived" apparaissait déjà sur l' EP du groupe
Human Waste (comme beaucoup de titres de
Effigy Of the Forgotten d'ailleurs!) et pire encore,
"Breeding The Spawn" figurait sur l'album précédent du même nom, sortit deux ans plus tôt. Mais comment leur en tenir rigueur quand on voit la différence entre les deux versions de
"Breeding The Spawn"? En fait cette "reprise" permet de démontrer deux choses: que
Breeding The Spawn renfermait des titres excellents, mais qu'avec un son en béton, ça change tout! Finalement il s'avère être le meilleur morceau de l'album et pour moi le meilleur de toute la discographie du groupe, car il représente tout ce qu'est Suffocation. Le passage ultra-lourd et lent de 1'32 à 2'54 avec la double-pédale me fout la gaule à chaque fois!
Un petit mot sur les autres protagonistes, sans qui cet album n'aurait pas eu la même saveur. Le batteur n'est plus Mike Smith mais Doug Bohn. Et celui-ci fait tout sauf de la figuration en livrant une performance en tout point remarquable. Enchaînant blasts sur blasts, double-pédale ravageuse et breaks ultra-techniques, le bougre n'a rien à envier à Mike Smith, pourtant pas le premier venu! Chris Richards, le bassiste qui avait remplacé Josh Barohn, est toujours là et confirme qu'entre la basse et Suffocation c'est une véritable histoire d'amour. Quel plaisir d'entendre les frémissements de la quatre-cordes par dessus les riffs incisifs de Hobbs et Cerrito. L'intro de "Depths Of Depravity" et "Suspended In Tribulation
", "Breeding The Spawn" à 2'54 sont les passages les plus mémorables mais tout l'album foisonne de lignes de basse géniales.
Est-il besoin de préciser que Frank Mullen est à nouveau des plus impressionnants? Nan sérieusement je vais me répéter mais: Mon Dieu, cette voix! Aucune n'aurait pû mieux se prêter à l'ambiance oppressante de Suffocation. L'entendre vociférer ses paroles de fin du monde reste un moment succulent. Et la pochette glauque et énigmatique, dont le chemin fait de colonnes vertébrales invite les plus téméraires à s'aventurer dans l'univers fascinant mais dangereux du groupe, met la touche finale à un album qui tutoie de très près la perfection.
Que rajouter sur ce monument du métal extrême...Dix ans après sa sortie,
Pierced From Within reste inégalé, ce qui veut sans doute dire que la scène actuelle, à quelques exceptions près, ne fait que reproduire des recettes élaborées il y a plus de dix ans. En attendant une révolution qui ne viendra peut-être jamais, cet album devrait encore rester un bon bout de temps à observer du haut de son piédestal, avec un sourire de satisfaction à peine dissimulé, tous ces groupes brutaux sans saveur.
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