Le split de Suffocation, l'une des formations les plus importantes de métal extrême, fit l'effet d'une bombe. L'univers s'écroula pour de nombreux chevelus et une vague de suicides sans précédent eu lieu: les gens se jetèrent par les fenêtres (seuls ceux qui habitaient aux rez-de-chaussée survécurent), ingérèrent des choux de Bruxelles ou encorent s'immolèrent par le feu sur les conseils de Johnny Hallyday . Les économies mondiales entrèrent en récession, le chômage augmenta considérablement, les cours de la Bourse s'effondrèrent, le moral des ménages toucha le fond et le trou de la couche d'ozone s'élargit. Devant l'étendu du désastre et l'accumulation des cadavres, Suffocation finit par céder à la pression populaire. La légende annonça sa reformation en 2002 pour la plus grande joie de toute une génération à la dérive qui n'y croyait plus. Des millions de personnes en liesse à travers le monde descendirent dans les rues, on avait pas connu un tel engouement depuis la chute du mur de Berlin. Bref, tout rentra dans l'ordre.
Dans le petit monde du concassage de bûches, la réactivation miraculeuse de Suffocation ne fit cependant pas que des heureux. Le roi ayant déserté le trône, ses fidèles serviteurs se sont jeté dessus, heureux de pouvoir enfin sortir de l'ombre. Le retour du maître remettait tout en cause. Allaient-ils devoir retourner à leur misérable place de faire-valoir? La réponse ne tarda pas à arriver sous la forme d'un boitier en plastique et à la vu du logo mythique, les jeunes loups commencèrent à trembler.
C'est donc en 2004 que sort
Souls To Deny, l'album de la reformation du groupe aux problèmes respiratoires. La bête bicéphale s'est fait amputer d'une tête: Doug Cerrito, le principal compositeur (de génie) avec Terrance Hobbs et qui avait participé au premier album de Hate Eternal,
Conquering The Throne, n'est plus là. C'est Guy Marchais (Internal Bleeding, Pyrexia) qui prend sa place. Josh Barohn, le bassiste d'origine, quittera le navire rapidement, remplacé par Derek Boyer (Vital Remains, Decrepit Birth et Dying Fetus). A la batterie, on note le grand retour de Mike Smith, parti après
Breeding The Spawn (1993). Dernière chose, le groupe est revenu sur son tout premier label, Relapse Records. C'est bon vous suivez?
10 ans. Presque 10 ans que Suffocation n'avait pas sorti un vrai album. Pourtant dès l'énorme intro ultra brutale en crescendo de "Deceit", on s'aperçoit que les New-Yorkais ne sont pas encore rouillés. Les blasts supersoniques portent incontestablement la patte Mike Smith. 11 ans que l'on ne l'avait pas entendu derrière les fûts de Suffocation, quel plaisir de retrouver son jeu aussi brutal que technique, tout en cassures, roulements et blasts-beats du feu de Dieu. Le mix lui est de surcroit très avantageux: bien mise en avant elle claque magistralement, les apprentis batteurs peuvent s'agenouiller devant l'un des batteurs les plus extraordinaires du genre. La production, signée par le groupe lui-même et Joe Cincotta, est différente des deux derniers opus. Celle de
Souls To Deny est moins massive mais plus brute, plus froide. C'est d'ailleurs l'impression générale qui se dégage de cet album: on se sent oppressé mais impossible de remonter à la surface, le groupe nous a à nouveau piégé. La musique de Suffocation a toujours été ainsi mais le concept semble ici poussé à la limite du soutenable. Impression d'autant plus forte que la voix de Frank Mullen se prête parfaitement à ce "malaise". Celle-ci a étrangement évolué: les growls laissent place à une voix étouffée, froide, purifiée de toute émotion, presque inhumaine.
La technicité très poussée des compos reste de mise, Suffocation n'obéira jamais au schéma formaté couplet refrain. Malmener l'auditeur, le désorienter est le but recherché, avec de multiples changements de rythmes et des breaks lourds toujours aussi jouissifs. Terrance Hobbs n'a ainsi rien perdu de sa science du riff. On remarque également le retour des soli, que
Despise The Sun avait écartés. Par contre, gros point noir, la basse (enregistrée par Hobbs et Smith). Bénéficiant jadis d'une liberté d'action et d'une mise en valeur caractéristique chez Suffocation, elle est ici réduite au second plan. Le génial Chris Richards n'est plus là et ça s'entend!
Malgré toutes ses qualités et le fait qu'un album de Suffocation sera toujours un événement, ce
Souls To Deny n'a pas le même impact qu'un
Effigy Of The Forgotten ou un
Pierced From Within. Si des morceaux comme "Souls To Deny" avec sa longue intro angoissante et son refrain mémorable ("Souls, souls to deny, Oppressed, to a promised place"), "Demise Of The Clone" et son génial tremolo apocalyptique ou le surprenant et mélodique (pour du Suffo tout du moins) "Tomes Of Acrimony" font partie des plus belles réussites du groupe, il faut cependant admettre que les Américains ne peuvent plus avoir le même rayonnement qu'il y a 10 ans. La scène extrême a eu le temps d'évoluer, repoussant toujours plus loin les limites de la brutalité technique. Certains groupes (Nile, Internal Suffering, Brodequin...) font des démonstrations de force encore plus impressionnantes. Mais il ne faut jamais oublier que sans Suffocation, ces groupes n'existeraient pas. Alors un peu de respect, merci!
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