At The Soundawn - Shifting
Chronique
At The Soundawn Shifting
Il y a des skeuds comme ça, dont on attendait au moins autant que le dernier forfait télévisuel en date de Casper Van Dien, et qui s'avèrent être d'authentiques bonnes surprises, voire dans le cas du « Shifting » qui nous occupe (deuxième livraison pour AT THE SOUNDAWN après « Red Square : We Come In Waves »), de grands albums. Pourtant, au regard de l'empreinte génétique du combo, c'était tout sauf gagné avec en premier lieu une origine italienne à mes yeux fort suspecte – quand j'avais onze ans lors de ma visite de Rome, je me suis fait refourguer des lires en plastique et depuis ce jour fatidique, j'associe tous les italiens sans exception (oui même toi, Fabrizzio Ravanelli !) aux poules voleuses de roumains chères à Von Yahourt – étant donné que seul NATRON et EPHEL DUATH ont réussi pour l'heure à capter mon attention, le pire restant encore la filiation au mouvement postcore dont les geignards les plus reconnus, les on ne peut plus surcôtés NEUROSIS, sont pour moi synonyme d'atteinte à l'intégrité physique des auditeurs et de défenestration immédiate pour les moins résistants.
Vous n'êtes pas d'accord avec la radicalité de mes propos ? Pas bien grave vu que le genre qui nous (vous !) intéresse a trouvé un repreneur solvable en la personne de l'assembleur de meubles venu de Suède, la privatisation du post n'étant ici plus qu'une question de lignes de basse et de textures de guitares éthérées, avant que je ne rende mon tablier pour me consacrer à des genres plus nobles comme le gore grind ou le thrash qui tâche. En apparence donc, tout les éléments semblaient réunis pour que je botte en touche (y compris leur signature chez Lifeforce Records, plutôt habitués aux groupes de troisième zone jusqu'ici) mais un court passage sur leur myspace m'a convaincu de surmonter ces préjugés et d'accorder mon attention à un groupe qui, soyons clairs, mérite bien des louanges. De par sa construction déjà, « Shifting » rompt avec cette tradition d'albums monolithiques déjà expérimentée chez TOMBS ou BURIED INSIDE avec plus ou moins de succès. Pas de concentré de souffrance brute de décoffrage balancée sous forme de parpaing ici mais une approche bien plus subtile et digeste, AT THE SOUNDAWN jouant la carte de l'accalmie bienfaitrice à de nombreuses reprises, que ce soit par le biais d'adjuvants jazzy bien plus adaptés à leur trame musicale qu'aux errances récentes d'un IHSAHN ou lorsqu'ils empruntent au compositeur Elliot Goldenthal le final tétanisant du « Heat » de Michael Mann sur « Drifting Lights ». Dans le même ordre d'idées, le chant, loin d'être prédominant, surgit au détour d'un break lorsqu'on ne s'y attend plus, AT THE SOUNDAWN prenant un malin plaisir à brouiller les pistes musicales en combinant, sans jamais tomber dans le piège du patchwork facile comme BURST et son décevant « Lazarus Bird », à merveille les passages énervés typés postcore classique – bien exécutés mais loin d'être mémorables par rapport au reste – avec cette ambiance spleen caractéristique d'une fin de soirée dans un petit club de banlieue que seul l'indéboulonnable saxophoniste n'a pas encore déserté.
Et c'est le gros point fort de ce « Shifting » délicieusement intimiste et volontiers introspectif, ce liant entre parties metal et plages atmosphériques plus rock que véritablement core qui changent un banal chemin de croix en ballade mélancolique inattendue, le chanteur Luca s'improvisant guide au fur à mesure que défile le paysage gentiment tourmenté et parfois carrément suave dessiné par les italiens. Et si nos oreilles étaient des yeux, c'est à Edward Hopper et son obsession pour la lumière, aux contours étranges d'œuvres à l'évident caractère photographique et à l'atmosphère étouffante que l'on ferait référence, autant pour la solidité de l'édifice érigé par AT THE SOUNDAWN que pour la fragilité touchante d'un chant clair toujours à la limite, mais qui participe du fort potentiel émotionnel de l'ensemble. Et de trois donc, après le death furieux des brutes NATRON et le whatever-you-call-it metal des excellents EPHEL DUATH !
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