Tout se suit.
Somewhere Along The Highway montrait un Cult of Luna à bout de souffle, prêt à craquer. Il a fallu la trouvaille d'un carnet dans le local de répétition des suédois, un ancien hôpital psychiatrique, pour que cette folie prenne corps à travers l'histoire d'un certain Holger Nilsson dépeignant un monde fantasmé, où sa femme enceinte d'un enfant mort-né aurait été tuée par un monstre.
Alors dit comme ça, on a l'impression que le groupe est tombé soit dans le kitsch, soit dans le black metal outrancièrement malsain (et donc kitsch). Il n'en est rien et, comme à chaque album, il agrémente sa recette maison en ajoutant ce coup-ci une pincée de sel qui ramène aux heures les plus sombres de sa discographie. La musique se fait plus hargneuse, la frappe des instruments et de la voix monocorde, désormais plus présente, est plus appuyée. Une production moins propre sur elle renforce ces moments où la guitare bande les muscles. On reste certes loin du jusqu'auboutisme/dafalgan de
The Beyond mais le break plombant de « Eternal Kingdom », les emportements de « Curse » ou la fin de « Ghost Trail » n'en font pas moins mouche ! Il s'agit d'un retour qui est un regard et le Cult of Luna d'aujourd'hui répond à celui du passé : malgré cette virulence retrouvée, l'eau dormante coule toujours sous le pont (les pauses « Österbotten » et « Ugin »).
Eternal Kingdom est l'œuvre d'une formation qui se renouvelle constamment tout en conservant les fruits de ses expériences passées.
Bizarrement, je trouve qu'ici Cult of Luna se rapproche un peu du défunt Breach, une référence qui lui colle à la peau mais qu'il a toujours réussi à contourner. L'alternance entre accalmie à la tension sous-jacente et morceaux colérique ainsi que certains riffs me rappellent mes écoutes de
Kollapse. Une autre nouveauté dans l'univers lunaire est l'insertion de sonorités plus psychédélique et bruitiste. Les compositions recèlent d'effets : une guitare déchirée en arrière-plan (« Eternal Kingdom »), un son passé dans un tube (le début de « Ghost Trail ») ou un beat léger donnent un côté décalé aux riffs, un petit quelque chose de déglingué illustrant l'insanité sur laquelle la musique repose. Il y a aussi cette incursion des cuivres sur « The Lure » et la fin de « Following Betulas », une orchestration parfaitement intégrée aux autres instruments pour un résultat majestueux et onirique.
Seulement, je ne peux m'empêcher de trouver ce disque un peu trop tranquille, pas assez fou. Malgré certains passages menaçants (comme le début de « The Great Migration ») et des respirations si hautes qu'elles ne peuvent provenir que d'un cerveau malade (le tapping de « Ghost Trail »),
Eternal Kingdom tient plus de la psychose de salon que de la camisole qui te sert de trop près. Si cet alignement post-hardcore/rock un brin noisy arrive à évoquer des images mentales hallucinées (les paroles consultables dans le livret, ce que l'on n'avait pas vu depuis
The Beyond, aident à s'immerger dans le concept), je me dis que le Cult Of Luna première période aurait traité ce sujet d'une manière différente, avec une violence arrache-tympan qui aurait dépassé cette simple suggestion, pour transmettre une angoisse dévastatrice.
Reste que
Eternal Kingdom est d'une telle qualité (Cult of Luna
ne peut pas sortir un mauvais album) qu'une nouvelle fois, les suédois imposent le respect. De plus, c'est un défaut que je ressens après écoute, tant durant celle-ci je suis de nouveau conquis. Un album qui, sans être aussi indispensable que
The Beyond et
Somewhere Along The Highway, montre que Cult of Luna repousse constamment les frontières d'un genre aux codes durs à casser : la preuve avec
Eviga Riket, qui poursuit sur un format différent (l'audiobook) les thèmes développés sur
Eternal Kingdom. Tout se suit.
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