En 2008, lors de la séparation officielle du groupe, qui aurait pu prédire que Brodequin reviendrait aux affaires vingt ans après son dernier méfait ? Évidemment personne (le groupe aurait d’ailleurs bien pu se reformer en 2010 que personne n’aurait pu le prédire non plus me direz-vous… oui mais faut bien une phrase d’accroche bateau pour ouvrir une chronique non?). Après avoir traumatisé la scène métal extrême à travers trois opus portant la brutalité musicale à son paroxysme, les natifs de Knoxville avaient donc décidé de mettre un terme à leur projet de génocide acoustique mondial, après un
« Methods Of Execution » en 2004 encensé et considéré par beaucoup comme leur meilleure offrande. C’est donc vingt ans plus tard (punaise ça nous rajeunit pas…), après un petit EP en guise de teasing il y a trois ans, que l’on retrouve Brodequin, toujours emmené par les frangins Bailey, accompagnés ici d’un nouveau marteleur en la personne de Brennan Shackelford (inconnu au bataillon jusqu’ici de mon côté mais qui s’avérera une excellente pioche !). Alors Brodequin en 2024 ça donne quoi ? Du gros son qui tache of course !
Et par gros son j’entends bien GROS SON. Car outre la nouvelle recrue au poste de batteur, la principale nouveauté sur « Harbinger Of Woe » (
présage de malheur pour les non-anglophones flemmards) c’est bien le son. Le groupe aurait totalement pu choisir de rester sur une prod old-school, raw, sèche et dense mais non. Ce quatrième album est doté d’une prod en béton armé, bien plus ‘’moderne’’ que ses trois aînés certes mais surtout bien plus claire et puissante, tout en restant assez organique, conférant aux dix titres présents une force de frappe décuplée. Le grain de guitare est délicieux, le son de batterie impeccable et le mix parfait. Ce parti pris quelque peu osé mais assez compréhensible (il faut vivre avec son temps messieurs dames !) fera probablement jaser les die-hard fans les plus retors, pour ma part je trouve que c’est un plus indéniable apporté à la musique du combo qui, tout en gagnant en efficacité, ne perd absolument rien en brutalité.
Ah ça non ! On pourra dire ce qu’on voudra, s’il est peut-être plus propre sur la forme, le trio ne s’est en rien assagi sur le fond. Reprenant fièrement le flambeau là où ils l’avaient planté vingt ans plus tôt, les Américains envoient toujours autant la sauce ! Mike n’a rien perdu de sa patte, son riffing de bûcheron toujours aussi véloce et étouffant pose d’emblée dès « Diabolical Edict » une chape de plomb qui ne cessera de nous oppresser durant trente deux minutes dont on ressort rincé. Le son a beau s’être policé, on reconnaît Brodequin dès les premières secondes, il n’y a pas tromperie sur la marchandise. La basse du frangin Jamie vrombit en arrière plan s’appuyant sur son growl ultra guttural et caverneux pour accentuer encore un peu plus l’ambiance générale déjà écrasante et assombrie par quelques samples bienvenus (« Theresiana », la fin du titre éponyme qui clôture l’album). Quant au petit nouveau de la bande il réalise ici une prestation quasi parfaite, le quasi étant là pour sanctionner l’utilisation systématique des hammer blasts qui en irrite certains je le sais. En dehors de ce minime reproche rien à redire tant le gus impressionne par sa vélocité et sa facilité à accompagner le tempétueux riffing du père Bailey avec une aisance bluffante et tout en variant les plans en permanence, le rythme s’attardant rarement trop longtemps sur le même mode hormis quelques passages plus lents accentuant s’il en était besoin la lourdeur du propos ( « Maleficium » à 1’21, « Vredens dag » à 2’28 ou « Suffocation In Ash » à 1’51). Rien d’étonnant à cela (on parle de Brodequin quand même !) mais il faut avouer que le jeune Californien (il n’a
que vingt-sept ans) envoie sacrément le pâté de son jeu puissant et précis. D’autant plus impressionnant lorsque l’on sait que chaque piste a été enregistrée en une prise et sans retouche comme signalée sous les vidéos nous montrant quelques performances du bonhomme (cf les deux vidéos à droite de votre écran,
the drums were tracked in one full take with no punch-ins, and the video was shot simultaneously. This is as real as drums can be on an album nowadays).
Quel plaisir de retrouver un Brodequin aussi affûté et féroce, vingt ans après un
« Methods Of Execution » qui avait fait l’unanimité. Non « Harbinger Of Woe » n’aura aucunement à rougir de la filiation avec ses prestigieux aînés. Avec sa chouette pochette (pour le coup bien plus jolie que celle de son prédécesseur) transpirant la joie de vivre et l’humanité comme nous y avait habitué le groupe, ce quatrième effort des bourreaux américains est une des bonnes grosses mandales de ce début d’année et un disque qui trônera crânement aux côtés de ses grands-frères. Ça c’est ce que j’appelle un putain de comeback !
1 COMMENTAIRE(S)
07/04/2024 19:46
Ca fait quand même du bien ce retour !