Cataclop cataclop, voici revenir les cow-smonautes à stetsons en kevlar et ‘tiags cradingues d'Ufych, récemment débarrassés du suffixe Sormeer qui manifestement les gênait au moment de dégainer le colt-laser. Yiiiiiiiii-haa (
ou Yeeeee-pee si vous préférez): ça va se remettre à stresser dans le bureau du shérif de Proxima du Centaure! D'autant que les manières de brigands de cette bande d'affreux jojos, si elles ont été affinées et légèrement repensées, n'en gardent pas moins la patte et le mordant qui ont fait leur réputation sur
« Crazy M.A.C. », et par la même occasion dans les banlieues chaudes de la Grande Ourse. Et c'est avec bonheur qu'on retrouve l'inimitable Big Bad Bzour derrière le micro, ses intonations nasales de cartoon rocker, ses mille-feuilles vocaux entremêlés sur différents niveaux de profondeur, ses sifflements, ses « Oh oh oh oooooooooh! » repris en chœur, ses raclements black metal de fond de larynx, ses effets d'écho et cette impression qu'il nous fait la causette au coin du feu de camp comme à un pote … Pour cette nouvelle cuvée 2010, nos space cowboys ont rechargé leurs barillets avec toujours autant de folie, de fun, de fiction scientifique, de far west et de free style metal dans une démarche cette fois plus rock, plus insouciante et plus détendue du slip.
Si la perte du suffixe Sormeer suffit sûrement à me faire sortir de mes gonds de fan, frustré de la caducité des vieux jeux de mots amoureusement développés autour du désormais défunt patronyme (
quoique que toujours présent sur la tranche du boîtier), au moins ai-je le bonheur de retrouver Ufych là où je l'avais laissé: au milieu d'une beuverie de cowboys sur MIR (
la station, pas le produit vaisselle). Certes, le style du groupe a évolué vers des cieux moins heavy metal et carrément plus rock, mais il faudrait être sourd comme un pot pour ne pas reconnaître immédiatement la patte des nordistes. Dès les premières secondes d'un « Galactic Saloon » ultra-dansant on se surprend à se remémorer les joies procurées par « Shun Loafer » ou « Space Cowboys »: c'est mélodique et tellement énergique que ça donne une patate d'enfer! Globalement, « All Stars » est en effet plus dansant que son prédécesseur, plus intense rythmiquement, il dispose de son lot de tubes imparables tels « Galactic Saloon », « Dream Land » ses sonorités funky, ses riffs de guitare et ses lignes de basse superbement développées, l'encore plus génial « The Grand Architect », mais aussi « Time Trip » (
malheureusement un peu court) ou « Modern Gods » qui donne envie de chasser le martien au lasso – tout cela alors que Crazy MAC était un peu plus posé en proportions. Mais la principale évolution vient de l'abandon quasi-total des sonorités électro-futuristes présentes par exemple sur « We Thought This Battle Lost » au profit d'atmosphères plus propres au far-west, guitare sèche et guimbarde (
via un clavier?) à l'appui. C'est inédit chez Ufych et je ne m'attendais pas à un changement de cap si soudain, mais le moins qu'on puisse dire c'est que ça rend sacrément bien, tellement bien à vrai dire qu'on se laisse perdre sans même sans rendre compte dans la douce torpeur de « My Wild Country Friends », du superbe « Starfisherman » (
qui pour le coup retrouve une petite touche spatiale) ou d'un « Westbound Lane » que Sergio Leone aurait tué pour composer. C'est donc un gigantesque oui d'approbation que mon camarade cglaume et moi-même délivrerons au nouveau cru d'Ufych, quoique nuancé par quelques menus défauts, à commencer par un « Scary Manor » un peu longuet, à contre-courant des brûlots entraînants qui le cernent de toutes parts.
Grrrrr … Le vil coyote teuton des confins de la Voie Lactée avec qui je partage cette chro me laisse la partie congrue des « défauts ». OK, relevons le défi! « Scary Manor »? En effet, on tient là le morceau le plus long de l'album (
plus de 7 minutes), mais le seul reproche qu'on pourra sérieusement formuler à son attention tient plutôt dans la forme. En effet, celui-ci s'inscrit dans une mouvance plus « classic heavy metal » que le reste de l'album, déroulant une histoire à la manière de ces combos de heavy à ambition progressive, suivez mon regard… Sauf que c'est quand même bien plus barré et ufychien que la moyenne. Et est-ce pour autant un mauvais morceau? Non. C'est ailleurs que se loge le grain de sable. Jugez plutôt: à l'embauche chez Thrasho, von_yaourt et moi-même avons eu à signer de notre sang (
mêlé à toutes sortes de substances organiques … Je vous passe les détails) un pacte nous engageant à ne glorifier que l'agression sonore, la violence décibélique et l'excès de vitesse. Et cette @#%£-rie de « All Stars » nous contraint de contrevenir à cet essentiel fondement des valeurs Thrashocoriennes. Donc nous sommes colère. Il est inadmissible qu'Ufych propose des morceaux aussi beaux et softs que « My Wild Country Friends » – complainte du cowboy qui, à la fraîche, sous les caressants rayons d'un soleil paresseux, siffle sa première bière matinale tout en faisant avec satisfaction mais nostalgie le bilan de sa vie de vieux renard du désert – qu'on ne peut s'empêcher d'adorer béatement. Il est insupportable d'être obligé de kiffer autant sa race (
désole Mère pour l'emploi de ce langage de charretier) sur la douce nonchalance et l'optimisme cool de « Starfisherman ». Il est révoltant d'être aussi profondément touché par ce rêve de fin d'album qu'est « Westbound Lane ». Putain on est des brutes oui ou merde? Heureusement, le bouchon de chamallow est poussé un poil trop loin sur « The Traveller », que l'on se permettra donc d'apprécier sans en être totalement accro. Ha ha: le faux pas les gars, le faux pas!! … Mouais, pas bien sûr que les Ufychiens se verront désarçonnés par cette charge aussi violente que la désintégration d'une Chupa Chups à coups de pistolet à eau « Barbie Sexy Police ».
« All Stars » est clairement de la trempe de ces albums inclassables et totalement barrés: un petit bijou d'originalité, dont l'inventivité – qu'elle soit dans le jeu des musiciens qui se sont une fois de plus démenés pour pondre des structures alambiquées et des riffs bondissants ou bien dans les atmosphères de western spatial improbables et pourtant ô combien jouissives – force l'admiration aussi bien que le respect. Bordel dieu, comment ne pas être réceptif envers le travail vocal ahurissant d'un Bzour qui s'est encore une fois dépassé, laissant ses tripes et le peu de santé mentale qu'il lui restait dans la bataille contre la morosité quotidienne? Et cette bataille Ufych la remporte haut la main tant ce second album file une énergie rarement ressentie dans l'univers du metal, du rock ou du funk. Si vous trouvez une seule autre œuvre d'un autre groupe qui ressemble de près ou de loin à celle là, je mange mon chapeau de cowboy. Alors certes, l'ami lapin jaune et moi même avons été tentés de mettre 8,5 au commencement de la rédaction de cette chronique, pour signifier que All Stars empruntait une voie certes différente mais pas moins bonne ni meilleure que celle tracée par Crazy MAC. Mais au fil des écoutes, cet album s'est révélé encore plus fouillé, plus cohérent, plus original et plus frais – si c'était encore possible – que son prédécesseur, et nous a obligé à revoir notre avis à la hausse. C'est ça ou alors une subtile corruption menée sur plusieurs années par Bzour, qui l'a conduit à nous mettre dans ses remerciements avant de nous faire parvenir plusieurs avantages en nature que la décence m'interdit d'évoquer – tout ce que je peux vous dire c'est qu'ils impliquent un marqueur noir, du papier et une main docile engoncée dans une mitaine rose et noire. L'embêtant, c'est que pour vouloir taper encore plus haut pour le troisième album, il va falloir se démener, et pas seulement sur le plan musical, parce qu'hormis un ou deux titres un poil moins marquants que les autres, il n'y a pas grand chose à améliorer sur « All Stars ». Non à vrai dire nous avons quelques idées qui nous sont venues à l'esprit après avoir feuilleté le livret avec une attention toute particulière, et même si cglaume est un honorable père de famille, je suis sûr qu'un rendez-vous avec les demoiselles qui ont posé pour le livret ne pourrait qu'être bénéfique à nos intérêts communs... Hein Bzour?
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