Je m'étais promis deux choses par rapport à cette nouvelle offrande de Celeste : 1) la chroniquer (ben oui), 2) les pénaliser s'ils nous sortaient encore une fois un
Nihiliste(s) amélioré comme a pu l'être
Misanthrope(s). Parce qu'avoir une éthique qui a la classe, un son énorme et un style unique, c'est bien, mais ça ne fait pas tout et je ne me laisserais pas avoir cette fois-ci. Non mais. Ho. Hein. C'est vrai quoi.
…
Et, merde, ils m'ont eu. Ça n'était pourtant pas gagné : On entre au premier regard en terrain connu. On retrouve cette production de folie qui fait sonner trois notes comme un monceau de crânes en acier jeté en pleine face mais aussi ces riffs sludge/panda dont on a maintenant l'habitude. Les lyonnais semblent poursuivre la voie entamée sur
Misanthrope(s), c'est-à-dire un métissage plombé et evil à la fois. On a même droit à de l'épique aussi pesant que tragique (la fin de « Un miroir pur qui te rend misérable ») et une batterie galopante (le début de « Ces belles de rêve aux verres embués »), tout cela lustré une fois de plus dans la graisse hardcore. Les textes sont toujours aussi « Comme ces lampes enthousiastes violentant ton visage fallacieux » (toi aussi, invente ta chanson pour Celeste !).
Pourtant, ça change et l'écart entre
Morte(s) Née(s) et les précédents albums est bien plus grand qu'entre
Misanthrope(s) et
Nihiliste(s). Si la base reste apocalyptique, ce qui fait l'univers de Celeste est plus construit tout en étant plus poussé. La voix est monocorde mais plus violente, le phrasé haché se permettant de légères variations du plus bel effet (toujours le début de « Ces belles de rêve aux verres embués » où Johan éructe comme s'il sortait de sa tombe). La surprise est surtout que, pour la première fois, on retient directement des moments et des chansons, là où les précédents disques offrent des monolithes ne faisant pas dans le détail. En forçant franchement le trait, on pourrait même dire que
Morte(s) Née(s) est le premier album de Celeste, une entité complète, avec un début et une fin et non une plongée monochrome aux morceaux interchangeables comme c'était le cas auparavant.
Les passages marquants sont donc légion. Que ce soit la prise à la gorge de « Il y a bien des porcs que ça ferait bander de t'étouffer » (respire, respire encore...) ou la quasi instrumentale (avec samples qui foutent les glandes) « (S) » ou encore l'asphyxie progressive de «En troupeau des louves en trompe l'œil des agneaux », tout est notable et jouissif. Je préfère cependant la deuxième moitié de l'album où le groupe se lâche complètement. Certains regretteront peut-être ces concessions au bloc de granit qu'on recherche chez les lyonnais mais ce que la musique perd en écrasement, elle le gagne en ambiance. D'ailleurs, ceux qui ont écouté l'album auront remarqué que je n'ai pas abattu ma dernière carte, qui est aussi la dernière chanson de
Morte(s) Née(s) : « De sorte que plus jamais un instant ne soit magique ».
Cette dernière débute comme du Celeste pur jus mais à la violence directe et décuplée : la voix martèle et s'accélère, ça sludgise dans tout les sens, ne laisse aucun répit, fait crier grâce jusqu'à cette batterie à la rythmique préparant un nouvel assaut tout en hypnotisant l'auditeur. La suite est… comment dire… On a connu Celeste froid, haineux. Il est ici transcendé. Johan cherche son rythme, continue de hurler mais de manière sourde, comme s'il voulait tout dire en même temps et ne peut que balbutier, à la limite de l'effondrement. Une haine presque mélancolique tant elle est poussée dans ses dernières limites. Et ce n'est pas l'apparition de ces violons et d'un piano qui éteindra cette impression. Attention, ça n'a rien à voir avec une orchestration « youpi tralala les étoiles » (on n'est pas chez The Ocean !) mais plutôt des cordes diffuses, brumeuses, compagnes parfaites pour la dernière charge sludge de
Morte(s) Née(s). On se sent vraiment dégueulasse après un monument comme celui-là.
Morte(s) Née(s) est ce que Celeste a fait de plus haut (Celeste, haut, t'as compris ? Hein ? Personne ?) et, à la vue de ces changements renforçant leur identité déjà bien marquée, on peut espérer de prochains albums tout aussi intéressants. Enfin, n'espérons pas trop, surtout que ce n'est pas le propos de cet album !
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