Bloodiest - Descent
Chronique
Bloodiest Descent
Un des trucs que j'ai appris pour faciliter mon travail de chroniqueur est le name dropping. Ô, quel outil fabuleux permettant de disséquer, définir (voire parfois, chroniquer) le disque dès la première écoute ! Il ne m'a jamais fait faux bond et reste ma méthode favorite malgré son côté déprimant, montrant que la plupart des mélanges vendus comme « frais » se révèlent finalement tenir de la macédoine aux légumes de la veille. Une habitude aussi utile que cynique en y réfléchissant bien, celui du mec qui a accepté de ne jamais plus dire « Bordel, mais qu'est-ce que c'est que ça ?! ». Réaction que j'ai pourtant eue à l'écoute du premier album de Bloodiest (Tu la sens ma grosse transition ?) !
Attention, pas que le bonhomme sorte de nulle part ! Il a même l'allure de l'évidence mais échappe à toute classification : une base dronisante à la Sunn O))) ou l'early-Earth mais trop mélodieuse et variée pour y adhérer pleinement ; de la folk enfiévrée de sang à la Man's Gin mais là où ce dernier se place du côté des pionniers, le combo de Chicago se fait primitif comme les peuples premiers ; enfin, Neurosis et Swans, références obligées et passe-partout, dont l'on retrouve en filigrane leurs compositions les plus aventureuses, cette martialité sublimée où se côtoient une rythmique et des lignes mélodiques juxtaposées d'une profonde simplicité. Descent fuit constamment, tourneboule par une science du paradoxe toujours à propos où des éléments hétéroclites fusionnent pour créer une cohérence au parfum d'inédit. Il paraitra selon l'envie comme une œuvre d'une lourdeur rampante (« Fallen », « Dead Inside », « Obituary » où les guitares puisent leur son à la source d'amplis bouillonnants signés Sanford Parker), d'une pureté cristalline (« Coh » rappelant la chaleur mélancolique d'un fado, les diverses orchestrations, la place prédominante d'un piano à couches superposées à l'image de « Slave Rule »), élevée vers le ciel et abattue au sol, aussi abstraite que concrète avec son ambiance hypnotique et une musicalité directement accrocheuse, labyrinthique car bourrée de clins d'œil entre les morceaux (« Obituary » contenant une variation du riff principal de « Fallen ») et pourtant lisible comme un seul bloc, une seule histoire.
Difficile de décrire exactement Descent, la linéarité de surface laissant vite place à une impression rare de le découvrir à chaque plongée. Citons deux repères guidant constamment l'auditeur et sur lesquelles l'entité repose : le chant et la complémentarité des instruments. Menés par un Bruce Lamont (leader de Yakuza) plus que jamais pénétré par son rôle de shaman endossé encore récemment lors de son excursion solo Feral Song For The Epic Decline, les autres membres étonnent par leur jeu unifié au regard de leurs provenance multiples (90 Day Men, Follows, Atombombpockentknife, Sweep The Leg Johnny dont j'avoue ne rien connaitre…). Cette abondance (sept musiciens !) ne gêne en rien le mot d'ordre que semble se donner l'opus : un terreau squelettique supportant une floraison d'arrangements organiques au point de devenir un dialogue. Ce premier jet est en effet un vivier d'idées parcouru de nombreux frissons : le passage de « Slave Rule » à « Obituary », les notes mourantes du premier se condensant en une mélodie dans le second, les accords titubants de « Coh » devenant une transition vers un « Pastures » limpide, la totalité liée par une voix claire hallucinée, alternant mantra et soubresauts aux yeux rouges appelant des temps imaginés mythiques… Earth ? Jarboe ? Tsss, tsss, à la vue de leurs sorties récentes, Bloodiest les met à l'amende !
Si le groupe trace déjà sa propre route, il est cependant trop tôt pour crier au chef d'œuvre. Il en a la forme, le frôle de nombreuse fois (les géniaux « Coh », « Pastures » et « Slave Rule » notamment) et c'est dans un sentiment étrange qu'il se pose en expérience aussi novatrice que limitée. Il lui manque à assumer la part progressive de ses leads, méritant une mise en valeur plus développée afin de parsemer l'atmosphère qu'elles distillent de certitudes éclatantes au lieu de chercher continuellement sans tenir de réponses vraiment consistantes. Il offre et cache en somme, ce qui colle au crépuscule qu'il suggère, mais montre que Descent est une (très bonne) esquisse des dessins à venir. Reste que son originalité est épatante car ne relevant pas de l'esbroufe communément étalée sur le marché de la nouvelle tendance. Bloodiest s'inscrit hors de cette dernière, rêve de chasses et logiques autres que rationnelles, l'homme-animal traquant sans cesse une proie symbolique. Mieux que l'Apocalypse : Apocalypto.
| lkea 15 Mars 2011 - 5734 lectures |
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