Si tu as déjà lu quelques-unes de mes chroniques, tu dois connaître ma méthode quand un album me plait particulièrement : une musique, une pochette, une figure de style (parfois) ou une image (surtout), quelques descriptions pour éviter d'être taxé de snob incompétent (la plupart du temps) et hop on défile et refile et mélange encore et encore en comprenant de moins en moins jusqu'à l'accouchement sur papier. Bref, avec sa durée colossale où l'intensité constamment rejouée amène l'hallucination,
Aesthethica, ne pouvant qu'appeler une métaphore particulière car fantasmée, s'est logiquement attaché dans mon esprit au mot « Cydonia ». Ho, Wikipédia t'apprendra que ce terme désigne une ville éteinte située en Crète, au bord de la Méditerranée. En creusant un peu, tu verras qu'on n'en connaît rien ou presque, quelques textes la mentionnant, quelques vestiges, l'occasion d'oublier tout réalisme historico-politico-socialo-ainsi de suite, envoyer Thucydide et Socrate se faire voir chez eux et mettre l'imaginaire en route !
Cydonia donc, que j'ai laborieusement introduite ici, a un pied dans la mer et l'autre sur un flanc de colline. Elle lie l'âpreté terrestre, celle que la mathématique des vents transforme en tourbillon écorcheur, à l'obsédance des vagues, celles qui paraissent d'abord lignes courbées puis sérénité droite, vagues toujours différentes, toujours similaires. Au centre se situe cette cité nacrée de blanc, imposante avec ses embouchures ne semblant avoir d'entrée que le nom ; rayonnante d'une clarté semblant trop aiguë pour pouvoir l'apprécier de son long. Elle invite aux regards répétés jusqu'à l'instant où une porte laisse s'apercevoir. Tu t'approches alors, abandonnes le métèque Krallice situé en contrebas à son onanisme sur le bleu des eaux pour pénétrer dans ces rues étranges : les places du marché « High Gold », « True Will » et « Returner » où les pavés grouillent de cris d'anges screamo que critiquera une nouvelle fois le touriste n'arrivant pas à voir ce qu'il y a de pur dans le prématuré ; le forum « Generation » où l'on peut entendre Thordendal discourir des bienfaits de la cocaïne sur la spiritualité ; l'autel « Sun Of Light » et ses entrelacs de notes insaisissables comme des lucioles t'obligeant aux 360 degrés puis l'évanouissement… Ah, Cydonia ! Ton peuple t'acclame d'une voix seule rendue multiple, polyphonie cherchant l' « Harmonia » à laquelle tu réponds par tes trompettes de marbre effilochant leur dur éclat. La frappe de ton bâtisseur modèle les allées, qu'elle rend denses, fuyantes, blastées, concurrentes au ciel lorsqu'elles créent leur propre espace aérien. Mais c'est surtout ton uniformité dans la diversité qui subjugue : tes cambrures se rappellent les unes aux autres ; tes traits mélodieux sont repris à l'envie, dans une version minimaliste ou amplifiée mais constamment belle ; ton labyrinthe est d'une cohérence rendant la traversée aisée, que ce soit dans ce sol palpitant, ces murs liquides évoquant les coups de bourre du
De Profondis de Lutomysl exécutés dix tons au dessus (« Glory Bronze », « True Will », « Tragic Laurel »… es-tu sûre d'être grecque et non ukrainienne ?) ou cette géométrie mettant les nerfs à l'épreuve d'une paix dépeinte au poignard (« Red Crown »).
Une absurdité dans l'architecture avec « Veins Of God » et ses aplats posés à la louche, fatigants en fin de visite. On oubliera bien vite ce qui n'est qu'une bonne idée mal placée pour se rappeler de la maestria dont l'ermite de
Renihilation a fait preuve pour construire son rêve de métropole. Car rien n'est réel ici, la majesté est trop élevée pour être extérieure à soi, elle est rêvée comme je rêve de Cydonia, cet organisme urbain tranchant l'environnement avec un tel naturel que la coupure est conduit, chemin vers la plus haute tour sur la plus haute butte. Et Liturgy à son sommet, régnant en maître.
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