Hunter Hunt-Hendrix, tête pensante de Liturgy, est un con. Faciès vierge de toute pilosité, à peine sortie de l'adolescence mais déjà d'une prétention sans limite, il déclare faire du black metal mieux que le black metal lui-même (qu'il n'aime pas beaucoup d'ailleurs). Ses références sont Deleuze, Swans et Vlad Tepes, ses habits des Converse et chemises à carreaux et l'un de ses plaisirs est de définir sa musique en terme de « manifesto », « substratum », « transcendental chaos » ou « ecstasy » (cela avec une voix inutilement grave appuyant la profondeur de son insondable intellect, je te laisse chercher les preuves sur Youtube). Avec un nom chrétien, une éclipse comme pochette et un libellé autoproclamé « Pure Transcendental Black Metal », on pige pourquoi une part de la communauté metal s'amuse à insulter copieusement le leader et sa troupe de Brooklyn !
Seulement une fois la musique lancée, le mégalomane te cause métaphysique avec une telle puissance que t'es calmé niveau ironie. Liturgy est assimilable à une version sous coke de Krallice, voire un CD de
Nattens Madrigal d'Ulver que t'aurais décidé de passer en accéléré. Les blasts sont des tremolos et les triples/quadruples/quintuples couches de guitares (oui oui, écoute « Pagan Dawn » ou le début hallucinant de « Beyond The Magic Forest » !) un bruit continu vaguement changeant.
Renihilation est tellement intense qu'il se situe au-delà de la brutalité pour devenir une noise abrasive renvoyant autant au black metal le plus décroche-tronche qu'au screamo le plus à donf'. A ce sujet, la voix se place direct en haut du top des déglutissements crève-cœurs : Hunter hurle au point qu'il est impossible de savoir s'il cause résurrection de Lazare ou météo avec un extrémisme possédé pas éloigné d'un salarié d'Orange s'immolant sur un parking. Du chaos forgé dans l'acier tranchant donc, mais à aucun moment rasoir grâce à un tracklisting réfléchi, les décharges étant jouées sur une durée courte entrecoupée de plages ambiant. Ces interludes étranges permettent de respirer avant la prochaine mandale et si la montée dure trente-neuf minutes te flétrissant comme dix ans, le groupe a eu le bon goût de laisser parler les mélodies de temps en temps avec notamment une lead épique sur le morceau éponyme ainsi qu'un passage frontal à la limite du noise-rock sur « Ecstatic Rite ».
Ce goût pour le frondeur pourrait vite virer au déballage stérile que pointent les critiques de la scène black US, voyant dans ces entrelacs brunniens adorateurs de Weakling beaucoup de bruit pour peu de fond. C'est sans compter sur ce qui rend le nœud
Renihilation non trivial : plutôt que d'appeler des démons de minuit rendus peu affriolants à force d'ouvrage blasphématoire, il se situe à l'exact opposé en assumant une spiritualité brûlante (le myspace du combo affiche en guise de genre « Religious / Black Metal »). Un pari risqué dont la ferveur irradie l'opus d'une blancheur aveuglante s'exprimant à travers l'énergie du black metal. Ainsi, les accalmies évoquent une atmosphère tibétaine, froide et mystique. Les renvois du groupe à la musique classique ou savante ont ceci de pertinent que derrière les murs d'amplis s'abattant sur l'auditeur se cache l'harmonie, à l'image de « Mysterium » et « Arctica » où les guitares jouent de concert des notes étalées, stridentes puis pénétrantes à être aussi pénétrées. Pour employer une nouvelle comparaison avec Krallice (inévitable, tant les deux entités se rapprochent l'une de l'autre musicalement), si le créateur de
Dimensionnal Bleedthrough te fait toucher les cieux à force de tourbillonnements, Liturgy t'accroche à une fusée et te téléporte à vitesse grand V vers une lumière cosmique, cramant toute chose restée au sol.
Un concept original dans un courant qui l'est de moins en moins, ici se situe le seul véritable reproche que l'on pourra faire à
Renihilation. Néanmoins, la production crue de Colin Marston ne cache pas certaines baisses sur un « Behind The Void » moins scotchant que le reste. Une manière détournée de dire que les Ricains peuvent encore progresser malgré un statut d'incontournable amplement mérité (raison pour laquelle j'attends impatiemment de recevoir
Aesthethica, dernier essai en date). Alors, Liturgy, mené par un idiot ? Certainement, mais l'on sait que ce type de personne a souvent les faveurs du Très Haut…
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