2007.
V - Halmstad. Grosse, grosse claque pour ma première rencontre avec Shining. Un univers à part, sombre, dépressif, au-delà des étiquettes musicales et surtout, foutrement prenant, qui me subjugue littéralement. 2009.
VI - Klagopsalmer. Je n'y touche pas. Même pas un extrait. Pourquoi? Je n'en sais foutre rien. La peur d'être déçu? Une sortie plus confidentielle? Les mauvaises critiques? La flemme? Sans doute un peu de tout ça. Et Shining de tomber peu à peu dans l'oubli en ce qui me concerne. La réception de ce nouvel album,
VII: Född Förlorare, est ainsi l'occasion de se rappeler au bon souvenir de la bande de Kvarforth. Un album qui a eu du mal à sortir, notamment en raison de conflits entre le groupe et Indie Recordings si j'ai bien suivi l'histoire. Du coup, c'est finalement chez les Finlandais de Spinefarm Records que débarque le 7ème opus des Suédois. Et à voir cette photo jaunie et craquelée de clochards abattus, le programme s'annonce encore une fois des plus réjouissants.
En effet, Kvarforth conte ici l'âpreté de la vie et sa part la plus sombre. Et pour être sombre, il est sombre ce nouvel album! Pourtant, le combo s'éloigne toujours plus de ses racines black. Notez ainsi que
VII: Född Förlorare n'est pas un album de black metal, ce n'est même pas du metal sur certains passages. Et il n'est plus vraiment question de suicide mais plutôt de tristesse, de mélancolie, de désespoir, des émotions bien plus complexes et réalistes. Shining est passé d'un suicidal black metal à ses débuts à ce qu'on pourrait désormais qualifier, à défaut de meilleure étiquette, de metal sombre et désenchanté. La traduction de l'album n'est-elle d'ailleurs pas
Perdant Né? Difficile toutefois de cataloguer
VII: Född Förlorare tant il navigue dans des eaux troubles qui lui sont propres. Et quand on peine à ranger un album dans une case précise, c'est généralement signe qu'on a affaire non seulement à une œuvre originale et personnelle, mais aussi à quelque chose de précieux, pour peu qu'on accroche à son ambiance.
Une ambiance noire, triste et mélancolique à souhait instaurée par six morceaux ayant chacun leur propre âme et qui prennent tout leur temps, histoire d'être certain de plonger l'auditeur dans le même état d'esprit qui habite le frontman. Avec sept minutes de moyenne, les compos sont longues, progressives mais à aucun moment on ne s'ennuie, pris dans la tourmente. Chaque riff, simple mais efficace, est emprunt de noirceur et de désespoir. L'utilisation de la guitare acoustique, fréquente, apporte elle tristesse et mélancolie ("Tiden Läker Inga Sår" à 7'53, ça donnerait presque envie de chialer, "I Nattens Timma", "FFF"...). Afin d'alourdir davantage l'atmosphère, on notera également la présence de violon ("Människa O'Avskyvärda Människa" sur le break magnifique à 2'35, la fin de "Tillsammans Är Vi Allt") et surtout de piano, instrument qui prend tout son sens sur "I Nattens Timma", reprise géniale du groupe suédois de rock progressif Landberk où il remplace la flûte du morceau originel et le transcende. C'est Peter Bjärgö (Arcana) qu'il faut remercier ici. Un des quatre musiciens invités sur l'opus. Et pour une fois, tous servent à quelque chose en apportant l'étincelle nécessaire au morceau sur lequel ils figurent. Le plus surprenant est Håkan Hemlin, chanteur de pop suédois, qui pose sa voix claire mais éraillée sur le refrain de "Tillsammans Är Vi Allt", le gros morceau de
VII: Född Förlorare avec ses 9'22. Un titre poignant sur l'addiction à la drogue qui sonne encore plus vrai quand on sait que le gus est connu pour ce genre de problème. Autre compatriote convié à la non-fête, Erik Danielsson des très hype Watain. Le rythme de l'album se fait essentiellement moyen, voire lent, mais à deux reprises, ça s'énerve bien. Sur "FFF" à 1'39 puis 3'02, Richard Schill sort le tapis de double pédale pour un Kvaforth transcendé en pleine détresse, contrastant avec les chœurs planants qui suivront. Une séquence à la charge émotionnelle intense à vous donner la chair de poule! Mais avant, sur "Tiden Läker Inga Sår", était déjà arrivée une belle surprise. Le morceau part calmement, ambiance sombre comme d'habitude, chant doux puis ça commence un peu à s'exciter vers 1'45. Mais c'est à 3'44 que les choses sérieuses vont commencer avec une rythmique thrashie bien rapide qui va se transformer à 4'17 en...blast-beats! Certes le son de la batterie est en plastique mais l'étonnement est réel. C'est là qu'intervient le leader de Watain pour le passage le plus extrême et jouissif de
VII: Född Förlorare. Le dernier renfort n'est autre que Christopher Amott (Arch Enemy) qui vient placer deux solos heavy à couper le souffle sur "Människa O'Avskyvärda Människa", rares rayons de lumière dans l'abîme ambiant.
Ne vous y méprenez pas toutefois, la star de l'album, c'est bien Niklas Kvarforth. Les guests ont beau apporter beaucoup, ses quatre compères ont beau être d'excellents exécutants, le bonhomme reste le seul maître à bord, lui qui a tout composé. Mais c'est surtout sa performance vocale qui laisse pantois, peut-être bien la meilleure qu'il ait jamais délivrée. Rares sont les chanteurs de metal a posséder un tel charisme vocal et un registre aussi large que celui du Suédois. Son chant râpeux, guttural, arraché, torturé, écorché est celui de quelqu'un marqué par la vie, malgré son jeune âge. Le bonhomme sait tout faire et vous touche, même si l'on ne parle pas le suédois. Impressionnant, mais je me dis quand même qu'il a vraiment un problème ce garçon!
En voilà un album qu'il est bien!
VII: Född Förlorare aurait même pu être un chef-d'œuvre s'il n'y avait pas quelques petits ratés qui me font préférer
V - Halmstad. Je trouve ainsi le titre d'ouverture "Förtvivlan, Min Arvedel" un peu trop classique pour du Shining. Certes la petite fille apeurée de l'intro nous plonge directement dans l'ambiance et le riff mid-tempo qui suit est bien efficace mais il manque un petit quelque chose. Un bon premier titre qui n'atteint cependant pas l'intensité des suivants. Et il y a une séquence qui m'a vraiment fait de la peine, c'est ce riff moderne saccadé à 2'12 sur "FFF". Après ce passage à la double auquel j'ai déjà fait allusion un peu plus haut, il fait vraiment tâche. Sinon, c'est du tout bon et il est certain que
VII: Född Förlorare fera partie de mon bilan de fin d'année. Sombre, désespéré, triste, poignant, mélancolique,
VII: Född Förlorare est de ces albums qui vous touchent. En abandonnant le black metal et en s'éloignant même parfois du metal tout court, Shining signe sans doute là son œuvre la plus sincère, sublimée par des invités de grand talent et un Kvarforth au sommet de son art vocal. Un groupe impossible à cataloguer, qui possède son propre univers, sa propre personnalité, sa propre patte, c'est tellement rare. Rien que pour ça, respect!
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