Dix ans. Oui, dix ans que j'attendais le successeur du passable
"Necrodynamic". Enfin à vrai dire, je n'attendais plus tant que ça après que la sortie de l'EP
"Ten Years Of Tragedy" se soit soldée par un silence radio total ressemblant fort à un split. Mais non mais non, les allemands préparaient en secret leur retour, un retour plein de surprises avec notamment la réapparition de leur ancien logo (légèrement retravaillé, plus agressif) et un deal avec le label Lifeforce Records. Concernant le contenu de ce tant attendu cinquième album (en ce qui me concerne), tous ces signes auraient dû me mettre la puce à l'oreille... Je dois être vraiment fatigué en ce moment pour ne pas avoir tilté plus tôt.
Comment exister lorsqu'on a toujours évolué dans l'ombre d'autres formations durant toute sa carrière ? De leurs débuts dans le death mélodique (1997) jusqu'à leur évolution heavy/thrash (2001) en passant par leur période thrash/death (la meilleure assurément avec le pavé
"Nailwork"), Night In Gales n'a jamais réussi à se tailler un nom. Leur EP
"Ten Years Of Tragedy" sorti en 2005 ayant eu l'effet d'un pétard mouillé, le groupe a du repenser sa stratégie de pénétration du marché et a finalement décidé d'effectuer un véritable retour aux sources, reniant presque 15 ans de recherche musicale. Leur cuvée 2011 se concentre donc uniquement sur un death mélodique des plus classiques comme on en faisait au milieu des années 90, si classique qu'on a rarement l'occasion d'en entendre aujourd'hui. Miser sur la nostalgie est un pari risqué. Mais pourquoi pas après tout ? Leur compatriotes de Thulcandra ont bien trouvé un public avec leur Dissection-style alors pourquoi ne pas essayer de faire revivre les fantômes de l'âge d'or de la scène de Göteborg ? Le problème dans ce genre de situation, c'est que seul un album d'exception peut faire la différence.
Franchement, j'y ai cru au départ. Le visuel un peu passé, la production signée Dan Swanö, l'intro au violon qui sent bon le très très vieux At The Gates et l'enchainement avec le démoniaque "This Neon Grave"... Totalement classique, totalement vu et revu, mais putain quels riffs, quelles grattes, quelle ambiance et ce chant écorché vif qui rappelle tant de bons souvenirs. Aaaahh ces 2 premiers titres portaient tant de promesses. A ce moment, j'étais prêt à oublier le thrash/death poisseux d'un
"Nailwork" et les quelques bons titres heavy/thrash rock'n roll de
"Necrodynamic". Passé cette claque, la suite me laissait un peu de marbre, comme si le molasson "The Days Of Mute" (le plus mauvais titre) vous injectait une telle dose d'anesthésiant qu'il vous était impossible d'apprécier la suite. Pire encore, les premières écoutes me renvoyaient en pleine face tous les autres défauts de cet album : le refrain moisi de "Five Scars", les violons et le chant pleurnichards de "The Tides of November", les conclusions en eau de boudin de "Void Venture" et "A Mouthful Of Death". Et pourtant...
Et pourtant, quand on prend la peine de l'écouter, on se rend compte que "Five Scars" se montre les trois quarts du temps aussi efficace qu'un bon vieux coup de pelle derrière une nuque. Pour oser revenir à un style si éculé, les allemands ont du revoir plusieurs fois leur copie, peaufiner leur approche, et ça s'entend autant que ça se ressent. Car la véritable force de cet album réside avant tout dans son atmosphère, froide, sombre et malsaine, comme pouvaient l'être les premiers At The Gates ; l'artwork illustre d'ailleurs assez bien ce que dégage leur musique. Musicalement, Night In Gales est également revenu aux fondamentaux, à savoir un death mélodique très... mélodique sans un brin de modernité (excepté la production) basé principalement sur les guitares qui enchainent les leads, et une base rythmique sans fioritures, notamment un jeu de batterie presque aussi linéaire que celui d'Adrian Erlandsson ou Anders Jivarp dans les années 90. Personnellement, je n'aurais pas craché sur un peu plus d'originalité vu le niveau technique des musiciens : des solos à l'image de ceux de
"Nailwork" n'auraient pas fait tâche par exemple, les quelques uns présents étant assez fadasses. En tous cas, ces choix artistiques siéent à merveille au chant rapeux de Björn qui n'a rien perdu de sa personnalité et de sa hargne, un excellent hurleur assurément. Certains apprécieront sans doute moins son chant clair, surtout ceux qui découvriront le groupe. Utilisé de manière totalement différente comparé à
"Necrodynamic", il représente désormais la part de lumière de leur musique, c'est à dire ce que vous risquez de regretter ici (moi le premier) car les passages les plus calmes sont loin d'être les meilleurs ("The Days Of Mute", "The Tides of November", "Blackmouth Blues") ; toutefois quand ce chant clair est couplé aux hurlements, l'ensemble dégage énormément de puissance ("The Whiteout", "Bloodsong"). Dommage que cette association ne soit pas plus répandue. Mais ce qui rend cet album si direct et jouissif, c'est la quantité de riffs imparables que l'on trouve dans chaque composition, qu'ils soient rapides ou plus lourds et lancinants. Comment résister aux introductions de "This Neon Grave" et "Bloodsong", aux couplets de "Endtrip" et "Five Scars", ou aux refrains de "A Mouthful Of Death" et "Void Venture"... Ca faisait longtemps que je n'avais pas entendu un death mélodique aussi bien équilibré entre mélodie, groove et violence.
Il reste toutefois une marge non négligeable de progression dont le principal axe se situe au niveau de la dynamique des morceaux. En effet, comme je l'évoquais un peu plus haut, les passages les plus calmes et lumineux n'apportent pas grand chose, cassant le rythme d'un ensemble qui entre ses accès de rage et ses moments de dépression, aurait mérité de ne jamais voir le ciel. Reste enfin la question de la personnalité dont certains ne manqueront pas d'en évoquer l'absence, à juste titre sans doute : "Five Scars" ressemble souvent plus à un hommage qu'à une approche évolutive du genre. Pour moi, Night In Gales parvient néanmoins à insérer sa griffe aussi mince soit-elle, notamment dans l'intégration du chant clair et par quelques accès de brutalité finalement pas si communs au style.
Pour conclure, je dirais que sans être un chef-d'oeuvre, "Five Scars" est loin d'être le chant du cygne d'une formation coincée en deuxième division. Au contraire, cette renaissance laisse enfin entrevoir un avenir pour le groupe, une remise en question artistique qui ressemble fort à un véritable nouveau départ. Loin d'être parfait, ce cinquième album nous propose néanmoins un death mélodique comme on en fait plus, sale et rugueux, loin de toutes ces formations ayant transformé cette branche en metal aseptisé pour métrosexuels. Et avec l'éviction des passages calmes et une recherche plus poussée de leur identité, les allemands pourraient même inscrire leur nom au panthéon du style vu le potentiel de cette galette. Il n'y a plus qu'à espérer que la suite ne soit pas pour 2021.
5 COMMENTAIRE(S)
27/11/2011 11:46
23/11/2011 12:09
Je dois l'écouter un peu + en détails mais je crains qu'ils n'arrivent pas à faire aussi recherché dans les ambiances, riffs et solos que sur "Thunderbeast" et "Nailwork".
13/11/2011 11:29
@mitch et nightsoul: le début d'album n'est pas super excitant mais à partir de "Void Venture", y a de bons pavés comme "Bloodsong", "Endtrip" ou "Whiteout". Faut persévérer un peu.
13/11/2011 04:25
Autant le dire tel quel, je me suis fait chier passé ces titres...
Pour un bon groupe allemand qui fait du bon melodeath oldschool façon At The Gates, mieux vaut aller voir du côté de Fragment Of Unbecoming pour rester chez les teutons.
Pas mieux !
12/11/2011 22:21
Autant le dire tel quel, je me suis fait chier passé ces titres...
Pour un bon groupe allemand qui fait du bon melodeath oldschool façon At The Gates, mieux vaut aller voir du côté de Fragment Of Unbecoming pour rester chez les teutons.