Convulse - World Without God

Etre né en 1980 ne m'a pas empêché de passer à côté d'un bon nombre d'albums considérés comme majeurs. Dans cette liste probablement trop longue on compte le World Without God des Finlandais de Convulse. Sorti initialement en 1991 mais réédité par Relapse en 2010, il est tout de même surprenant de voir que la première version de ce disque s'est faite via un label français. Pour la petite histoire, il s'agissait du label Thrash (c'est son nom) basé à l'époque au Havre et à qui l'ont doit quand même quelques sorties gratinées comme les albums de Carbonized, Epitaph, Sentenced, Wombbath ou encore les EP de Vital Remains, Exit-13 ou Old Funeral. Du sérieux donc pour ce petit label français qui aujourd'hui n'existe plus. Concernant World Without God, 1000 copies avaient été initialement pressés, toutes ont été vendues. Voilà pourquoi quelques années plus tard, cet album a été réédité par le label Eternal Darkness (?) avec en bonus la démo Resuscitation Of Evilness ainsi qu'une reprise live de "Countess Bathory" de Venom. Une réédition plutôt passée inaperçue et qui donnera l'occasion à Relapse de corriger le tir courant 2010 en proposant une seconde réédition totalement identique en matière de contenu.

Décidément le label americain est toujours dans les bons coups puisque cette réédition a fait le bonheur de nombreux fans et collectionneurs cherchant désespérément à mettre la main sur cet album jusqu'alors quasi-introuvable. Il faut dire que World Without God constitue tout de même une petite pépite de death metal old school. Un album unique dans une maigre discographie qui n'en compte que deux. Un album sorti en pleine heure de gloire du death metal, à l'époque ou l'ambiance et l'atmosphère avait plus d'importance que la technique et la rapidité. Un témoignage d'une époque révolue où le death metal était encore une musique confidentielle qui s'écoutait sur cassette.

L'album débute sur une intro étrange, façon cabaret macabre à coup de piano bar et de cordes synthétiques sur lesquelles viennent se poser des nappes de voix ambiancées. Une entrée en matière plutôt déroutante et qui ne nous prépare absolument pas à la déferlante qui va suivre pendant une bonne heure. Etonnamment, Convulse s'éloigne quelque peu des standards Finlandais en matière de death metal (Demilich, Adramelech, Demigod...) en partie par des ambiances plus sombres tout en se rapprochant sans complexe de la scène Suédoise de cette même époque. Pour être exact, je dirais plutôt que le groupe réussi à mélanger les deux écoles pour un résultat particulièrement convaincant. Ce qui frappe d'emblée, c'est cette lourdeur dont fait preuve Convulse. Passé cette fameuse intro, les Finlandais nous accablent inlassablement de riffs puissants, lugubres et extrêmement denses (les riffs descendants de "World Without God", les trente premières secondes de "Putrid Intercourse" etc...). Et si je ne suis pas musicien j'ai quand même l'impression que les guitares sont accordées extrêmement bas, justement pour accentuer encore davantage l'aspect massif qui se dégage des titres de World Without God. Mais les guitares ne sont pas les seules à avoir de l'importance, il y aussi la voix de Rami Jämsä. Son chant est (pour l'époque) extrêmement guttural et profond (Raaa ce bien nommé "Blaphemous Verses"). Comme si le bonhomme ne cessait de gronder furieusement tel l'orage un jour de tempête. Cela peut vous paraître exagéré aujourd'hui avec tous ces groupes de brutal death mais je vous assure qu'à l'époque ce genre de chant se plaçait haut la main dans la catégorie des plus extrêmes. Un chant d'une profondeur abyssal qui écrase absolument tout sur son passage. Dit comme ça, s'en est presque cliché mais je vous assure que le combo riffs parpaings + voix grave d'outre-tombe est d'une efficacité à toute épreuve.
Pour contrebalancer ce mur de voix et de guitares, Convulse à eu la judicieuse idée d'aller s'inspirer de ce qui se passait du côté de Stockholm, piochant ainsi chez Entombed et Dismember ce côté plus rock'n'roll et "catchy". Rythmiquement d'abord puisque les Finlandais n'hésitent pas à hausser le ton le temps d'accélérations à base de tchouka tchouka ("Putrid Intercourse" à 0:29, "Blasphemous Verses" à 1:31, "Resuscitation Of Evilness" à 1:24...) voir même de nombreuses parties blastées ("Putrid Intercourse" à 1:39, "Incantation Of Restoration" à 1:41 ou encore "Resuscitation Of Evilness" à 0:41...). Il faut dire que Janne Miikkulaine est tout de même un sacré batteur qui se montre à l'aise absolument partout, démontrant même un certain brio pour plomber le rythme avec des breaks à vous rompre les cervicales. Enfin il y a ces riffs putrides et nauséabonds appuyés par ces nombreux soli bordéliques et délicieusement rock'n'roll qui donnent à World Without God toute la saveur de la Suède en seulement quelques secondes.

Toute cette lourdeur, toute cette énergie, tous ces changements de rythmes, toutes ces ambiances sont mis à profit pour servir des paroles assez bien écrites sur un thème vieux comme le Monde: la Religion. Et si Convulse tient un discours anti-religieux évident, il évite cependant les écueils blasphématoires d'adolescent rebel qu'on retrouve trop souvent dans le death metal en offrant un discours un peu plus réfléchis sur le manque de tolérance et l'hypocrisie de bon nombre de ces religions qui affirment pourtant tout le contraire.

Et si ces dix titres se suffisent amplement à eux-mêmes, il est appréciable de pouvoir retrouver la première démo de Convulse parue en 1990. Car si ces quatre titres sont déjà présents sur l'album, on peut néanmoins se rendre compte de l'impact de la production et du choix de l'accordage sur le rendu final. Car effectivement les guitares n'étaient pas accordées si bas initialement. Comparativement, si les morceaux ne perdent pas pour autant en intensité, ils sont résolument moins lourds et écrasants.
Enfin pour en terminer avec les bonus, on retrouve également deux titres live. Le premier est une reprise de Venom puisqu'il s'agit du titre "Countess Bathory", quant au second il s'agit de "Incantation Of Restoration" déjà présent sur l'album. N'étant pas un grand amateur de live, cela ne me fait ni chaud ni froid. On appréciera seulement de voir Convulse s'approprier un titre nettement plus punk qu'a l'accoutumé. Plutôt de bonne facture avec un son à la hauteur, cette reprise est plutôt sympathique bien qu'anecdotique. L'intérêt de ce disque étant évidemment ailleurs.

Découvert sur le tard, je me réjouis tout de même de ne pas être passé complètement à côté de ce disque vraiment très réussi. Convulse parvient à combiner les éléments marquants de la scène death metal Finlandaise et Suédoise (Ok, peut-être plus Finlandaise) pour un résultat froid, obscure et blasphématoire à l'image de cet artwork très réussi qui reprend la fameuse peinture de Caspar David Friedrich, "Cloister Cemetery In The Snow". Deux ans plus tard, le groupe récidivera avec l'album "Reflections" davantage orienté vers un death'n'roll à la Suédoise avant de s'en aller finalement par la petite porte. Si aujourd'hui World Without God peut sembler quelque peu désuet au regard de la production actuelle, je trouve pour ma part qu'il a plutôt bien vieillit et qu'il s'écoute avec les mêmes frissons qu'à l'époque. World Without God fait donc indiscutablement parti de ces classiques du death metal à l'impact certes modéré mais à l'intensité et à l'ambiance incroyable.

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