[ A propos de cette chronique ] KRODA est l’un de ces groupes relativement jeune de la scène de l’Est qui a su imposer son talent en assez peu de temps pour devenir rapidement un « incontournable » aux yeux des amateurs de Black Metal païen aujourd’hui. Fondé en 2003, le groupe avait imposé dès la première offrande cette patte qu’on prit plaisir à retrouver par la suite :
Cry To Me, River… se révélait fulgurant et puissant, fortement inspiré et maîtrisé pour un premier jet. KRODA a toujours su cultiver ce sens de la mélodie nostalgique pour l’allier à un rythme relevé, à laquelle s’ajoutent une authentique classe et une belle maîtrise. Le premier opus de 2004 nous avait montré à quel point KRODA savait ressusciter les acquis de cette belle scène païenne, hantée par les TEMNOZOR et autres NOKTURNAL MORTUM. Bien qu’ils ne bénéficient pas du même statut aujourd’hui, ce qui s’explique sans doute par leur formation plus tardive, on peut dire que nos Ukrainiens de Lviv se sont hissés au niveau de ces deux empereurs, de par la qualité de leurs disques, à l’image de la deuxième livraison,
Towards the Firmaments Verge of Life..., qui rappelait à quel point KRODA avait du potentiel, largement confirmé dans la dernière tuerie en tête,
Fimbulvinter. On se rappellera de la somptueuse reprise de BRANIKALD « A Stormride » et des assauts comme « When Brave Warriors Shall Meet Again », grandes réussites des Ukrainiens sur leur dernier disque de 2007. Après ce dernier jet, le groupe s’est fissuré : Viterzgir, principal compositeur, a pris ses valises et s’en est allé vers d’autres cieux, laissant Eisenslav seul maître à bord. C’est pourquoi on pouvait s’attendre à un changement avec ce nouveau disque,
Schwarzpfad, sorti chez la talentueuse et jeune écurie allemande Purity Through Fire, qui avait brillé à plusieurs reprises, notamment l’année dernière en promouvant les russes de VSPOLOKH notamment, sibériens talentueux à en crever avec leur magnifique disque
Sorrow of the Past. La qualité des sorties de ce label, qui a visiblement récupéré KRODA puisqu’il en sort les rééditions (avec
Fimbulvinter tout récemment, n’est donc pas à faire : un label qui a de l’avenir, sans aucun doute !
Ce changement a bien eu lieu, dans un premier temps dans l’artwork. Si le packaging, toujours aussi luxueux, a de quoi séduire, l’artwork du disque est en revanche un peu décevant par rapport à ce auquel KRODA nous avait habitué. Plus sobre, moins élaboré que les précédents, cette teinte grisâtre sur laquelle se superpose un pauvre pendu a de quoi décevoir. La pochette est par contre bien chiadée, les paroles traduites en anglais ont de quoi réjouir l’amateur de KRODA qui connaît toute la poésie qu’Eisenslav mets dans ses morceaux. Poésie et conviction, puisqu’à travers cette nouvelle mouture, dès « Schwarzpfad I (First Snow) », on voit que notre homme est très en forme vocalement, car il renouvelle son registre et lui donne plus de puissance, plus de rage ! On retrouvera avec grand plaisir cette façon de chanter typiquement ukrainienne, avec ces sonorités qui conviennent si bien au Black Metal.
La « touche » KRODA aussi a changé. Déjà, nos hommes utilisent une batterie, grande innovation dans leur discographie puisqu’on avait toujours été habitués à cette boîte à rythme écrasante. La batterie permet des changements de rythme plus fluide et un son plus rustique, plus naturel. Les claviers, bien moins présents qu’auparavant, ont malgré ça un rôle à jouer. Plus naturels eux-aussi, ils se contentent de souligner des passages atmosphériques avec discrétion et sobriété, donnant à KRODA un côté moins chargé qu’auparavant. Seul regret, exit les guimbardes qui caractérisaient bien le groupe, de même que les belles couches de claviers très travaillés auxquelles on avait droit sur un
Fimbulvinter par exemple. Beaucoup ont pompé ces guimbardes aux Ukrainiens, et ce petit plus dans le groupe n’est plus présent aujourd’hui, ce qui est quand même un peu dommage puisque cela les dépersonnalise un peu. Sans doute était-ce une des caractéristiques de Viterzgir dont a voulu se débarrasser Eisenslav. En plus de claviers au rabais donc, la guitare manque un peu de pêche. Certes, ces nouveaux riffs composés par Eisenslav amènent toujours cette atmosphère aérienne parfaite et propre au groupe sur les passages les plus réussis. Et sur
Schwarzpfad, on sent une recrudescence de mélancolie, puisqu’on constate pas mal de mid-tempo, avec une batterie plus lente et des riffs qui prennent leur temps, afin de développer une ambiance fort bien établie, pour peu qu’on rentre dedans. A noter quand même, une basse excellente, claquante et ronflante. La qualité technique des Ukrainiens n’étonnera personne car Eisenslav a toujours été un excellent musicien… les sessions qu’il a recruté pour ce disque sont à la hauteur de ce qu’il a réalisé auparavant.
Il y a quand même quelques longueurs dans ce nouveau KRODA, peut-être même un manque d’efficacité sur certains passages. Si les Ukrainiens savent se montrer percutants et incisifs sur certains passages bien violents, ils ont également quelques failles sur les passages plus lents. Premièrement, et KRODA n’a pas vraiment changé pour ça, les morceaux sont longs, avec 10 minutes en moyenne. C’est pourquoi on décrochera sur certains passages, dans lesquels le groupe se perd un peu, notamment sur « Schwarzpfad III (Forefather Of Hangmen) » dans lequel quelques breaks ne sont pas toujours réussis bien que le morceau en lui-même soit convaincant. Si le son est moins « synthétique », les morceaux sont aussi moins denses et moins intenses, moins froids aussi… l’essence de la musique des Ukrainiens jusqu’alors se perd donc un peu, mais cela ne m’empêche pas d’apprécier ce nouveau départ à sa juste valeur.
Bien que ces quelques défauts mineurs m’empêchent de dire que ce disque dépasse les précédents, qui étaient vraiment terribles quand même,
Schwarzpfad reste un fort bon disque du genre malgré tout, particulièrement en cette année 2011. D’excellents morceaux, comme par exemple l’apogée de l’œuvre qui est sans nul doute le morceau « Schwarzpfad IV (Heil Ragnarok!) », véritable chef-d’œuvre fédérateur et burné, dont on retiendra les airs longtemps. Un des tous meilleurs morceaux des Ukrainiens, d’ailleurs, composé d’alternance parfaite entre chant clair maîtrisé et assauts païens réalisés avec conviction et sincérité. Cette composition, symbolisant quasiment à elle seule la nouvelle patte KRODA, montre un groupe nouveau, revigoré, habité par de nouveaux vêtements très séduisants. Cette nouvelle recette fonctionne fort bien. KRODA se targue même d’une dernière piste entièrement ambiante, « Cold Aurora », qui même si elle s’avère un peu longue, happera l’auditeur pour terminer un bon disque via une atmosphère froide et planante pour un rendu un peu longuet par moments... retour plus que réussi pour les Ukrainiens, le challenge était difficile sans Viterzgir, mais son absence ne pèse pas tant que ça. Espérons à présent qu'on puisse les voir en Europe occidentale sans qu'ils soient systématiquement annulés parce-que des espèces de glandus à keffieh leur ont mis des bâtons dans les roues...
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