Kroda - GinnungaGap GinnungaGaldr GinnungaKaos
Chronique
Kroda GinnungaGap GinnungaGaldr GinnungaKaos
Il y a quelques années, il y avait sur un forum un topic demandant quels groupes étaient nos préférés. J’ai bien entendu penché pour LUNAR AURORA, DEINONYCHUS, SUMMONING, JUDAS ISCARIOT ou encore MYSTIC FOREST, sans omettre, en 10ème position, KRODA. Si je devais refaire ce classement aujourd’hui, les Ukrainiens grignoteraient sans doute quelques places parce que ce 6ème album, qui nous intéresse aujourd’hui, est magnifique, dans la lignée du précédent malgré quelques ajustements. Nos hommes arrivent à être constants dans la qualité tout en évoluant légèrement.
« Nos hommes »… Je devrais plutôt dire « notre homme » car KRODA a beau être un quatuor c’est avant tout le navire d’un capitaine à la barre depuis 2003 : Eisenslav. Les autres membres sont tous nouveaux, ayant intégré le groupe en 2014 : le bassiste One of Thorns et le claviériste Clin viennent du groupe symphonique REUSMARKT, le guitariste Khladogard de STRYVIGOR, groupe atmosphérique dont nous avions parlé il y a quelques mois à l’occasion de la sortie de ЗАБУТЕ ВІКАМИ, (Forgotten by Ages). Cette évolution dans le line-up avait inquiété certains fans qui craignaient que les compositions en pâtissent. Cette inquiétude s’était même renforcée à cause du titre de l’album, étrange, long, laid pour qui ne le comprend pas, et de la pochette sans saveur qui était bien loin des images des anciennes sorties qui incitaient au voyage et à l’introspection. Que tout le monde soit rassuré, Eisenslav a toujours tout en main et il n’a pas perdu le fil de son talent.
Il n’y a donc guère que l’emballage qui diffère de Scharzpfad. Et la durée des morceaux ! On est passé de 5 qui duraient entre 7:16 et 11:46 pour un total de 50 minutes à 8, comprises entre 3:55 et 5:26 et ne totalisant que 38 minutes. On a gagné trois titres, on a perdu 12 minutes… Mais cela ne change pas grand-chose au résultat. GinnungaGap GinnungaGaldr GinnungaKaos est bel et bien agressif, toujours empli de mélodies accrocheuses et seulement enrobé de touches folkloriques / pagan. Au final il est toujours aussi majestueux, offrant du plaisir en continu ! Un album magique.
Ceux qui ont adoré le précédent peuvent y aller les yeux fermés, mais je dois préciser quelque chose pour ceux qui n’auraient pas écouté KRODA depuis plus de 5 ans : le groupe n’est plus celui qui mettait ses instruments folkloriques et des ambiances pagan très en avant et de manière quasi-continue. Ce n’était pas un mal et les premiers albums restent des bijoux, mais l’époque a changé, le tour de la question a été fait et le groupe a muri. C’est pour cela que désormais il se contient plus. Il a compris l’efficacité que peut apporter la rareté. Il fait bien entendu appel à ses flûtes et percussions, mais de manière plus ponctuelle, avec une justesse certaine, un équilibre délicieux. Ne serait-ce que sur le premier titre, ce genre d’éléments intervienne à la troisième minute, là où les vieux titres en mettaient tout de suite. Il en résulte une sublimation. Le plaisir d’écouter un morceau mélodique se transforme en béatitude. Le titre porte alors bien son nom : « На крилах шторму », qui signifie « Sur les ailes de la tempête ». L’esprit de l’auditeur est emmené non seulement très loin, mais aussi très haut.
Et c’est un voyage similaire qui est proposé à chaque titre. Car c’est viral, chacun d’entre eux contient cette formule bien dosée de violence, principalement manifestée par des vocaux secs à la slave, de mélodies entêtantes à la guitare, et de parties pagan qui arrosent délicieusement le tout. Aucune lassitude ne se manifeste, tout d’abord parce que les titres sont courts, mais aussi parce que les instruments complémentaires apparaissent à des instants différents. Leur utilisation n’est plus téléphonée et l’on est à chaque fois surpris de les entendre soit sur un break, soit pour ouvrir ou fermer un morceau, soit encore pour soutenir discrètement un riff ou devenir acteur principal pour quelques secondes. Les vocaux aussi font l’effort de varier, et se transforment en voix claire à la MOLOTH / NITBERG sur deux titres «Чорні хребти Карпат » (Crêtes noires des Carpates) et « Нічного неба очі» (Yeux de Ciel Nocturne). La tension devient encore plus forte…
KRODA est un groupe qui est parti de l’envie de mêler ses traditions à du black metal et qui a réussi à maîtriser de plus en plus son art, sans tomber dans les excès de beaucoup de ces groupes qui finalement ne sont plus « pagan black metal » mais tout simplement « pagan metal folklorique ». C’est un maître dans son art, qui parvient à peaufiner sa musique, à proposer de nouvelles choses sans se répéter. Envoûtant.
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