Quatre années déjà que The Faceless avait envahi la toile de sa pochette typée « Transformers » pour son deuxième album
Planetary Duality. Sa tête pensante Michael Keene occupée par son boulot de producteur, avait mis un léger frein à la composition de la prochaine offrande (deux ans à peine ont séparé les deux premiers opus). Mais revoilà les géniteurs du « Sumeriancore » (deathcore technique mélodique) pour le tant attendu
Autotheism (à l’artwork magnifique) sous la promotion « tape à l’œil » de leur label. Retour marqué par un line-up presque entièrement remodelé, seuls restent à la barre le jeune batteur prodige Lyle Cooper et Michal Keene (guitare et chant). Le nouveau guitariste et grogneur ne nous parleront pas vraiment, on retiendra surtout l’arrivée d’Evan Brewer à la basse (ex-Animosity, ex-Reflux).
Autant vous le dire de suite,
Autotheism fera débat. The Faceless n’est plus vraiment le même (doux euphémisme) et il va falloir faire quelques efforts sous peine de jeter
Autotheism à la poubelle dès la première écoute… Après avoir défiés les grandes figures du death metal technique (Necrophagist et Spawn Of Possession entre autres), les Américains viennent attaquer de front les coqueluches du metal progressif moderne (Between The Buried And Me et Animals As Leaders parmi les prétendants). Pas tellement une surprise en soit, dès
Akeldama, la tête pensante Michael Keene avait pu exposer son appétence pour le metal progressif (Dream Theater et Cynic en groupes de chevet) ainsi que son chant clair (souvent « vocodé »). L’évolution vers une musique plus « subtile » et « atmosphérique » était dans un sens prévisible. Le virage abrupt, moins... Mieux ne vaut pas être allergique au chant clair de Keene. Il devient pour le coup dominant dans The Faceless (aucun titre n’y échappe) et ira carrément masquer les hurlements de la nouvelle recrue. Beaucoup d’entre vous auront les yeux sortis de leur orbite dès l’ouverture « Autotheist Movement I: Create » (façon néo FM ricain d’un Godsmack). La moue changera régulièrement, son spectre vocal est relativement large, chaque titre ayant presque une intonation de chant différente (une aversion pour « Emancipate » mais une nette préférence pour « In Solitude » par exemple). Bien trop inégal en somme… Une fois s’être arraché les cheveux sur les poussées de Keene, les progrès du bonhomme dans la composition se font clairement sentir. Epaulé de ses nouvelles recrues, The Faceless démontre cette fois une musique nettement plus fluide et riche. Les transitions paraissent plus naturelles et recherchées (défaut majeur passé). Quant aux arrangements (claviers, guitares, samples, effets…) sous une production toujours aussi massive, l’écoute au casque rendra compte du travail fourni. Impressionnant il l’est. Et ô joie, la durée de l’album dépasse enfin la demi-heure ! Les quatre années d’absence semblent a priori justifiées, comptez un nombre d’écoutes conséquent avant de bien pouvoir cerner l’album.
Après s’être accommodé (avec difficulté) du chant clair horripilant, la galette passe sans trop de soucis majeurs hormis quelques exceptions (les longueurs des trois mouvements ou de « Ten Billion Years »). Le death metal technique « burné » de
Planetary Duality n’est heureusement pas complètement gommé (grossièrement une balance 50 /50), éparpillé un peu partout voire sur des morceaux entiers ou presque (« The Eidolon Reality », premier titre teaser, le bref et frustrant « Hymn Of Sanity »). The Faceless n’a d’ailleurs plus rien de « core » n’en déplaise aux détracteurs. Malgré tout, ses réminiscences paraissent moins efficaces qu’à l’accoutumé (chutes de studio de 2008 ?). Aucun hit dans l’esprit d’un « An Autopsy » ou « Xenochrist » à se mettre sous la dent. Michael Keene calme ses ardeurs dans la violence dégagée mais aussi sa technique, nettement plus sobre ici (l’étiquette « technique » ne semble parfois plus appropriée). Le travail rythmique jouissif précédent demeure ici en demi-teinte, la batterie n’impressionne plus (Superior Drummer 2.0 ?). Concernant la basse, il suffit de jeter un coup d’œil sur les vidéos du monstrueux bassiste Evan Brewer pour comprendre que le musicien est sous-exploité ou masqué (mixage bancal)… Rageant. Quant aux grognements du nouvel hurleur, ils sont assez difficiles à juger vu le dictat de Keene. Le "flow" et la puissance restent cela dit dans la mouvance du précédent frontman (ponctués de quelques modulations), rien à redire.
Si l’on résume : un chant clair assez vilain, des compositions expérimentales poussées et un death technique moderne correct ? Oui en partie. Les touches progressives et leur arrière goût « synthétique » auront bien du mal à nous hérisser le moindre poil, ternes au possible... Difficilement pardonnable pour le style pratiqué. Et que dire de la personnalité des Californiens qui en prend encore un sacré coup ? Quels sont aujourd’hui les groupes réellement originaux me direz-vous ? Ici l’on dira que certains passages sont plus qu’imprégnés des influences de Keene. Les trois parties du titre éponyme (ouverture de l’album) vous feront faire un froncement de sourcil : l’introduction de « Create » (tout droit sorti de « The Mighty Masturbator » de The Devin Townsend Project, paroles comprises ! Merci Sputnik Music pour la référence), le break de « Emancipate » (3:22 sous perfusion de Between The Buried And Me), les délires d’un Mike Patton sur « Deconsecrate » (à 2:32)… Rien que ça. La suite est du même acabit. Ajoutez-y Opeth (« In Solitude » ou « Dirge In November » des Suédois) et d’autres groupes majeurs en metal progressif. Certains se sont déjà amusés à comparer certains passages sur YouTube (Extol en prend pour son grade).
Autotheism ou comment se donner envie de ressortir ses classiques…
Les adorateurs d’
Akeldama et
Planetary Duality réfractaires au chant clair (mais faites le taire !?) ainsi qu’au metal progressif, fuiront et insulteront (un tour sur leur page Facebook pour s’en convaincre) certainement The Faceless. « Quatre ans d’attente pour ça ? » Les Américains changent radicalement de leurs origines deathcore et death technique. Pied de nez à leur auditoire qui ne passera qu’à partir de plusieurs écoutes attentives pour bon nombre. C’est mon cas, certaines références utilisées par Michael Keene figurant parmi mes groupes favoris. Ecouté en boucle, un constat s’impose.
Autotheism (encore une excellente thématique) demeure carré au possible et possède quelques passages prenants dont Michael Keene à la recette, il reste même l’œuvre la plus aboutie du groupe à ce jour. Aboutie oui, mais cela ressemble d’avantage à une juxtaposition de riffs piochés un peu partout. Une personnalité quasi-inexistante mais surtout une émotion totalement imperméable, aspect intrinsèque au genre pratiqué (seul « In Solitude » arrive à caresser nos tympans). Le côté hermétique antérieur pouvait encore passer, cette fois beaucoup moins… La brutalité « contenue » ne changera pas la donne, l’album sera vite oublié. Une déception relative au final. Rien ne dit de la prochaine évolution de The Faceless, espérons juste que la suite soit plus marquante.
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