Disowning - Human Cattle
Chronique
Disowning Human Cattle
L’amitié franco-québécoise n’est pas une nouveauté tant les liens qui unissent notre pays à nos cousins canadiens sont toujours aussi solides malgré les années et la distance, et ce alors que contrairement à nous ils font tout ce qui est possible pour préserver leur français menacé par l’omniprésence des grands voisins anglophones. Si ceux-ci ont pris pour habitude de franciser au maximum leurs mots en lieu et place des anglicismes les plus divers (chose dont on ferait bien de s’inspirer ici), ils ne ferment néanmoins pas totalement la porte à la langue de Shakespeare. Car si ce nouveau projet est composé de membres exclusivement francophones ce sont bien les mots de nos voisins d’outre-manche qui ont été choisis ici, mis en voix par l’ancien growler d’OFFENDING (qui n’a rien perdu de sa puissance et de sa profondeur) qui est entouré pour l’occasion d’une section instrumentale particulièrement pointue et expérimentée. Evoluant dans un Death technique et affûté DISOWNING n’a pas perdu de temps pour enregistrer ce premier album de haute tenue qui va trouver sans peine sa place dans le catalogue qualitatif des nordistes de Xenokorp (où l’entité est désormais signée), et ainsi lui permettre de ne pas être noyé dans la masse de sorties actuelles. Si souvent les groupes ont tendance à confondre vitesse et précipitation afin d’être le plus productif possible, cela n’est pas le cas ici tant on sent l’expérience et le vécu musical de chacun des membres qui savent exactement comment jouer une musique accrocheuse et surtout redoutable de la première à la dernière seconde.
Car durant quarante minutes ceux-ci vont nous emmener dans un univers particulièrement sombre et suffocant où l’homogénéité est de mise, tant cet opus dégage une sensation de densité à toute épreuve qui ne faiblit jamais en toute circonstances, quel que soit le tempo employé. D’entrée avec l’excellent « Ghost Area » on s’aperçoit en effet que la bande est aussi à l’aise en mode tabassage intensif que dans celui plus lent et oppressant, où la noirceur se mêle à la furie environnante. Mélangeant ainsi les rythmiques elle nous sort toute sa palette de jeu sans cependant tomber dans le trop-plein de branlette de manche comme dans celui de la longueur excessive, car à l’instar des morceaux qui vont suivre cela ne va jamais s’éterniser. Cette idée globale se révèle être une très bonne chose car les mecs privilégient l’efficacité sans pour autant tomber dans la simplicité, et l’on remarque ici (comme pour la suite) que l’ensemble bien qu’étant ponctué par de nombreuses variations et cassures reste totalement cohérent et sans baisse de régime, misant ainsi sur la variété pour mieux marquer les esprits. En effet quand ils restent de cette zone d’équilibre les franco-canadiens font preuve à la fois d’un groove implacable (comme sur le monstrueux « Another Piece In My Collection ») où les longues plages s’imbriquent les unes dans les autres, et laissent de la place également pour respirer afin d’être encore plus consistantes. Ce rendu se fait également sur le tentaculaire « Intoxicated By This Illusion » où les deux extrémités se trouvent sur un même pied d’égalité, et renforcées par un tapis de double massif d’une précision chirurgicale qui densifie un peu plus un son déjà hyper pesant.
Si la première moitié de cette galette voyait une structure globale relativement semblable (qui se conclue par le très bon « Suffocated By My Walls » aux deux parties distinctes), la seconde quant à elle va monter encore en précision comme en brutalité, preuve en est avec le furibard « The Servants Of Chaos » moins immédiat que ses prédécesseurs, mais tout aussi prenant et intense. La technicité et le vécu de chacun des musiciens sont ici poussés plus loin qu’entendu jusque-là, vu que même si l’on réentend les mêmes éléments et la même construction ils se lâchent ici totalement sans pour autant tomber dans un gloubi-boulga indigeste et sans âme. Bien au contraire même s’il va falloir plus d’écoutes pour appréhender cette compo celle-ci n’en aura pas besoin de centaines pour être totalement décryptée et analysée correctement. Du coup pour ne pas risquer d’en faire trop les gars dès la plage suivante ont décidé de revenir à des fondamentaux bas du front avec « Inner Emptiness » en mode machine de guerre particulièrement épais, porté par un mid-tempo remuant et vigoureux parfait où de nouveau la palette d’expression est équilibrée dans tous les sens. Si cette facette radicale apparait encore sur l’ultra-court « Human Cattle » où la demi-mesure n’existe pas (ça frappe fort dans un sens et par-dessus ça lève sacrément le pied), la suite va être carrément composée des titres les plus longs de cette réalisation. Tout d’abord avec le bridé et pénétrant « Alone On This Dark Path » tout en ralentissements et accélérations, qui renforce le sentiment d’être pris dans un étau, à l’instar de la montagne russe intitulée « The Storm Before The Storm ». Avec son nom qui ne trompe pas sur le contenu on se retrouve balancé comme dans un grand huit entre moments de calme et d’autres plus énergiques, histoire de faire perdre à l’auditeur tous les repères qui lui restaient encore à ce moment-là.
Du coup on sortira physiquement fatigué de cette écoute tant l’énergie déployée est impressionnante et contagieuse, portée par des musiciens talentueux qui font le métier avec maîtrise tout en n’en faisant jamais trop (notamment sur les solos d’une fluidité impeccable). Sans faiblesses ni faute de goût ce long-format qui devrait facilement figurer dans les bilans de fin d’année est également une réussite intégrale et addictive de suite, qui se voit portée par une production certes moderne mais chaude et équilibrée, et au côté naturel appréciable. Une fois encore l’hexagone vient de voir naître un nouveau rejeton particulièrement inspiré et énervé, qui ne manquera pas de décrasser les oreilles pendant une bonne période et qu’on appréciera de réécouter régulièrement toujours avec grand plaisir, quand l’envie de se défouler et de se vider la tête pointera le bout de son nez, ce qui risque d’arriver souvent du coup !
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