Incontestablement
« An Abstract And Metaphysical Approach To Deceit » a marqué le début d’une nouvelle ère pour le quintet du Loiret, car cet EP aussi court soit-il avait dévoilé une musique plus mature et fluide qui ne demandait qu’à s’exprimer totalement sur un format plus long. Après avoir pris son temps pour la peaufiner complètement le moins que l’on puisse dire c’est que le combo est parfaitement parvenu à retranscrire ces excellentes choses à l’étape supérieure, sans que la durée ne soit un problème en soi. Pendant quasiment quarante minutes celui-ci va nous gratifier de compos puissantes et denses où la technique élevée n’exclut pas la brutalité, l’ensemble comprenant un certain côté direct et rentre-dedans qui n’est pas non plus oublié histoire de montrer les deux facettes du groupe, l’actuelle comme l’originelle. Et comme si cela n’est pas déjà suffisamment alléchant deux invités de marque (Warchangel de RITUALIZATION et Laurent Chambe, ex NEPHREN-KA) sont venus pousser la chansonnette et amener encore un peu plus de puissance à un disque qui n’en manque à aucun instant.
En tout cas dès les premières notes de « Lightless Perspectives » on s’aperçoit que la bande a repris les choses où elles en étaient restées sur sa dernière sortie en date, tout en ayant gagné encore en attractivité. En effet on y retrouve cette technicité redoutable des guitares à la précision chirurgicale qui se mêlent aux nombreuses cassures rythmiques, et d’où émergent un jeu de batterie impressionnant mêlant à la fois les blasts les plus énervés à des patterns lumineux et jazzy. Jouant ainsi le grand-écart entre violence débridée et parties lentes écrasantes (d’où ressortent des solos éclairés à la SOREPTION), cette ouverture mêle habilement le old-school au modernisme permettant ainsi un mélange des genres à l’intérêt certain et à la réussite indéniable. Car cet ensemble va donner le ton de la suite, vu qu’on va y retrouver ses mêmes éléments disséminés un peu partout sur les autres morceaux qui vont suivre. Si le label présente son poulain comme étant réservé aux fans de GOROD, CYNIC et BEYOND CREATION ça n’est pas un hasard, et si on ressentait l’influence de ces grands noms dès le départ ce sentiment va s’amplifier dès la plage suivante intitulée « Debris » où là-encore ça va jouer sur les extrémités. Si à première vue elle semble relativement accessible c’est pour finalement mieux tromper son monde, car si elle débute de façon sobre et rapide (donnant également envie de headbanguer) la suite va s’alourdir afin de proposer une vision plus Prog’ et barrée, mais où le son des origines est toujours actif. Si la technique est toujours mise en avant les gars n’en font pas des tonnes, vu que le tabassage le plus primaire côtoie un riffing remuant à souhait et à la pression constante, pour un résultat là-encore excellent.
D’ailleurs cela sera le cas sur toute la première moitié de cet opus qui va grimper en précision et variations au fur et à mesure, tout d’abord avec « Dissident Flesh » qui monte clairement d’un cran en matière de notes et cassures diverses, mettant de fait la violence de côté pour offrir quelquechose de plus grandiloquent, sans pour autant lâcher l’auditeur en cours de route. En effet celui-ci ne peut qu’être scotché par ce mélange des styles d’où émerge une certaine clarté et un rendu plus aérien, chose qui se confirme dès la suite (« Carbon Mantra ») plus difficile d’accès mais tout aussi tout prenante. A partir de cet instant il faut en effet tendre l’oreille un peu plus attentivement pour saisir toutes les subtilités qui se font entendre, car ici l’ensemble se montre à la fois relativement brut mais aussi subtil, porté par des plages éthérées et cotonneuses mêlées à un déluge de rage et de rapidité. Ce schéma basé sur la diversité va trouver son paroxysme sur le tentaculaire et pénétrant « Shapers Of The Inconsistent Horizon » qui va pendant six minutes dévoiler un visage halluciné, où toute la palette de jeu va être mise à l’honneur, sur tous les tempos possibles. Jouant ici la carte des longues plages instrumentales le tout se montre entrainant et particulièrement massif quel que soit l’entrain engagé, laissant ainsi le temps de se dévoiler en intégralité et de conclure en beauté la première partie de cette galette.
Car la seconde, bien que nettement plus courte, va aller privilégier l’efficacité aux passages alambiqués, d’ailleurs cela apparaît au grand jour avec l’instrumental « Ce Que Dit La Bouche De l’Ombre » aux plans nombreux et à la fluidité exemplaire, à l’instar de l’écriture qui s’écoule facilement comme c’est aussi le cas dans « Les Disciples De l’Omega ». Pas de quartier ni de concessions ici, on est en présence de quelquechose de remuant et bas du front porté par du mid-tempo remuant et parfait pour aller au combat dans la fosse, et d’où émerge quelques accélérations fugaces et énervées aux accents Punk affûtés. Si on est probablement en présence des moments les plus expéditifs et rentre-dedans jamais écrits par ses géniteurs, « Suffocating The Stars » reprend cette ambiance bas de plafond en rajoutant des instants plus lourds à ceux plus énergiques, ceux-ci ne cessant de se croiser et de s’entremêler. Servant de bouquet final à cet album cet ultime instant de bravoure montre (comme celui entendu en ouverture) tout le panel de jeu des musiciens qui maîtrisent leurs instruments à la perfection sans donner l’impression de forcer outre-mesure, afin d’offrir un mélange total de ce qu’ils savent faire de mieux (un démarrage où ça tabasse sec avant de doucement se densifier et s’alourdir).
Autant dire que la partie est largement gagnée et qu’avec ce « Omega Disciples » SLAVE ONE se place désormais parmi le peloton de tête de la nouvelle scène Death Française, et de son écurie Dolorem qui a toujours le nez creux. Evitant les pièges trop souvent récurrents dans ce genre casse-gueule la formation montre que l’expérience dans ce domaine est un vrai bonus, vu qu’elle arrive à équilibrer son propos sans tomber d’un côté ou de l’autre. Et même s’il est certain que quelques-uns pourront reprocher à cette sortie de partir dans tous les sens au détriment d’une certaine radicalité, ils seraient bien avisés d’écouter plus attentivement ce qui est proposé ici, vu que ça arrive à surprendre au fil des écoutes sans jamais lasser. Se découvrant de plus en plus au fil des écoutes (on y remarquera des notes et/ou transitions auquel on n’avait pas fait attention auparavant) elle va occuper l’auditeur pendant pas mal de temps en ce début d’année qui démarre fort pour le Metal national. Nul doute qu’en son sein les Montargois vont y contribuer en amenant leur pierre à l’édifice (et ce même si leur line-up a évolué depuis le passage en studio), via cette pépite espérée et qui est aujourd’hui réalité.
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