L'éternelle récurrence du manque d'inspiration chez moi ces derniers temps prend fin avec ce SA MEUTE. Ça fait quelques semaines que je cherche la clef pour en sortir et je viens de la trouver dans un
50 contre 1 sorti en novembre 2006 chez Stronghold Diaphora au format vinyl, objet merveilleusement bien chiadé et convenant parfaitement à l'aura que déverse ce groupe français sur les sept morceaux que constitue ce second album sorti deux ans après son prédécesseur
Hyperborée (2004). Un premier opus qui était déjà très réussi et prometteur, à l'image des phares du Pirée que sont « Werwolf Cry », « Le Bouclier et la Lance » ou encore « La loi de Poséidon », ces deux derniers étant ré-enregistrés ici avec un son plus à la hauteur de la classe qu'ils diffusent. Non pas que le son du précédent opus soit mauvais, loin de là, mais il est en tous points inférieur à celui qui martèle l'inconscient de l'auditeur dans ce nouveau sacrifice aux dieux. Ce son cristallin et soigné fait ressortir à merveille l'obscurité et le côté très mystique de ces athéniens du Sud de la France, région définitivement fort riche en opus de qualité, dans les années 1990 comme dans les années 2000 !
C'est d'ici qu'est sorti ce Black Metal dionysiaque, tout en largesse et en classe, inondant orgasmiquement chacun des pores de la peau de celui qui le prend pour argent comptant. Que ce soit par ses blasts beats ravageurs ou par ses interludes au tambour très ritualiste, le tempo change en permanence et ne rabat jamais l'intensité de la foudre du disque, pour peu que l'on prenne le temps de s'exposer à son châtiment. La première chose qui frappera le quidam écoutant cet opus, c'est cette voix des plus atypiques qui le porte tel un sophiste au sommet de sa forme, déversant des diatribes on ne peut plus intelligibles pour les oreilles ouvertes ! Cependant, c'est également cette voix si étrange qui constituera la première barrière à la musique des Français. Sans l'apprécier pleinement, on ne pourra pas réellement aimer ce groupe... authentique prise de risque que d'avoir choisi cette façon d'éructer de la sorte ces récits épiques et guerriers !
Passé cette étape délicate (avec laquelle j'ai moi-même eu beaucoup de mal à la découverte du groupe il y a quelques temps), la nébuleuse 6 cordes prend immédiatement possession de son trône. Ô mes aïeux, cette guitare au grain si juste fouette les pauvres êtres que nous sommes comme les bacchantes fouettent les femmes infécondes, déversant un torrent de riffs puissants, stimulants et rageurs ! Dès les premiers assauts de cet opus, commencé avec un « Croisade Invisible » des plus efficaces, la recette fonctionne à merveille, à l'image de cette alternance quasi constante entre passages rapides et ralentissements profonds. Que dire de la ravageuse montée en puissance sur « Zoolatrie », morceau résolument Doom ? Une preuve de plus que le groupe manie à la perfection les moments où le tempo s’affaisse pour laisser passer une intensité cérémoniale unique. Ikea va certes vouloir ma peau et me traquer jusqu'à ma mort, mais l'insupportable adjectif « pachydermique » s'applique particulièrement bien à ce morceau ; je gage que vous comprendrez mon trait d'esprit si vous prenez la peine de l'écouter jusqu'au bout. Arpèges alambiqués mais affolants de facilité, tremolos contemplatifs et glacialement mélancoliques, la composition est ici à se damner !
La section rythmique n'est pas en reste, à l'image de la batterie qui arrose de son fiel les riffs tragiques et poignants de cet album via une caisse claire ultra claquante et qui instaure tyranniquement des coups de boutoirs martiaux avec l'usage salvateur du tambour, imprimant sa marque à chacune de ses interventions et transcendant cette foi recherchée par tant de groupe et atteinte avec génie ici. De même, une basse ronde et ultra léchée se laisse entendre à chaque instant de
50 contre 1 comme on peut l'entendre à merveille sur le début de « Blondes Valkyries » où sa pesanteur terrible accompagne avec grandeur une guitare ultra inspirée ou encore sur « La Loi de Poséidon » dans lequel ces scansions asservissantes portent ce morceau vers la dimension divine qu'il recherche. Elle transporte d'ailleurs régulièrement un riff vers un autre et introduit à merveille des morceaux comme « Croisade Invisible » ou « 50 contre 1 » : l'instrument est donc très bien mis en valeur, et ce en permanence à bon escient avec un équilibre plus que louable. De même, sur les passages plus lents (Doom ? ouais on s'en branle), il lui arrive de conduire pleinement la rythmique, comme sur « Zoolatrie » ou sur les passages centraux et final de « L'Éternelle Récurrence » où ses longues notes fascineront l'amoureux des sonorités graves.
« Que le souvenir de l'âge d'or nous tourmente encore.... ». Comme vous l'aurez remarqué dès le début de la chronique si vous connaissiez déjà un peu le groupe avant de la lire, les paroles en français sont tout autant obsédantes, jouissives et classieuses que ces riffs bien français eux aussi pour le beumeux francophile que je suis... d'autant plus qu'elles sont parfaitement intelligibles !
50 contre 1 comporte, et c'est une de ses innombrables qualités, de nombreuses références à l'histoire et la mythologie grecques, notamment athénienne (avec la forte présence d'Athéna ou de Poséidon par exemple, s'étant disputé la cité lors de sa fondation) comme le morceau éponyme m'évoquant par exemple une bataille navale antique, avec tout ce côté tragique et cette noblesse guerrière que ces événements permettent de diffuser... que c'est pertinent ! Si peu cliché et tellement rare... Ce morceau chante ce qui ressemble au désastre de Syracuse, qui a vu toute la flotte athénienne partir en fumée durant une défaite sur les côtes de Sicile qui marque la fin de leur hégémonie méditerranéenne environ 400 ans avant la naissance de la Peste. On verra aussi une belle référence aux hoplites (infanterie athénienne) dans « Le Bouclier et la lance », morceau très médiéval dans son approche musicale mais très panhellénique dans ses paroles (
« cette guerre intestine aura-t-elle une trève ? ») : encore une référence à la guerre du Péloponnèse ?)... on frise vraiment l'excellence une fois de plus, même si ce morceau comporte quelques longueurs et que son final est un poil décevant par rapport à son ensemble toutefois très réussi (faut bien que je trouve de quoi le critiquer ce disque bordel de merde! Mais je ronge mon os comme le rat ronge les ongle de pieds des galériens).
SA MEUTE l'a compris, il y a autant d'émotions à chercher dans
L'Iliade, Hérodote et Thucydide que dans les sources habituelles inspirant les suppôts du Black Metal. Toutes ces références historiques et mythologiques sculptent un sanctuaire païen épuré, ravagé, habité de toutes parts par cette voix fantomatique et dérangeante augmentant encore cette ambiance occute planant au-dessus de ces chants olympiens. Bien sûr, elle pourra gâcher l'écoute du disque à certains réfractaires qui seront purement et simplement choqués par cette voix d'orateur instable, changeante, très proche de la folie, réalisant le coup de force d'être interrogative lorsque c'est nécessaire (
« A-t-on du sang de géant dans les veines ? »), ou encore affirmative et véhémente lorsqu'il le faut (
« Je crois en Odin dans le sang que je porte ! » ;
« Je porte le bouclier et la lance ! ») mais surtout n'obéissant jamais aux codes traditionnels qui fondent le style et c'est ce qui constitue, à mon sens, une partie de la réussite de SA MEUTE. Cette voix incomparable a tellement de nuances et de cordes à son arc, bon sang de bois !
« Personne ne peut avoir de prise sur nous qui n’obéissons pas même à nos dieux ! » : au milieu du morceau éponyme, le vocaliste se fait ici colporteur de tragédie et on y croit à fond ! Quelques instants plus tard, son organe se retrouve, encore changée, sur un passage efficace au possible... Bon, tout de même, si j'étais réellement professionnel et intègre, je m'attarderais davantage sur les quelques longueurs que compte cet opus ayant gagné sa place dans les meilleurs albums de Black Metal français pour moi... mais il n'en sera rien : cette pute de clef s'est transformée en boue avant que je change de niveau, j'ai perdu la partie, je suis la risée des corbeaux.
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