Bien que Fog et Khaosgott se soient dissociés d’Amertume depuis déjà un long moment, il est marrant de constater à quel point leurs groupes restent liés ne serait-ce que par les hasards du calendrier. Souvenez-vous, quelques semaines après la sortie de
Solarité de Nécropole, Cénotaphe nous revenait avec un nouveau EP, le très chouette
Empyrée. Et bien rebelote aujourd'hui puisque moins d’un mois seulement après la sortie de
Monte Verità, premier album de Cénotaphe, c’est au tour d’Amertume de succéder à ses anciens camarades avec la sortie du deuxième album de Caverne dont Sagamore vous parlera très bientôt. Autant vous dire que nous sommes donc plutôt gâtés en matière de Black Metal hexagonal en ce début d’année même si au moment de compter les points l’avantage semble être du côté de Cénotaphe.
Sorti début février via Ossuaire Records (et ce mois-ci en LP via Nuclear War Now! Productions),
Monte Verità est évidemment une sortie que beaucoup attendaient. Il faut dire que le groupe a dès le départ su s’élever dans les hautes sphères du Black Metal avec des sorties particulièrement remarquables, qu’il s’agisse de démo, de split ou de EP. Et si sur
La Larve Exulte, Cénotaphe marchait encore de façon assez flagrante dans les pas de Nécropole, les choses ont néanmoins quelque peu changé une fois la séparation bel et bien actée (si Fog a quitté Nécropole en 2015, Khaosgott n’en est parti que deux ans plus tard). Libéré ainsi de l’influence d’Amertume, le duo que forme Cénotaphe a su trouver sa voie. Bien entendu, le lien de parenté reste encore aujourd'hui assez évident (ne serait-ce qu’à travers le chant de Khaosgott) mais il est clair que le groupe a su tracer sa propre route, gagnant autant en stature qu’en personnalité à l’issu de chaque nouvelle offrande.
Fidèle à son image d’esthète, Cénotaphe est une fois de plus allé piocher dans les œuvres du passé afin d’illustrer ce premier album. Pour l’occasion, le duo a souhaité mettre en avant le travail du peintre Tchèque František Kupka avec un autoportrait intitulé "Meditation" faisant référence à la célèbre Table d’émeraude d’Hermès Trismégiste et cette formule où "Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas". En feuilletant les quelques pages du livret illustré par Karl Wilhelm Diefenbach, on apprend également que la musique a été composée et enregistrée par Fog au printemps 2018, les paroles écrites durant l’été 2019 et l’album finalisé dans la foulé au Caveau. D'ailleurs cette production est probablement la plus aboutie, donnant aux compositions de Cénotaphe une envergure bien plus large qu’auparavant (notamment la batterie et la basse qui, toutes les deux, ont gagné en rondeurs).
L’erreur la plus évidente que l’on pourrait faire à l’écoute de ce premier album serait de considérer
Monte Verità comme une simple suite à
Empyrée. Si "Myosis", titre d’ouverture, pourrait donner raison à cette assertion ne serait-ce qu’à travers ces samples astraux et vaporeux servant d’introduction, "Aux Cieux Antérieurs" vient dans la foulée lui tordre le cou avec l’arrivée à 2:13 d’un chant clair (à attribué à Fog), déclamatoire et fédérateur (chair de poule assurée) que je n’avais pas vu venir malgré les appétences plus mélodiques déjà cultivées brièvement par le groupe sur ses précédentes réalisations. Un exercice qui amène indiscutablement une saveur toute particulière à ce morceau (et à l’album) et qui d’ailleurs sera réitéré plus tard, de manière furtive sur "L'Œuf De Mammon" et "Monte Verità" avec ces chœurs solennels discrets puis d’une façon bien plus éloquente sur le titre "De Mon Promontoire Astral" (dès les premières secondes du morceau puis lors de cette séquence puissante entamée à 3:22).
Si les deux hommes peuvent donc être salués pour leurs performances vocales particulièrement inspirées et inspirantes (qui n’a pas envie de lever le poing et de redresser le menton à l’écoute de "Aux Cieux Antérieurs" ?), n’oublions pas ce cher Fog qui derrière chaque instrument assure une fois encore un boulot monstre en signant à sa manière une partie de l’identité de Cénotaphe. On va donc naturellement retrouver tout ce qui faisait déjà le sel de la formation par le passé comme ces accélérations quasi-continues et pour le moins soutenues (du blast particulièrement haletant qui insuffle une réelle dynamique à l’album en dépit de compositions assez longues), ces quelques ralentissements épiques et poignants grâce auxquels le groupe va être capable de nuancer son propos et enrichir ses atmosphères (celui de "Aux Cieux Antérieurs" entamé à 2:13, sur "L'Œuf De Mammon" à 0:27, le pont sur la première moitié de "De Mon Promontoire Astral" ou cette seconde partie incroyable...) et bien entendu ces riffs divins sur lesquels se mêlent divers sentiments romantiques, héroïques, épiques, mélancoliques... ("Myosis" à 1:05, les premières mesures de l’excellent "Aux Cieux Antérieurs" et "Intolérante Thébaide", le superbe "Ne M’Oubliez", "Emersion" et sa mélodie enivrante rappelant celle du titre "Like Some Snow-White Marble Eye" de Summoning...). Et puis il y a bien sûr ce chant habité et sincère qui, au-delà de ce qui a déjà été évoqué dans le paragraphe précédent, porte en lui cette passion ardente, ces émotions intenses et passionnées, cette vérité brûlante... Oui, Cénotaphe vous retournera les tripes et vous fera verser votre larme, soyez-en sûrs et certains.
Si nous ne sommes encore qu’au mois de mars, nous tenons-là néanmoins un sérieux prétendant au statut d’album de l’année. Car une chose est sûre, si Cénotaphe a su parfaitement capitaliser sur ce qui a fait jusque-là sa renommée, il a également été capable de prendre quelques risques histoire d’être là où on ne l’attendait pas forcément, renforçant au passage son identité sonore et visuelle trop souvent et trop rapidement comparées à celle de Nécropole. Le résultat est un premier album extrêmement convaincant qui, s’il séduit sans mal dès les premières écoutes, tend cependant à se bonifier au fil du temps. C’est donc assurément avec l’art et la manière que Cénotaphe s’acquitte de cette lourde tâche que constitue l’étape du "premier album". Le duo aurait pu se contenter d’appliquer sa formule sans chercher à en changer quoi que ce soit. Il a pourtant choisi de briller en s’exposant et en se mettant quelque peu en danger. Pari osé mais franchement réussi qui ne devrait pas manquer de propulser encore davantage la carrière de Cénotaphe.
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