Tyranni - Baron Af Avoghetens Smärta
Chronique
Tyranni Baron Af Avoghetens Smärta
Je crois qu’il va falloir réfléchir à la question d’embaucher un chroniqueur dédié à l’oeuvre du Suédois Swartadauþuz car malgré toute notre bonne volonté, il devient extrêmement compliqué de suivre la totalité de ses projets et de ces sorties qui s’enchaînent à un train d’enfer... Après Bekëth Nexëhmü, Gardsghastr, Greve et Muvitium (pour ceux dont a parlé ici car il en reste encore une tripotée qui pourtant mériteraient que l’on s’y intéresse), notre homme est aujourd’hui de retour avec Tyranni, un groupe qui a sorti l’année dernière chez New Era Productions une démo trois titres ainsi que ce premier album intitulés tous les deux Baron Af Avoghetens Smärta.
Si Swartadauþuz s’est autorisé par le passé quelques digressions Death ou Black/Death avec des groupes tels que Demonomantic ou Musmahhu, Tyranni reste sans trop de surprise (et oui, merci l’artwork) encré dans ce Black Metal rétrograde qui a fait la renommé du Suédois. Alors naturellement on peut légitimement se demander quelle est la pertinence de multiplier ainsi les projets et si finalement notre homme, à force de s’éparpiller de la sorte, ne va pas finir par se prendre les pieds dans le tapis et nous sortir pour une fois quelque chose de médiocre ou pire de complètement raté. Et bien comme toujours, la réponse est non. Certes, la musique de Swartadauþuz se destine à ceux qui aiment les choses poussiéreuses, figées dans le temps et aux ambiances particulièrement prononcées mais si c’est le cas, alors vous serez probablement une fois encore sous le charme de ce Black Metal d’un autre âge.
Pour mener à bien cette nouvelle aventure, Swartadauþuz aka Svartpest ici sur le papier est accompagné par deux autres musiciens, Förbannelse et Likaska. Ce dernier étant très probablement ce même Lik que l’on retrouve derrière le micro chez Greve et certaines sorties de Bekëth Nexëhmü. Flirtant avec les cinquante-cinq minutes, on va retrouver sur ce premier album les trois titres de la démo du même nom auxquels vont venir s’ajouter six nouvelles compositions.
Attaché comme on l’a vu à une certaine idée de ce que doit être le Black Metal (de la production aux visuels en passant bien évidemment par ces constructions alliant agressivité et mélodie), la musique de Tyranni ne diffère pas énormément de ce que Swartadauþuz a pu déjà produire par le passé. À la manière de ce que l’on peut trouver chez Bekëth Nexëhmü, le Suédois propose par exemple ici plusieurs pistes atmosphériques ("Bespottande Akommor", "Avoghetens Baron", "Dödens Hand" et "Vredgande Leda") qui en plus de faire office d’introduction et de conclusion pour deux d’entre elles vont permettre de nourrir ces atmosphères boisées, nocturnes et mystérieuses qu’entretien le trio tout au long de cette heure de jeu. Rassurez-vous, ces séquences sont toutes de courtes durées (pas plus de trois minutes) et n’entament ni la dynamique de l’album ni son homogénéité. De la même manière le Black Metal des Suédois reste, en dépit d’une cadence souvent soutenue, largement porté sur l’aspect mélodique de ses compositions. Le clavier tient donc là encore un rôle particulièrement important dans la construction de ces ambiances tantôt religieuses (ce clavecin médiéval ou cet orgue de messe infernal) tantôt oniriques (ces voix fantomatiques et lointaines) et tantôt menaçantes (ce tonnerre que l’on entend gronder à plusieurs reprises tout au long de l’album) dont se drapent Baron Af Avoghetens Smärta. Un clavier systématique et omniprésent et qui pourtant n’est jamais subi ni excessif sans son utilisation.
Comme on l’a déjà évoqué, Tyranni mène sa barque à un rythme plutôt soutenu, les blasts aliénants et autres trémolos froids et faméliques constituant effectivement l’essentiel de ces compositions lugubres menées pied au plancher. Pour autant, outre ces interludes instrumentaux que sont "Avoghetens Baron" et "Dödens Hand" qui par nature viennent rompre avec la dynamique des titres entre lesquels ils s’intercalent, on trouve également de nombreuses séquences sur lesquelles les Suédois se plaisent à ralentir la cadence, évitant ainsi une certaine forme de redondance. Des moments crépusculaires desquels se dégagent bien souvent une impression de mystère particulièrement renforcée (l’apport du clavier n’y est définitivement pas étranger). On appréciera également les efforts fait sur le chant afin d’apporter là encore un soupçon de variété à l’ensemble. Si cette voix noire et écorchée typique de ce que l’on trouve dans le genre tient ici le haut du pavé, le chanteur de Tyranni n’hésite pas à changer parfois de registre (les conclusions en mode "spoken word" de "I Besvärjelsens Namn", "Förbannelsens Snara" et "Kittel Af Tyranni", cette voix saturée et bestiale que l’on va retrouver sur "Avoghetens Baron", "Förbannelsens Snara" à 5:04, "Smutsets Valnad" à 3:12, "Odöpt I Ondsinthet" à 2:04 ou "Vredgande Leda") là encore pour mieux varier les plaisirs et au passage renforcer la ferveur ou l’angoisse qui se dégagent de certaines séquences.
Par un ensemble de détails ayant tous leur importance (la force ce ces claviers, la place de ces atmosphères, ces changements de rythmes parfaitement calculés, ce travail mélodique important, ces quelques voix aux tessitures différentes), Swartadauþuz réussit une fois de plus à tirer son épingle du jeu et surtout à ne pas se répéter. Que vous piochez dans chacun des groupes dans lesquels le Suédois est impliqué et vous trouverez toujours quelque chose de différent à vous mettre sous la dent. Certes, on ne parle pas ici de différence flagrantes mais de différences suffisamment évidentes pour en tout cas éviter la redite. Avec Tyranni et ce Baron Af Avoghetens Smärta, Swartadauþuz vient faire les yeux doux aux amateurs de Black Metal typique des années 90, quelque part entre Emperor, Satyricon, Odium, Limbonic Art, Obtained Enslavement et compagnie, le tout dans un respect des traditions et avec une patte qui n’appartient qu’à lui. On s’épuise à vous le dire, à vous le redire et à vous le reredire mais passer sciemment à côté des créations du Suédois serait aujourd’hui une erreur si on se dit amateur de Black Metal.
| AxGxB 27 Octobre 2020 - 1387 lectures |
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