Si l’activité de Cénotaphe semble particulièrement chargée ces dernières semaines c’est en grande partie à cause de Kuunpalvelus Records et de sa gestion quelque peu hasardeuse de son calendrier de sorties. Annoncé par le label sur le forum de NWN en septembre 2017, il aura fallu attendre un an avant de voir arriver
Horizons sur nos étagères. Un lapse de temps particulièrement long durant lequel Cénotaphe va évidemment continuer de composer quitte à ce que se bouscule aujourd’hui les sorties (un EP, un split en compagnie de Circle Of Ouroborus à paraître dans les prochains jours chez Final Agony Records et la sortie début 2019 d’un premier album intitulé
Empyrée via Nuclear War Now!).
Après Alfons Mucha, Cénotaphe est allé piocher dans les travaux d’un autre peintre du 19ème siècle, le Belge Jean Delville connu par les amateurs de Death Metal pour cette fabuleuse peinture ayant servi d’illustration à l’album
Blessed Are The Sick de Morbid Angel. Beaucoup plus lumineuse et emprunt d’un certain mystère, il s’en dégage un puissant romantisme que l’on ne trouvait pas spécialement dans l’oeuvre plus obscure et pessimiste du Tchèque. Cette femme quasi nue, suspendue dans les airs dans un mouvement d’extase (l’oeuvre s’intitule d’ailleurs "Extase mystique, du corps vers l’esprit") avec en arrière plan ce soleil rougeoyant collent à mon avis bien davantage avec ce que le groupe a à nous offrir aujourd’hui.
Pourtant, les morceaux qui composent
Horizons ne sont pas si différents de ceux que l’on trouve sur
La Larve Exulte, première démo prometteuse de Cénotaphe. D’ailleurs les Normands n’ont rien changé de leur formule, renouant sans grande surprise avec ce Black Metal racé et épique qui les caractérisait jusque-là. La seule véritable différence ici semble le soin tout particulier apporté aux mélodies et surtout à l’impact de ces dernières sur les compositions du groupe. Évidemment, Cénotaphe n’est pas parti ici d’une feuille blanche puisque
La Larve Exulte possédait déjà quelques coups d’éclats bien sentis comme sur "L'Hydre Aux Mille Visages" et "Tel Est Mon Chant". Néanmoins, ce n’est rien en comparaison de ce que l’on peut trouver sur
Horizons, bien plus abouti en la matière. On savait Fog (ou Brume) déjà particulièrement à l’aise avec l’exercice (outre ses participations au sein de Caverne et Nécropole, celui-ci compte également un nombre conséquent de projets menés plus ou moins en solo) mais le résultat est ici encore plus mémorable qu’il ne l’était sur
La Larve Exulte. Comment ne pas avoir envie de brandir son poing ou comment ne pas se laisser happer par les mélodies fières et bouleversantes de "Ce Qui Souffre, Ce Qui Suinte", par les premières mesures entêtantes de "Bourreaux Et Suppliciés" ou bien encore par celles pleines de rancœur d’"Entre Quatre Cierges De Cire Et De Sang" ? Un amour pour les mélodies amers, épiques et romantiques qui nourrit un Black Metal aux références évidentes (Seigneur Voland et une partie de la scène finlandaise en tête) et pourtant si unique.
Car ne vous y trompez pas, en dépit de ces quelques parallèles que chacun choisira de tracer ou non, Cénotaphe reste un groupe relativement à part dans le paysage hexagonal. Outre l’excellent travail effectué ici sur les mélodies (encore une fois, c’est très certainement ce qui rend chaque morceau aussi mémorable et finalement ce groupe assez unique), impossible de ne pas évoquer l’importance du chant écorché et lointain de Khaosgott dans la construction de cette identité. Alors que les mélodies apportent avec elles un certain romantisme désabusé typiquement français ainsi qu’un côté épique et va-t-en-guerre, la voix pleine d’amertume et de désespoir va très justement sublimer ces mêmes mélodies et nourrir à sa manière cette noirceur, ce ver immonde, sur lequel Cénotaphe s’est construit tout entier. Mené la rage au ventre et le cœur vaillant,
Horizons pue la sincérité à plein nez. Le groupe y livre ses tripes à travers une musique sans artifice, les quelques samples et autres arrangement n’étant là qu’à des fins immersives. Un Black Metal redoutable et authentique mené de front par deux musiciens travaillant ici en véritable symbiose afin d’accoucher de quelque chose qui n’appartient qu’à eux et à eux seuls.
Un véritable cran au-dessus de
La Larve Exulte,
Horizons devrait rallier à sa cause tous ceux qui trouvait jusque-là en Cénotaphe un succédané valable mais évidemment moins concluant qu’un certain Nécropole. Et si je ne puis mesurer la qualité des sorties à venir en dépit de quelques extraits dispensés ici et là, je ne pense pas trop me tromper en affirmant que le groupe risque très probablement d’égaler voir même de supplanter ce projet d’Amertume qui nous a pourtant livré cette année l’un des meilleurs albums français dans le genre. Vivement la suite qui ne saurait tarder.
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