Cénotaphe a toujours accordé énormément d’importance aux illustrations qui accompagnent ses sorties. Mais plutôt que de collaborer avec des artistes contemporains évoluant de près ou de loin dans nos sphères de prédilections, le duo normand a toujours eu à cœur d’exposer et de mettre en avant les travaux de peintres issus d’époques plus ou moins lointaines. Outre l’idée plutôt évidente de coller explicitement aux thématiques de chaque nouvelle parution, ce choix trouve sens également dans ces parallèles qui existent entre les émotions qu’exprime la musique des deux Français et celles transmises à travers ces différentes peintures. Ne ressentez-vous pas à l’écoute du Black Metal de Cénotaphe les mêmes sentiments (un mélange de mélancolie, de nostalgie et de romantisme) que ceux éprouvés à la vision de ces illustrations d’un autre temps et pourtant intemporelles ? Probablement que si...
Fidèles à ce modus operandi, Fog et Kaosgott sont partis cette fois-ci en Italie afin de piocher dans les travaux du peintre Giovanni Segantini. Ces derniers ont porté leur intérêt sur
"Le cattive madri" ou
"Les mauvaises mères", une peinture de 1894 inspirée d’un poème du XIIème siècle lui-même basé sur une vieille légende Bouddhiste. Il y est question de femmes incapables d’aimer leurs propres progénitures et dont la seule rédemption passera par une longue période de souffrance... Bien entendu, ce n’est pas le seul emprunt effectué par les deux Français puisque l’on trouve à l’intérieur du livret d’autres illustrations de choix signées là encore Giovanni Segantini (
"La punition de la luxure") mais aussi Luc-Olivier Merson (
"Pan et la chimère") et Giovanni Battista Franco (
"Tête de chimère"). De fait, l’univers de Cénotaphe ne se limite pas qu’à sa seule musique mais aussi à ce travail de recherche picturale qui, seulement si on prend le temps de s’y attarder, permet souvent de mieux saisir ce qui anime le duo.
Paru chez Ossuaire Records, Ancien Culte, Deathrash Armageddon et Nuclear War Now! Productions, ce nouvel album intitulé
Chimères marche sans trop de surprise dans les pas de son prédécesseur sans rien changer de cette formule qui depuis pas loin d’une dizaine d’années n’a jamais manqué de faire ses preuves. Pour autant, ce deuxième album n’est pas une copie à l’identique de l’excellent
Monte Verità puisqu’il s’en distingue surtout par un choix de production bien différent. En effet, bien qu’elle ne m’ait jamais posé de problème, c’est après l’écoute de ces sept nouvelles compositions que l’on prend véritablement conscience de ses petites "imperfections". Sur
Chimères l’approche se veut beaucoup plus organique avec un son à la fois bien plus massif, équilibré et dynamique. C’est flagrant, notamment du côté de cette basse désormais plus nette et plus franche dont on prend plaisir à apprécier les rondeurs. De manière plus générale, ce deuxième album a tout simplement gagné en explosivité, en lisibilité et donc en impact tout en réussissant à conserver le caractère particulièrement abrasif et naturel qui définit au moins en partie l’identité de Cénotaphe.
Passée la surprise de cette production, on retrouve sur
Chimères tout ce qui jusque-là a fait le charme du Black Metal de Cénotaphe. Une musique épique, enlevée et mélodique qui parvient toujours à vous donner la chair de poule. Aussi, malgré le temps qui passe, les deux Français continuent d’aborder les choses avec toujours autant d’énergie et de conviction. Une intensité de tous les instants ou presque caractérisée à l’instar des sorties précédentes par de longues cavalcades qui voient Fog cravacher à en perdre haleine ("Sempiternel Retour" à 1:40, "Titans" dès 0:06 , "Nitescence" à 2:42, "Sous Les Fourches Manichéennes" à 0:02 et ainsi de suite...). Si le Black Metal de Cénotaphe est donc mené pour l’essentiel à vive allure, le duo n’est évidemment pas sans chercher à apporter toujours un petit peu de contraste. Comme à son habitude, celui-ci le fait de manière subtile et particulièrement brillante comme en atteste l’excellent "Nitescence" qui, s’il permet au groupe de lever le pied et d’offrir effectivement un peu de relief (en tout cas sur sa première partie avec d’ailleurs cette basse absolument délicieuse), nous embarque également par ses mélodies romantiques et mélodiques touchées par la grâce. Des instants comme celui-ci il y en d’autres comme par exemple sur "Titans" à 3:19, "Sous Les Fourches Manichéennes" à 0:49, "LÎle De Rien" à 3:59 ou "Dans La Poix Des Barathres" à 3:12. Autre atout mélodique indiscutable, ces claviers qui à l’image de cette basse bénéficient eux-aussi de ce choix de production. Ces diverses nappes synthétiques, sans affirmer qu’elles sont désormais en plus grand nombre, se font en tout cas davantage entendre, aussi bien lorsqu’elles sont utilisées en guise d’introductions ou de conclusions ("Sempiternel Retour", "Le Carnage Des Chimères", "L'île De Rien") que lorsqu’elles servent plus simplement à habiller certaines séquences ("Nitescence" à 1:26 et 2:54, "Le Carnage Des Chimères" à 1:37, "L'île De Rien" à 4:34). Enfin, et même si je l’ai déjà rabâché à plusieurs reprises auparavant, la musique de Cénotaphe n’aurait probablement pas tout à fait le même cachet sans la voix écorchée de Kaosgott. Un chant à fleur de peau qui combiné à ces mélodies gorgées de nostalgie et de mélancolie (épaulé en quelques occasions par un chant clair incantatoire du meilleur effet) renforcent le côté émotionnel de ce Black Metal toujours aussi sincère et dépouillé.
Auteur d’une discographie quasi-parfaite, Cénotaphe poursuit avec
Chimères sa route vers l’excellence. Certes, après dix ans de carrière, certains auditeurs trouveront peut-être qu’une certaine forme de répétition s’est installée chez nos deux Français mais la vérité est que ce deuxième album est probablement aujourd’hui la sortie la plus aboutie de Cénotaphe. Soutenues par une production impeccable qui possède l’élégance de ne jamais se faire véritablement remarquer tout en offrant néanmoins à la basse la possibilité de s’exprimer enfin correctement, ces sept nouvelles compositions concentrent tout ce que l’on aime dans le Black Metal des deux Normands. Épique, mélancolique, romantique, nostalgique... Autant d’adjectifs qui qualifient en effet tour à tour ou en collaboration ces compositions définitivement plus variées et ultra accrocheuses que le sous-entend cette étiquette "Black Metal" qui leur est accolée.
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