Ce n’était vraisemblablement qu’une question de temps avant que certains labels à la renommée plus large ne portent leur dévolu sur le cas de Cénotaphe. Après trois sorties d'envergure identique (démo, EP et split) parues chez Kuunpalvelus et Final Agony Records, le duo français a récidivé en janvier dernier avec la sortie d'un nouveau EP sur le célèbre label californien de Yosuke Konishi, Nuclear War Now! Productions. Une exposition forcément plus large qui devrait permettre au groupe de toucher davantage de monde grâce en premier lieu à un réseau de distribution beaucoup plus étendu et mieux développé.
Particulièrement attendu par tous ceux encore sous le charme des précédentes réalisations du groupe, ce EP intitulé
Empyrée (en référence à ce lieu dans le ciel où vivent les Dieux) s’est vu récemment gratifié d’un tirage CD suite à la résurrection du label Ancien Culte qui n’avait plus donné signe de vie depuis 2008. Un retour aux affaires providentiel qui sera également marqué par la sortie prochaine d’une compilation réunissant les titres du EP
Horizons et ceux du split en compagnie des Finlandais de Circle Of Ouroborus. En espérant qu’il en soit de même pour
La Larve Exulte…
Afin d’illustrer ce nouveau EP, Cénotaphe à fait le choix d’une œuvre réalisée cette fois-ci par un peintre polonais du nom de Jacek Malczewski. Inspirée par l’un de ses séjours à Rogalin dans le palais du comte Edward Raczyński, cette œuvre symbolique de la fin du 19ème siècle évoque par une représentation figurative l’émancipation de la Pologne portée par son peuple après des siècles de conflits avec la Russie, l’Autriche, l’Allemagne, la France ou la Turquie. S’il n’existe pas à ma connaissance de lien entre le thème de cette œuvre d’art et les paroles de Cénotaphe, les sentiments qu’elle évoque au premier regard restent néanmoins extrêmement proches de ceux éprouvés devant les œuvres de Mucha, Redon et Delville ainsi qu’à l’écoute de la musique du duo normand : romantisme, amertume, nostalgie, mélancolie…
Malgré cette mise en bouche visuelle particulièrement alléchante, je dois néanmoins avouer que mon enthousiasme a été une fois de plus mis à mal lors de mes premières écoutes, reléguant à nouveau cette sortie au second plan durant quelques semaines malgré des qualités absolument évidentes. En effet, à l’image des titres figurant sur le split en compagnie de Circle Of Ouroborus, j’ai malgré tout le sentiment que Cénotaphe à un petit peu perdu de sa superbe. Un constat posé suite à l’absence de ces mélodies flamboyantes ou pour être plus juste, à un degré de flamboyance moins élevé et moins immédiat qui faisaient assurément le charme de
La Larve Exulte et surtout
Horizons. Car si Cénotaphe continue d’être ce groupe remarquable qu’il a toujours été, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas voir qu’il manque des mélodies de la stature d’un "Ce Qui Souffre, Ce Qui Suinte", "Bourreaux Et Suppliciés" ou "Entre Quatre Cierges De Cire Et De Sang". Et c’est vraiment dommage car si cela ne m’empêche pas d’apprécier le Black Metal de la formation pour autant, je trouve que ce manque d’intensité épique rend chaque écoute un poil moins glorieuse que par le passé.
Une fois digéré cette état de fait, on se trouve finalement dans de bien meilleures dispositions pour tenter d’apprécier à sa juste valeur ce EP rondement mené. Bah oui, car encore une fois Cénotaphe fait preuve ici d’un grand talent en termes de composition avec des titres toujours aussi redoutables et touchants qui, même avec des mélodies moins immédiates, réussissent cependant à vous hérisser le poil et à réveiller chez l’auditeur une certaine fierté cruelle et tragique et l’envie de porter sa main sur son cœur. Car ne vous y trompez pas, on pourra bien regretter un léger manque de flamboyance et d’intensité héroïque ici ou là, il faut tout de même reconnaître au groupe qu’il n’est pas pour autant avare en moments de bravoures. On trouve ainsi tout au long de
Empyrée son lot de mélodies épiques à vous hérisser le poil et vous donner la chair de poule. "Centaures" et son entrée en matière fracassante, "Au Sépulcre Des Astres" et ses voix célestes (qu’elles soient sous forme de chœurs masculins comme à 1:08 ou imputable au simple organe de Khaosgott à 1:19 et 5:45) transportant l’auditeur en état de grâce, les incursions mélodiques plus subtiles de l’excellent "Inanité Des Noirs Mensonges" qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler un certain Mayhem par sa vélocité, le riff principal de "Même Mort, Il Brûle" et puis bien entendu cette reprise improbable d’Aphrodite’s Child, groupe grec formé à la fin des années 60 et dans lequel a quand même joué Vangelis (c’est à lui que l’on doit notamment la bande-originale du film Blade Runner) et Demis Roussos. Alors oui, ça peut faire marrer sauf qu’Aphrodite’s Child était quand même un sacrée groupe de Pop/Rock progressif à l’aura assez désespérée. La relecture qu’en fait ici Cénotaphe est en tout cas pour le moins personnel puisque outre cette première partie bien plus longue, le groupe à également fait le choix d’en faire ici un titre purement instrumental. On entend bien quelques voix fantomatiques de temps à autres mais les paroles chantées par Demis Roussos ont par contre complètement disparu. Il faut dire que certains couplets ne collent pas vraiment avec l’ambiance :
You should come with me to the end of the world
We could lie all day on the quiet sands
I would introduce you to my friend the bird
Who sings and flies along the fairy strand
Enfin, et vous l’aurez peut-être déjà remarqué, mais la durée de l'ensemble est tout sauf excessive (trente-trois minutes) grâce à des titres menés bien souvent à brûle-pourpoint. Une cadence particulièrement soutenue qui permet de ne pas faire oublier que derrière ce caractère mélodico-tragique que se plait à dépeindre Cénotaphe se trouve tout de même un groupe de Black Metal aux attaques particulièrement redoutables.
De prime abord pas à la hauteur des premières sorties du groupe (encore et toujours ce même
Horizons en guise de référence ultime), ce second EP se révèle pourtant une fois de plus tout à fait surprenant dans cette capacité qu’il a à séduire au fil des écoutes. Fondamentalement, la formule dispensée ici par Cénotaphe n’a pas changé d’un iota, entre hommage à la vieille garde française, références évidentes aux premières heures de la seconde vague norvégienne, le tout recraché avec finalement beaucoup de personnalité (le chant tout en tripes de Khaosgott toujours aussi prenant, ces mélodies moins évidentes mais capables d’évoquer peu ou prou les mêmes sentiments, les mêmes sensations…) qui font de
Empyrée et plus généralement de Cénotaphe l’un des joyaux du Black Metal français.
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