Si les choses s’étaient déroulées comme prévu, ce split réunissant les Français de Cénotaphe et les Finlandais de Circle Of Ouroborus aurait dû sortir sur Kuunpalvelus Records. Sauf qu’évidemment ça ne s’est pas vraiment passé comme ça puisque le label finlandais a bizarrement cessé toutes activités du jour au lendemain, laissant ainsi les deux formations le bec dans l’eau. Ne souhaitant pas voir le fruit de leurs efforts si vite et si cruellement relégué aux oubliettes, les deux formations ont choisi de faire contre mauvaise fortune bon cœur en s’associant avec le label américain Final Agony (Maléfices, Orgy Of Carrion, Ultima Thule, Rhinocervs…). Paru fin décembre, quinze jours seulement avant l’arrivée d’
Empyrée chez Nuclear War now ! Productions, ce split n’a souffert ni de son format, ni d’un planning particulièrement chargé (en tout cas pour Cénotaphe) ni même d’une période peu propice à toute sortie (celle des fêtes de fin d’année) puisqu’après avoir été rapidement sold-out il a même été repressé, chose finalement plutôt rare pour ce type de sortie.
Cet objet simple dans sa confection et sa représentation laisse entrevoir une fois encore ce goût particulièrement prononcé que porte Cénotaphe pour certains artistes du 19ème siècle, notamment ces peintres qu’étaient Alfonso Mucha, Jean Delville, Jacek Malczewski ou Odilon Redon dont le travail sert ici d’illustration ("L'œil, comme un ballon se dirige vers l’infini" - 1882). Grâce à ce souci du détail, Cénotaphe s’est depuis la sortie de
La Larve Exulte bâti un univers bien loin des clichés portés bien souvent par le Black Metal. Une vision emprunte d’un fort romantisme (que l’on retrouve également dans les paroles du groupe largement inspirées par certains poètes et écrivains de la même période comme Guy de Maupassant, Stéphane Mallarmé ou Aloysius Bertrand) qui en fait depuis le début un groupe tout à fait à part malgré ces liens de parentés entretenues bon gré mal gré avec Nécropole et même Caverne.
Sur la première face, on trouve ainsi quatre nouveaux morceaux de Cénotaphe. Des titres qui ne datent pas vraiment d’hier puisqu’ils ont effectivement été enregistrés durant l’hiver 2016/2017 lors de la même session qui a vu poser sur bande les titres d’
Horizons. Pourtant ces morceaux ne sont pas tout à fait identiques. Là où certains titres de ce EP possèdent quelque chose de terriblement accrocheur grâce à des mélodies épiques à vous donner la chair de poule ("Ce Qui Souffre, Ce Qui Suinte", "Bourreaux Et Suppliciés", "Entre Quatre Cierges De Cire Et De Sang"), ceux de ce split se font terriblement moins immédiats. Une impression qui dans un premier temps m’a fait me désintéresser de cette sortie alors qu’il faut bien se rendre à l’évidence, celle-ci est une fois encore de haute volée. Non, ces quelques morceaux ne sont peut-être pas aussi flamboyants que ceux cités trois lignes plus haut mais ils n’en sont pas moins réussis pour autant. Car une fois encore, rien n’a vraiment changé du côté de Cénotaphe dont le Black Metal conserve ces traits si particuliers à commencer par cette amertume évidente (cette voix écorchée, reconnaissable entre mille, est clairement l’un des atouts majeurs de Cénotaphe) et ce goût pour les mélodies romantiques et amers. Seulement les choses sont amenées ici de manière peut-être plus subtile ou en tout cas moins évidente comme l’atteste le superbe "Surgi De La Croupe Et Du Bond" dont la mélodie principale, si elle ne saute pas aux oreilles lors des premières écoutes, finit tout de même par s’immiscer en vous subrepticement. Et le constat est identique sur les autres morceaux du groupe avec des pointes mélodiques effectivement moins éclatantes, dispensées également avec davantage de retenue mais cependant toujours particulièrement accrocheuses et surtout chargées encore une fois de ces sentiments qui font de Cénotaphe ce groupe à part. Notons enfin que le format de certaines compositions s’est quelque peu allongé avec deux titres affichés ici à plus de huit minutes. Non pas que Cénotaphe ait décidé de ralentir la cadence mais plutôt de s’octroyer tout simplement la possibilité d’allonger ces moments de calme modéré, notamment à travers deux ponts centraux, permettant ainsi d’apporter du relief à l’ensemble.
La seconde face m’a quant à elle permis de faire la connaissance des Finlandais de Circle Of Ouroborus dont j’avais bien sûr déjà entendu parler sans pour autant chercher à y jeter une oreille. Formé en 2004 dans la ville de Tampere, ce duo compte à ce jour une discographie longue comme le bras constituée d’albums, de démos, de splits et de EPs naviguant plus ou moins dans les sphères d’un Black Metal Shoegaze aux accents Post-Punk plutôt évidents. Oscillant entre six et dix minutes, les trois morceaux proposés par le duo finlandais auraient pu aisément me laisser sur le bas-côté, notamment à cause de ce chant poussif et maladroit ou bien à cause de ce côté vaporeux et plutôt répétitif mais non, il n’en est rien. A vrai dire, je suis même plutôt séduit par ce qu’il m’a été donné d’entendre ici. Il faut dire que les mélodies dispensées par la formation ont de quoi accrocher l’oreille. Celles-ci sont telles que si on les mettait de côté et qu’on leur enlevait ce son distordu, on pourrait alors croire à un groupe d’Indie Rock ou de Post-Punk des années 90. Cette basse toute en rondeurs, ces riffs lancinants développant des atmosphères contemplatives dans lesquelles il est bon de se perdre, ces cadences peu soutenues et pourtant entêtantes… La musique de Circle Of Ouroborus tient effectivement beaucoup plus du voyage que d’autre chose (notamment les excellents "Aurinkoonkatsoja" et "Liekkinä Lyhdyssä", "Vala" étant moins immersif à mon goût et surtout plus sombre) et donne envie de s’y plonger corps et âme malgré toutes ces petites choses qui de prime abord pourraient sembler être de sacré défauts. En tout cas, ce caractère tout à fait unique en fait un partenaire idéal pour Cénotaphe puisque tous les deux se complètent ici à la perfection, offrant ainsi une autre vision du Black Metal sans les mêmes sempiternels clichés auxquels j’adhère pourtant toujours à fond...
Malgré mes réserves je ne peux aujourd’hui que me montrer enthousiaste face à ce split généreux qui frise ici les cinquante minutes. Déjà parce que les morceaux de Cénotaphe, s’il ne sont pas aussi accrocheurs que ceux d’
Horizons, confirment cependant qu’il est l’un des groupes (français) les plus intéressants à suivre ces derniers mois. Ensuite parce qu’il m’a permis de poser enfin le pied à l’étrier dans la discographie de ce groupe étrange qu’est Circle Of Ouroborus et qui depuis ses débuts semblent ainsi voguer au gré de ses envies sans se soucier de faire quoi que ce soit comme les autres. Bien sûr, tous les deux renvoient par moment à des choses déjà entendues ailleurs (la musique des Finlandais n’est pas sans rappeler celle d’Urfaust par exemple) mais encore une fois, il y a chez ces deux formations quelque chose d’absolument unique qui fait toute la différence. Magnifique.
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