Vassafor - To The Death
Chronique
Vassafor To The Death
Les néo-zélandais de Vassafor te sont forcément familiers si, comme moi, tu apprécies que ton BM soit mâtiné d’ambiances obscures et ésotériques, de symboles secrets et d’une once d’originalité crasse qui le différencie de la masse. Forts d’un nombre de démos, split et compil’ à faire pâlir un groupe de grind, To the death n’est pourtant que le troisième album des océaniens. Et si Obsidian Codex m’avait emballé, Malediction m’avait laissé sur ma faim, comme si l’effet de surprise était passé.
Pourtant, Vassafor a ce quelque chose que bien d’autres groupes n’ont pas ou plus : une science de la composition remarquable, un riffing classieux, des morceaux très long dont les structures limite prog’ leur permettent de développer leurs (nombreuses) idées et un lot d’ambiances funèbres qui baignent leurs morceaux d’une aura maléfique tout à fait distincte.
To the death débute sous des auspices reconnaissables entre mille. En 12 minutes, les atmosphères sont posées. Riffing ultra chaotique et dissonant en guise d’intro, tambours lointains et accords lourds et heavy en pagaille viennent agrémenter un premier très long titre qui sent l’occulte à des kilomètres à la ronde et diffuse une menace latente permanente. Lent, pesant, le morceau est également surchargé en informations, en arrangements variés. Alors que le riff principal tourne sur des boucles plutôt heavy, les voix grondent en arrière-plan sur un tempo pesant, qui voit également se tisser quelques passages mélodiques et, subitement, une accélération meurtrière, mi-thrash, mi-black. Les arrangements sur la batterie sont nombreux, très distincts, la structure, je l’ai souligné, est surchargée en infos musicales, le chaos semblant pourtant bien maîtrisé.
Cette architecture se retrouve sur la plupart des titres. Les détails sont légion, comme ces voix féminines de sorcières ricanant sur To the death, ces petites boucles ultra mélodiques pleines de réverb’sur Egregore rising, les passages bourrés d’emphase après le départ chaotique sur Eyrie ou encore l’interlude bienvenu, Black Talon, menaçant et reposant à la fois, avec ses quelques notes aériennes égrenées. Les tempi varient plusieurs fois dans le même morceau, ne laissant jamais l’auditeur dans une trame confortable, connue ou assimilée. To the death alterne ainsi les passages heavy mid-tempo avec des phrasés nettement plus écrasants ou totalement épileptiques, presque thrash. Egregore rising et Eyrie en font de même, privilégiant l’attaque franche et brutale dès le départ, quasi épileptique, avec une batterie au bord de la rupture, avant de se raviser et de développer des ambiances plus martiales ou plus rampantes. Le tout dans une dynamique incroyable, portée par un son tout à la fois extrêmement sale et suffisamment clair pour que tous les instruments puissent être entendus. Quand on sait que c’est Greg Chandler qui a procédé au mastering, on ne s’en étonne plus.
Etouffant tant en raison du son développé que du caractère ultra chargé des structures ou de la longueur des morceaux, ce To the death n’est pourtant jamais écœurant. La seconde partie de l’album, à partir de Black Talon, vire en effet plus mystique. Le chant se fait plus profond et plus hanté. Le tempo ralentit légèrement, le riffing gagne en puissance et en profondeur abyssale (The Burning Æthyr, dont le riffing pataud semble « traîner » le morceau derrière lui ; Emanation from the Abyss, son départ doomisant ultra mélodique et sa fin ultra mélodique, tout en dissonances aériennes). Le son claque davantage sans gagner en clarté. Les soli et les mélodies hypnotiques s’entendent en arrière-plan, comme un leitmotiv pour souligner davantage encore le caractère rampant de ces derniers titres. Toute accélération n’est pas gommée pour autant, loin s’en faut, mais elles servent alors de pont central entre les deux parties des morceaux (The Burning Æthyr, superbe morceau, Emanation from the Abyss et ses boucles mélodiques tournoyantes sur les quelques accélérations qui parsèment le titre).
Quant au morceau final, le pachydermique Singularity et ses plus de 17 minutes, il contribue à asseoir un album en tous points remarquable. Coupé en deux par un interlude ambiant, il reprend les codes des morceaux précédents, du riffing de luxe, de la mélodie pour démarrer et des soli entremêlés, noyés dans la masse mouvante des riffs qui avancent tantôt à la vitesse du son, tantôt à celle de l’éléphant. Synthèse parfaite, ce Singularity offre tous les visages de Vassafor ramassés en un peu plus de 17 minutes.
Ce To the death est une œuvre magistrale, dans laquelle il faut prendre le temps de s’immerger pour en percevoir toutes les subtilités et en comprendre tous les arrangements. Riche, mystique et profondément pertinent, To the death est amené à faire date.
| Raziel 14 Mars 2021 - 1551 lectures |
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